Poésies de l'époque des Thang
Traduites et annotées par le marquis d'HERVEY-SAINT-DENYS (1822-1892)
Première édition, Amyot, Paris, 1862. CXII+301 pages. Réimpression Éditions Champ Libre, 1977.
Table des matières
Extraits : Li-taï-pé : Le brave — En bateau — Thou-fou : Le départ des soldats et des chars de guerre — Les huit immortels dans le vin
Ouang-po : Partie de plaisir dans la montagne — Pé-kiu-y : En annonçant à Youen-pa...
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L'art poétique et la prosodie chez les Chinois.
Poésies de l'époque des Thang
- Li-taï-pé : À Nan-king — Le brave — En bateau — En face du vin — La chanson des quatre saisons — Sur les bords du Jo-yeh — Le retour des beaux jours — Strophes improvisées — Le palais de Tchao-yang — Un jour de printemps, le poète exprime ses sentiments au sortir de l’ivresse — Sur la Chanson des têtes blanches — Le poète descend du mont Tchong-nân et passe la nuit à boire avec un ami — Pensée dans une nuit tranquille — La perdrix et les faisans — Chanson à boire — À cheval ! à cheval et en chasse ! — Quand les femmes de Yu-tien cueillaient des fleurs — À l’heure où les corbeaux vont se percher sur la tour de Kou-sou — Chanson des frontières — Même sujet — Pensées d’automne — Offert à un ami qui partait pour un long voyage — Le cri des corbeaux à l’approche de la nuit — La chanson du chagrin
- Thou-fou : Promenade sur le lac Meï-peï — Avec de jeunes seigneurs et de galantes jeunes filles, le poète va respirer la fraîcheur du soir — Le départ des soldats et des chars de guerre — La pluie de printemps — Le vieillard de Chao-ling — Le recruteur — Offert à Pa, lettré retiré du pays de Oey — Une belle jeune femme — Le village de Kiang — La nouvelle mariée — Les huit immortels dans le vin — Une nuit de loisir dans la maison de campagne d'un ami — Vers impromptus sur une peinture de Ouang-tsaï — Le fugitif — Au coucher du soleil — Au général Tsao-pa — A Tchao-fou qui, prétextant une maladie, se retirait vers les régions de l'Orient — Le poète voit en songe son ami Li-taï-pé — Le neuvième jour du neuvième mois, en montant aux lieux élevés — Devant les ruines d’un vieux palais — En bateau, la veille du jour des aliments froids — Chant d’automne
- Ouang-po : Le pavillon du roi de Teng — Partie de plaisir dans la montagne, près d'une source appelée la Source du printemps
- Yang-khiong : Chant du départ — Le vieux pêcheur
- Oey-tching : Le poète expose ses sentiments
- Tchin-tseu-ngan : Quand on porte une pensée dans son cœur on la loge dans ses yeux, et si les sentiments veulent s'échapper on les confie à la parole — Le poète prend congé d’un ami
- Lo-pin-ouang : En prison, le poète entend chanter la cigale
- Song-tchi-ouên : La pluie venue du mont Ki-chan
- Kao-chi : Le retour dans la montagne — Tristesse — Impressions d’un voyageur loin de son pays — Au poète Thou-fou — A Tong-ta, lettré célèbre, qui partait pour un voyage lointain
- Ouang-oey : A un ami absent — En se séparant d’un voyageur — Adieux au printemps — La montagne n'est que silence et solitude. Lire la suite
Le brave de Tchao attache son casque avec une corde grossière ;
Mais son sabre, du pays de Ou, est poli comme la glace et brillant comme la neige ;
Une selle brodée d’argent étincelle sur son cheval blanc,
Et quand il passe, rapide comme le vent, on dirait une étoile qui file.
A dix pas il a déjà tué son homme ;
Cent lieues ne sauraient l’arrêter.
Après l’action, il secoue ses vêtements et le voilà reparti.
Quant à son nom, quant à ses traces, il en fait toujours un secret.
S’il a du loisir, il s’en va boire chez Sin-ling ;
Il détache son sabre et le met en travers sur ses genoux.
Le prince ne dédaignera ni de partager le repas de Tchu-haï,
Ni de remplir une tasse pour l’offrir à Heou-hing.
Trois tasses bues pour une chose convenue, c’est un engagement irrévocable ;
Les cinq montagnes sacrées pèseraient moins que sa parole.
Quand ses oreilles s’échauffent, quand le vin commence à troubler sa vue,
Rien ne semble impossible à son humeur impétueuse ; il embrasserait un arc-en-ciel.
Un marteau lui suffit pour sauver un royaume,
Le seul bruit de son nom inspire autant d’effroi que le tonnerre ;
Et, depuis mille automnes, deux de ces hommes forts
Vivent toujours avec éclat dans la mémoire des habitants de Ta-leang.
Les os d’un brave, quand il meurt, ont donc au moins le parfum de la renommée ;
N’est-ce point pour faire rougir tout homme d’élite qui ne s’adonne qu’à l’étude !
Qui pourrait acquérir un tel nom, la tête inclinée devant sa fenêtre,
En y blanchissant sur les livres comme l’auteur du Taï yun king ?
Un bateau de cha-tang avec des rames de mou-lan ;
De jeunes musiciennes sur les bancs, avec des flûtes d’or et de jade ;
Du vin exquis dans des coupes mille fois remplies ;
Emmener avec soi le plaisir, et se laisser porter par les flots.
Les immortels m’attendent, montés sur leurs cigognes jaunes,
Tandis qu’insouciant et tranquille, je vogue au milieu des mouettes blanches.
Les sublimes inspirations de Kio-ping nous restent comme un monument qui s’élève à la hauteur des astres ;
Que sont devenus les tours et les pavillons du roi de Tsou, jadis accumulés sur ces collines désertes !
Quand l’ivresse m’exalte, j’abaisse mon pinceau, j’ébranle de mes chants les cinq montagnes sacrées,
Je suis joyeux et je suis fier, je me ris de toutes les grandeurs.
Puissance, richesse, honneurs, quand vous serez d’assez longue durée pour que je vous estime,
On verra donc le fleuve Jaune partir de l’Occident pour couler vers le Nord.
Ling ling, les chars crient ; siao siao, les chevaux soufflent ;
Les soldats marchent, ayant aux reins l’arc et les flèches.
Les pères, les mères, les femmes, les enfants leur font la conduite, courant confusément au milieu des rangs ;
La poussière est si épaisse qu’ils arrivent jusqu’au pont de Hien-yang sans l’avoir aperçu ;
Ils s’attachent aux habits des hommes qui partent, comme pour les retenir, ils trépignent, ils pleurent ;
Le bruit de leurs plaintes et de leurs gémissements s’élève véritablement jusqu’à la région des nuages.
Les passants, qui se rangent sur les côtés de la route, interrogent les hommes en marche ;
Les hommes en marche n’ont qu’une réponse : Notre destinée est de marcher toujours.
Certains d’entre eux avaient quinze ans quand ils partirent pour la frontière du Nord ;
Maintenant qu’ils en ont quarante, ils vont camper à la frontière de l’Ouest.
Comme ils partaient, le chef du village enveloppa de gaze noire leur tête à peine adolescente ;
Ils sont revenus la tête blanchie, et ne sont revenus que pour repartir.
Insatiable dans ses pensées d’agrandissement,
L’empereur n’entend pas le cri de son peuple.
En vain des femmes courageuses ont saisi la bêche et conduisent la charrue ;
Partout les ronces et les épines ont envahi le sol désolé,
Et la guerre sévit toujours, et le carnage est inépuisable,
Sans qu’il soit fait plus de cas de la vie des hommes que de celles des poules et des chiens.
Bien qu’il se trouve des vieillards entre ceux qui interrogent,
Les soldats osent exprimer ce qu’ils ressentent, d’un ton violemment irrité ;
Ainsi donc, disent-ils, l’hiver n’apporte pas même un moment de trêve,
Et les collecteurs viendront encore pour réclamer ici l’impôt.
Mais cet impôt, de quoi donc pourrait-il sortir ?
N’en sommes-nous pas venus à tenir pour une calamité la naissance d’un fils,
Et à nous réjouir au contraire quand c’est une fille qui naît parmi nous ?
S’il vient une fille, on peut du moins trouver quelque voisin qui la prenne pour femme ;
Si c’est un fils, il faut qu’il meure et qu’il aille rejoindre les cent plantes 6.
Prince, vous n’avez point vu les bords de la mer bleue,
Où les os des morts blanchissent, sans être jamais recueillis,
Où les esprits des hommes récemment tués importunent de leurs plaintes ceux dont les corps ont depuis longtemps péri.
Le ciel est sombre, la pluie est froide, sur cette lugubre plage, et des voix gémissantes s’y élèvent de tout côté.
Ho-tchi-tchang, sur un cheval, semble ramer sur un bateau ;
Un jour que l’ivresse troublait sa vue, il tomba au fond d’un puits, et s’y endormit plongé dans l’eau.
C’est quand Yu-yang a vidé trois urnes, qu’il va faire sa cour à l’empereur ;
La seule rencontre d’une charrette de grain rend à l’instant ses lèvres humides.
Il voudrait bien être gouverneur dans le pays de la source du vin.
En une journée, le ministre Li-ti-chy dépense joyeusement dix mille tsien.
Il boit comme une longue baleine, il avalerait cent rivières ;
La tasse en main, il proclame qu’il aime le vin très pur, mais qu’il évite avec soin le vin douteux.
Tsoung-tchi, dans sa jeunesse, était d’une beauté remarquable ;
Il regardait, en buvant, l’azur du ciel, et montrait le blanc de ses yeux ;
Ensuite on eût dit un grand arbre de jade, battu et incliné par le vent.
Sou-tsin, devant l’image de Bouddha, garde un jeûne des plus sévères ;
Mais quand il commence à boire, il oublie la doctrine et le couvent.
Sous l’influence d’une seule mesure de vin, Li-taï-pé produit aussitôt cent pièces de vers.
Un soir qu’il sommeillait à demi, au fond d’une taverne de Tchang-ngan,
L’empereur le fit appeler pour se promener avec lui en bateau. Li-taï-pé s’y refusa.
« Dites à l’empereur, répondit-il, que son sujet est un immortel dans le vin. »
Tchang-hio, dès qu’il a bu trois tasses, devient vraiment le dieu du pinceau ;
Il ôte fièrement son bonnet, sans se soucier des rois ni des princes ;
L’inspiration guidant sa main, les caractères descendent sur le papier, légers comme des nuages de fumée.
Il faut cinq grandes mesures à Tsiao-soui pour porter sa verve à son comble ;
Mais il devient alors d’une éloquence à jeter ses convives dans la stupeur.
Les vêtements ouverts au souffle d’un vent frais, on a monté gaiement par des sentiers
pierreux ;
On range les nattes et l’on prend place autour de la Source du printemps.
L’odeur des épidendrons parfume le vin qui coule en abondance,
Au bruissement des pins de la montagne se marient les sons harmonieux de la plaine.
Puis, quand les ombres s’allongent et gagnent les lieux découverts,
Alors qu’on a largement savouré l’arôme des mets et des fleurs,
La verve des convives se calme en même temps que le jour décline,
Que les forêts et les étangs s’assombrissent, et que, du milieu des roches amoncelées, surgissent peu à peu les vapeurs du soir.
Ami de mon enfance et de ma vie entière, ami qui connaissez si bien tous les sentiers de mon
cœur,
Si je désire abriter ma demeure à l’orient de la vôtre, ce n’est point, vous le savez, le soleil seul que j’y viens chercher.
Nous pourrons jouir ensemble, à l’avenir, des plus belles nuits de clair de lune ;
Ce seront désormais les mêmes saules qui nous annonceront le printemps.
Dès que la moindre affaire m’appelait hors de chez moi, je songeais aussitôt à vous avoir pour compagnon ;
Comment ne saisirais-je pas avec empressement l’occasion de vous avoir maintenant pour voisin !
Tant que la vie animera mon corps, mes yeux auront la joie de vous voir constamment,
Et plus tard, enfin, mes petits-enfants vivront encore tout près des vôtres.
- Mong-kao-jèn : Visite à un ami à un ami dans sa maison de campagne — Le poète attend son ami dans une grotte dans une grotte du mont Nié-chy
- Tchang-kien : Une nuit dans la montagne — Le tombeau de Tchao-kiun — Le lever du soleil au couvent du mont Po-chan
- Thao-han : Le poète passe la nuit au couvent de Tien-tcho
- Oey-yng-voé : La solitude
- Ouang-tchang-ling : Méditation — La chanson des nénuphars
- Tsin-tsan : Improvisé devant les fleurs — Un songe de printemps
- Tchang-tsi : Une femme fidèle à ses devoirs
- Pé-kiu-y : L’herbe — En annonçant à Youen-pa qu'il va devenir son voisin
- Li-chang-yn : Ma-oey
- Peï-y-tchi : Les mesures de jade
- Tchang-jo-hou : Le printemps, le Kiang, la lune, les fleurs et la nuit
- Tchu-ouan : Le poète découvre la retraite d’un lettré de ses amis qui vivait retiré dans la montagne
- Tsoui-hao : Sur la rivière de Jo-yeh — Au départ pour les frontières
- Tchang-sin : Le bruit des fifres
- Tchu-kouang-hi : L’étudiant — La maison des champs
- Thang-han-king : La statue de la Tisseuse céleste
- Ouang-leng-jèn : Sur un vieil arbre couché au bord de l’eau sur le sable du rivage
- Li-y : Le poète passe une nuit d’été sous les arbres
- Tchang-oey : En bateau et la tasse à la main
- Tsien-ki : Souvenir de l’Antiquité évoqué par une longue nuit d'automne
- Pe-lo-yé : L’isolement
- Tsoui-min-tong : S’enivrer au milieu des fleurs
- Han-ouo : Imitation de Tsoui-kouè-fou
- Kheng-tsin : Les oiseaux s’envolent et les fleurs tombent
- Taï-cho-lun : Dans une hôtellerie, le dernier soir d’une année qui s’accomplit