Tch’ouen Ts’iou et Tso tchouan [Chunqiu, Zuozhuan], tome III
La chronique de la principauté de Lòu (721-480) par Confucius
Commentaire sous le nom de Tso K’ieou-ming.
Tome III (540-468), pages 1-774 de 828.
Traduit par Séraphin COUVREUR (1835-1919).
Les Humanités d’Extrême-Orient, Cathasia, série culturelle des Hautes Études de Tien-Tsin,
Société d'édition Les Belles Lettres, Paris, 1951. Première édition : 1914.
Voir aussi : Tome premier. Tome deuxième.
Se reporter à la page du tome premier pour la présentation de l'ouvrage.
Extraits : 540. Choix d'un mari - 540. Hallucinations - 540/534. Maladies
534. L'esprit de Pe iou - La succession de Koung ouang - 522/512. Dragons
513. La fille de Ou Tch’en - 505. Préséance à Kao iou - 499. L'entrevue de Kia kou
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Siu ou Fan de Tcheng avait une sœur qui était très belle. Tch’ou (Tsèu nân), petit-fils de Mŏu kōung de Tcheng, la demanda pour fiancée. Koung
suen He (Tseu si) envoya aussi un messager qui de force introduisit une oie (présent ordinaire des fiançailles, dans la maison de Fan). Fan, effrayé (d’avoir à décider entre tels rivaux), avertit
Tseu tch’an. T’seu tch’an lui dit :
— Cela provient de ce que l’État n’a pas de gouvernement. Seigneur, vous n’êtes pas le seul à avoir un sujet de chagrin. La seule chose à faire est de donner votre sœur à qui elle voudra.
Fan proposa un arrangement aux deux officiers. Il leur proposa de laisser à sa sœur le choix entre eux deux. Tous deux acceptèrent. Tseu si (Koung suen He), magnifiquement paré, entra dans la
cour de la maison de Fan, étala ses présents et partit. Tseu nan entra aussi, mais en habits militaires, lança des flèches à droite et à gauche, sauta sur son char et sortit. La jeune fille les
avait regardés de ses appartements. Elle dit :
— Tseu si est vraiment beau ; mais Tseu nan est d’un caractère viril. Que le mari soit vraiment homme et son épouse une faible femme, cela convient.
Elle alla épouser Tseu nan. Tseu si en fut irrité. Quelque temps après, muni de son arc et de sa cuirasse, il alla demander à voir Tseu nan. Il voulait le mettre à mort et enlever sa femme. Tseu
nan connut son dessein, prit sa lance et le poursuivit. Arrivé à un carrefour, il lui donna un coup de lance. Tseu si blessé s’en retourna.
Il porta plainte aux grands préfets. Il leur dit :
— J’allais lui faire une visite d’amitié. Je ne savais pas qu’il avait mauvaise intention, et j’ai été blessé.
Tous les grands préfets délibérèrent sur cette affaire. Tseu tch’an leur dit :
— Le bon droit est égal de part et d’autre. (Tseu nan, qui le premier s’était fiancé avec la sœur de Fan, avait le droit de l’épouser. Mais Tseu si a raison de se plaindre d’avoir été blessé).
Celui qui est le plus jeune et d’un rang moins élevé est coupable ; une faute pèse sur Tch’ou (Tseu nan).
Tseu tch’an fit saisir Tseu nan, et lui énuméra ses fautes en ces termes :
— Dans un État il y a cinq règles importantes ; vous les avez violées toutes. Craindre l’autorité du prince, observer les règlements de l’administration, honorer ceux qui sont d’un rang plus
élevé que nous, servir ceux qui sont d’un âge plus avancé, prendre soin des parents ; ces cinq choses constituent un État. Or, le prince étant dans la capitale, vous avez fait usage de vos armes.
Vous n’avez pas craint l’autorité ; vous avez violé les lois de l’État et enfreint les règlements administratifs. Tseu si est un grand préfet, de haut rang ; vous êtes un grand préfet de bas
étage. Vous ne vous êtes pas mis au dessous de lui. Vous n’avez pas respecté la dignité. Vous êtes plus jeune que lui, et vous n’avez pas craint de l’offenser. Vous n’avez pas eu la déférence due
à l’âge. Avec votre arme vous avez blessé votre cousin ; vous n’avez pas été bienfaisant envers votre parent.
Le prince de Tcheng dit à Tseu nan :
— Je n’ai pas le cœur de vous punir de mort. Je vous accorde la faveur de vous retirer loin d’ici. Tâchez de vous en aller promptement. N’aggravez pas votre faute (en demeurant ici
longtemps).
Le prince de Tsin demanda un médecin à Ts’in. Le prince de Ts’in ordonna au médecin Houo d’aller le voir. Le médecin (y alla et) dit au prince de
Tsin :
— Il n’y a rien à faire pour cette maladie. C’est le cas de dire que, quand le malade approche des appartements des femmes, il est comme halluciné. L’hallucination, la perte de la raison ne sont
pas causées par les mauvais esprits ni par la nourriture, (mais par la passion). Votre excellent ministre Tchaó Méng mourra. Le ciel ne le protège pas (parce qu’il ne vous aide pas à vous
corriger).
Le prince dit :
— Est-ce que je ne puis pas approcher des femmes ?
Le médecin répondit :
— En cela on doit garder une juste mesure.
« Les anciens souverains employaient la musique pour établir une juste mesure en toutes choses. Dans la musique les cinq sons (les cinq notes de la gamme) sont en mesure. Les mouvements lents et
les mouvements rapides se suivent sans interruption du commencement à la fin. Les sons sont justes ; puis s’arrêtent. Après cinq arrêts ou poses, (le morceau est fini), les luths doivent cesser.
Alors si la main continue encore, c’est trop de musique. Elle flatte l’oreille et le cœur ; mais l’esprit se ferme (il ne discerne plus) ; il perd son calme et son équilibre. Le sage refuse
d’entendre cette musique. Il en est de même de toutes choses. Quand elles en viennent à l’excès, il faut cesser. Sinon, on devient malade. Le sage touche le luth pour régler ses sentiments comme
il convient, non pour un vain plaisir.
« Le temps varie de six manières différentes. Ces six variations du temps engendrent les cinq saveurs (sīn suān hiên k’òu kān âcre, acide, salée, amère, douce). Les cinq saveurs produisent les
cinq couleurs (pĕ ts’īng hĕ tch’ĕu houâng blanche, verte, noire, rouge, jaune). Les cinq couleurs ont pour effets les cinq sons (chāng kiŏ iù tchèu kōung). L’excès engendre les six sortes de
maladies. Les six variations du temps sont le froid, le chaud, le vent, la pluie, les ténèbres, la lumière. Elles produisent la différence des quatre saisons, et l’ordre des cinq divisions de
l’année solaire. Quand elles sont excessives, elles causent des calamités. L’excès du froid cause le refroidissement L’excès du chaud cause l’échauffement (l’essoufflement, la soif). L’excès du
vent rend les extrémités malades (cause le rhumatisme, la goutte, la paralysie). L’excès de pluie cause des maux de ventre. L’excès de ténèbres cause l’aveuglement de l’esprit. L’excès de lumière
cause la fatigue d’esprit (l’esprit travaille trop). La femme est iâng ŏu la propriété de l’homme, sa compagne la nuit. S’il en use avec excès, il contracte une maladie d’échauffement intérieur ;
son esprit devient aveugle, halluciné. Le prince en use sans modération, en dehors du temps voulu. Comment pourrait-il n’être pas réduit à cet état maladif ?
Le médecin quitta le prince, et donna des explications à Tchao Meng. Tchao Meng lui demanda quel était celui qu’il avait appelé excellent ministre. Le médecin répondit :
— C’est vous-même, Seigneur. Vous aidez à gouverner la principauté de Tsin depuis huit ans. La principauté de Tsin n’a pas de trouble ; les États alliés lui sont fidèles. Vous méritez d’être
appelé excellent ministre. Mais voici ce que moi Houo, j’ai entendu dire. Le premier ministre d’un État est honoré de la faveur du prince, reçoit des émoluments considérables, remplit des
fonctions importantes. S’il survient une calamité, un malheur, et qu’il n’y remédie pas, il subit toujours son châtiment. Or le prince de Tsin en est venu au point de se rendre malade par ses
excès. Il ne pourra plus veiller et travailler à la garde des autels. Se peut-il malheur plus grand ? Vous ne savez pas l’arrêter ; c’est pourquoi j’ai dit (que l’excellent ministre
mourra.).
Tchao Meng demanda :
— Qu’appelez-vous kòu hallucination ?
Le médecin répondit :
— On appelle kòu ce qui produit l’excès, l’affection déréglée, l’erreur, le trouble. La lettre kòu est composée des deux lettres ming récipient et tch’ôung ver ou reptile. L’insecte ailé qui naît
dans le grain longtemps emmagasiné s’appelle kòu. Dans le I king de Tcheou koung, la femme qui séduit l’homme, le vent qui renverse une colline sont appelés kòu. Toutes ces choses se
ressemblent.
Tchao Meng dit :
— C’est un excellent médecin.
Il le combla de présents et le congédia.
540. Le prince de Tsin étant malade, le prince de Tcheng envoya Koung suen K’iao (Tseu
tch’an) à Tsin lui faire une visite d’amitié, et interroger sur l’état de sa santé. Chou Hiang adressa une question à Tseu tch’an. Il lui dit :
— La maladie de notre prince, au dire des devins, est causée par Cheu tch’en et T’ai t’ai. Les historiographes ne connaissent pas ces deux esprits. Je me permets de vous demander ce que sont ces
esprits.
Tseu tch’an répondit :
— Autrefois Kao sin (l’ancien empereur Ti k’ou) eut deux fils. L’aîné s’appelait Ngo pe, et le plus jeune Cheu tchen. Ils demeurèrent à K’ouang... (pays à présent inconnu). Ils ne purent
s’accorder. Chaque jour ils prenaient le bouclier et la lance pour s’attaquer l’un l’autre. Le souverain (l’empereur Iao) trouva cette conduite mauvaise. Il transféra Ngo pe à Chang k’iou, et le
chargea de faire des offrandes à l’esprit de l’étoile Tch’en (Antarès du Scorpion). Les habitants de Chang k’iou (ancêtres de la dynastie Chang) imitèrent Ngo pe (et honorèrent l’étoile Tch’en) ;
c’est pourquoi Tch’en devint (et fut appelée) l’étoile des Chang. L’empereur Iao transféra Cheu tch’en à Ta hia, et le chargea de faire des offrandes à l’esprit de la constellation Chen (qui fait
partie d’Orion). Les habitants de T’ang (descendants de Iao) imitèrent Cheu tch’en, (honorèrent la constellation Chen et) servirent les dynasties des Hia et des Chang. Le dernier prince de T’ang
s’appela Chou Iu de T’ang (il était fils de Ou ouang et frère puîné de Tch’eng ouang). Quand I Kiang, femme de Ou ouang, était enceinte de T’ai Chou (Chou Iu), elle vit en songe le Souverain du
ciel qui lui dit : « Je veux que le fils qui vous naîtra s’appelle Iu. Je lui donnerai T’ang. Je lui confierai la charge d’honorer la constellation Chen et je multiplierai ses descendants.
»
« Quand l’enfant naquit, il portait écrit dans la main le caractère Iu. En conséquence on lui imposa le nom de Iu. Quand Tch’eng ouang éteignit l’ancienne famille des princes de T’ang, il donna
T’ang à son frère T’ai chou Iu. (Siĕ fòu, fils de T’ai chou Iu, devint prince de Tsin). C’est ainsi que Chen est la constellation de Tsin. On voit par là que Cheu tch’en est un esprit qui préside
à la constellation Chen.
« Autrefois Kiu t’ien (l’empereur Chaó haó) eut un descendant éloigné nommé Mei. Mei fut directeur des eaux. Il eut deux fils, Iun ko et T’ai t’ai. T’ai t’ai (succéda à son père et) sut bien
remplir sa charge. Il fit communiquer ensemble la rivière Fen et la rivière T’ao (rivière à présent inconnue). Il endigua le grand lac et rendit habitable la grande plaine. L’empereur Tchouān hiŭ
l’en félicita et le constitua prince de Fen tch’ouan. Les princes de Chen, de Seu, de Jou et de Houang (qui sont ses descendants) continuèrent de lui présenter des offrandes. À présent Tsin offre
des offrandes aux esprits de la Fen, et a supprimé les principautés de Chen, de Seu, de Jou et de Houang. On voit par là que T’ai t’ai est un esprit qui préside à la Fen.
« Mais ces deux esprits (Cheu tch’en et T’ai t’ai) n’ont aucune influence sur la santé du prince de Tsin. Quand il y a inondation, sécheresse ou épidémie, on sacrifie aux esprits des montagnes et
des cours d’eau, afin qu’ils écartent ces fléaux. Quand la neige, le frimas, le vent, la pluie arrivent en temps inopportun, on sacrifie aux esprits qui président au soleil, à la lune, aux
étoiles, pour qu’ils dissipent ces calamités. La santé du prince dépend de ses allées et venues, de sa boisson, de sa nourriture, de ses afflictions, de ses joies. Quelle influence peuvent
exercer sur la santé les esprits des montagnes, des cours d’eau ou des étoiles ? Moi K’iao, j’ai entendu dire qu’un prince sage fait de sa journée quatre parts : le matin il donne audience ; le
jour il prend des informations ; le soir il rédige ses ordonnances ; la nuit il se repose. Il divise ainsi son temps, et met en mouvement les humeurs de son corps ; il ne leur permet pas de
rester enfermées, de s’amasser, de séjourner dans un même endroit, et de l’amaigrir au point qu’on voie ses os. Sinon, son esprit n’est pas lucide ! le trouble est dans ses idées. Le prince de
Tsin n’a-t-il pas négligé de bien diviser son temps, et contracté ainsi sa maladie ?
« J’ai aussi entendu dire qu’il faut éviter d’admettre dans le sérail une femme de même nom de famille que le prince. Ses enfants ne vivraient pas. L’affection entre le mari et la femme serait
d’abord très grande ; mais elle finirait bientôt, et ferait place (à la jalousie et) à la maladie. C’est pourquoi le sage n’aime pas ces unions entre deux personnes qui portent le même nom de
famille. Aussi lit-on dans les Mémoires :
Celui qui veut acheter une femme dont il ne connaît pas le nom de famille, consulte la tortue à ce sujet.
Les anciens se gardaient bien de violer l’un ou l’autre de ces deux points (concernant l’emploi du temps et les unions conjugales). Que le mari et la femme portent des noms de famille différents,
c’est une règle de la plus haute importance. Or, le prince de Tsin a, parmi les femmes qui remplissent son sérail, quatre personnes qui, comme lui, portent le nom de Ki. N’est-ce pas la cause de
sa maladie ? Si sa maladie provient de l’une des deux causes que j’ai signalées, on ne peut rien faire pour la guérir. Se passer de ces quatre Ki, il le pourrait. S’il ne les congédie pas,
nécessairement il restera malade.
Chou Hiang dit :
— C’est très bien. Moi Hi, je ne l’avais pas encore entendu dire. Tout cela est vrai.
Chou Hiang se retira.
534. Le prince de Tsin était malade. Tseu tch’an de Tcheng alla à Tsin faire une visite d’amitié. Han Siuen tseu alla au devant du visiteur
(Tseu tch’an). Dans un entretien privé il lui dit :
— Notre prince est retenu dans sa chambre par la maladie, déjà depuis trois mois. Nous avons été présenter des offrandes aux génies de toutes les montagnes et de tous les cours d’eau. La maladie
augmente, au lieu de diminuer. Dernièrement le prince a vu en songe un ours jaune franchir la porte de ses appartements. Quel est ce génie malfaisant ?
Tseu tch’an répondit :
— Avec un prince d’une haute intelligence comme celui de Tsin et un grand administrateur tel que vous, quel génie malfaisant peut-il y avoir ? Autrefois, quand Iao fit mourir Kouen (père du grand
Iu) au mont Iu, l’esprit de Kouen se changea en ours jaune et entra dans l’abîme de Iu. L’esprit de Kouen fut adjoint à l’esprit du ciel dans les sacrifices que les Hia offraient dans la campagne
; les souverains des trois dynasties (Hia, Chang, Tcheou) ont sacrifié à l’esprit de Kouen. Tsin, qui préside aux traités (comme les empereurs), n’a peut-être pas présenté d’offrande à l’esprit
de Kouen.
Han Siuen tseu offrit le sacrifice dans la campagne à la manière des Hia, (associa l’esprit de Kouen à l’esprit du ciel), et la maladie du prince de Tsin diminua.
Les habitants de Tcheng s’effrayèrent les uns les autres au sujet de Pe iou (qu’ils avaient mis à mort.). Ils dirent :
— Pe iou est revenu !
Ils s’enfuirent tous, sans savoir où ils iraient se réfugier. L’année où fut fondu le code pénal, quelqu’un vit en songe Pe iou voyageant muni d’une cuirasse, et disant :
— Le jour jên tsèu, je ferai mourir Tai ; l’année prochaine, le jour jên în (à la fin du premier mois), je ferai mourir Touan.
(Tai et Touan avaient pris part au meurtre de Pe iou). Le jour jên tsèu arrivé, Seu Tai mourut. La frayeur des habitants augmenta. Dans le courant du mois où la paix fut conclue entre Ts’i et
Ieu, Koung suen Touan mourut aussi. La terreur des habitants fut encore plus grande. Le mois suivant, Tseu tch’an constitua Koung suen Sie (grand préfet et héritier de son père Tseu koung, qui
avait été mis à mort. Il constitua Leang Tcheu (grand préfet et héritier de son père Pe iou). Ce fut afin de tranquilliser le peuple. Par suite la terreur cessa.
Tseu t’ai chou demanda à Tseu tch’an la raison de cette mesure. Tseu tch’an répondit :
— Quand l’esprit d’un mort a quelqu’un qui lui présente des offrandes, il ne revient pas tourmenter les vivants. J’ai donné à Tseu koung et à Pe iou des successeurs qui leur présenteront des
offrandes.
T’ai chou reprit :
— Quel besoin aviez-vous d’établir Koung suen Sie successeur de son père ?
Tseu tch’an répondit :
— J’ai voulu expliquer ma conduite au peuple. Pe iou a été coupable. (En donnant un successeur à un autre coupable), j’ai voulu laisser croire que je donnais un successeur à Pe iou, non parce que
son esprit revenait tourmenter les vivants, mais parce que cette faveur pouvait être accordée à des coupables mis à mort. Celui qui est à la tête du gouvernement agit parfois contrairement à ses
principes, afin de faire plaisir au peuple. S’il ne plaît pas au peuple, il ne lui inspire pas confiance. Si le peuple n’a pas confiance en lui, il ne lui obéit pas.
Tseu tch’an étant allé à Tsin, Tchao King tseu de Tsin lui demanda :
— L’esprit de Pe iou peut-il revenir ?
Tseu tch’an répondit :
— Il le peut. Quand le corps de l’enfant commence à se former, l’âme qui lui donne sa forme s’appelle p’ĕ. Quand cette âme lui a donné sa forme, l’âme spirituelle, nomme houên, survient. Le grand
nombre des principes actifs des choses (des mets, des boissons,...) dont l’homme fait usage, rendent ces deux âmes très fortes. Elles deviennent vigoureuses, éclairées ; l’âme spirituelle
parvient à devenir une intelligence spirituelle. Quand un homme ou une femme du commun meurt de mort violente, ses deux âmes peuvent entrer dans un corps humain et faire d’étranges apparitions. À
plus forte raison les deux âmes de Leang Siao (Pe iou), qui était le descendant de notre ancien prince Mou koung, le petit-fils de Tseu leang, le fils de Tseu eul, et ministre d’État de Tcheng,
comme son père et son aïeul. Bien que la principauté de Tcheng ne soit pas opulente, et soit, comme on dit, une chétive principauté, cependant Leang Siao, ayant tenu le gouvernail de l’État après
son père et son aïeul, a fait un usage considérable des choses (des mets, des boissons...) ; il en a retiré des esprits vitaux en grande quantité. Sa famille aussi est puissante. Ses deux âmes
ont eu un appui très solide. Il a péri de mort violente. Est-il étonnant que son esprit puisse revenir tourmenter les vivants ?
Koung ouang, prince de Tch’ou, (589-558), n’avait pas de fils héritier né de sa femme principale. Il avait cinq fils qui lui étaient chers ; mais
il n’en avait aucun qui fût né de sa femme principale et dût lui succéder. Il offrit un grand sacrifice à tous les esprits protecteurs des montagnes et des cours d’eau, et leur adressa cette
prière :
— Je supplie les esprits de choisir parmi mes cinq fils celui qui (me succédera et) sera chargé de sacrifier aux esprits protecteurs du territoire et des grains.
Ensuite, prenant une tablette de jade, il se présenta devant chacun des autels des esprits des montagnes et des cours d’eau, et dit :
— Celui de mes fils qui ira droit devant cette tablette se prosterner, sera celui que les esprits me donneront pour successeur. Qui osera leur résister ?
Cela fait, il alla avec Pa Ki (femme de second rang) enterrer secrètement la tablette dans la cour de la salle dédiée au plus ancien de ses ancêtres. Il ordonna que ses cinq fils, après avoir
gardé l’abstinence, allassent par ordre d’âge, en commençant par le plus âgé, se prosterner dans cette cour (sans savoir où était la tablette). (Celui qui lui succéda et fut nommé) K’ang ouang
mit ses cuisses, l’une d’un côté, l’autre de l’autre, du lieu où était la tablette. Celui qui fut Ling ouang mit le coude sur cette place. Tseu kan et Tseu si en restèrent loin. (K’i tsi qui fut)
P’ing ouang était encore fort jeune. Il entra dans la cour porté dans les bras d’un officier. Le porteur de l’enfant se prosterna deux fois ; deux fois ce fut sur la bordure de la tablette. Teou
Ouei kouei (devinant que cet enfant deviendrait chef de l’État) le recommanda à son fils Tch’eng Jan.
522. Tcheng ayant été inondé, on vit des dragons se battre dans le bassin de la Ouei, en
dehors de la porte Cheu men. Les habitants demandèrent d’aller offrir des sacrifices aux esprits des montagnes et des cours d’eau. Tseu tch’an refusa (de les laisser aller si loin). Il dit
:
— Quand nous nous battons, les dragons ne nous regardent pas. Quand les dragons se battent, pourquoi ferions-nous attention à eux ? Offrons (ici tout près) un sacrifice déprécatoire aux dragons,
et ils resteront dans leur demeure (au fond de l’eau). Ne demandons rien aux dragons ; les dragons ne nous demanderont rien non plus.
Les habitants se désistèrent de leur demande.
512. En automne, un dragon parut dans la campagne près de Kiang (capitale de Tsin). Ouei Hien tseu interrogea Ts’ai Me (historiographe). Il
lui dit :
— J’ai entendu dire que le dragon est le plus intelligent de tous les animaux ; qu’on ne peut pas, le prendre vivant, et que pour cette raison on le dit intelligent. Est-ce vrai ?
Ts’ai Me répondit :
— On le dit par ignorance. Le dragon n’est pas intelligent. Les anciens nourrissaient des dragons et s’en servaient comme d’animaux domestiques. Aussi dans ce pays il y avait la famille Houan
Ioung, la famille Iu Ioung.
Hien tseu dit :
— J’ai entendu parler de ces deux familles ; mais je ne sais pas pourquoi elles portaient ces noms. Pourquoi les appelait-on ainsi ?
Ts’ai Me répondit :
— Anciennement Chou ngan, prince de Leao, avait un descendant éloigné nommé Toung fou. Toung fou aimait beaucoup les dragons. Il savait discerner leurs goûts, leurs désirs, et leur donnait à
boire et à manger selon leurs goûts. Les dragons affluaient auprès de lui. Il nourrit des dragons jaò selon leurs goûts, au service de l’empereur Chouen. L’empereur lui donna en récompense le nom
de famille de Toung, et le nom ou titre héréditaire de Houan Ioung. Il lui conféra la principauté de Tsoung tch’ouan. La famille I de Tsoung descendait de Toung fou. Ainsi, au temps de l’empereur
Chouen surgit une famille qui nourrit des dragons durant plusieurs générations. Vint ensuite K’oung Kia de la dynastie des Hia. Il se conforma en tout à la volonté du Cháng ti souverain du ciel.
Le souverain du ciel lui donna en récompense un attelage de quatre dragons, dont deux venaient des bords du fleuve Jaune et deux des bords de la Han. Dans chaque paire il y avait un mâle et une
femelle. Mais K’oung kia ne sut pas les nourrir, et ne trouva plus aucun descendant de la famille Houan Ioung.
Après le déclin de la famille de T’ao t’ang (de la famille de l’empereur Iao), il se trouva un descendant de cette famille, nommé Liou Lei, qui avait appris de la famille Houan Ioung la manière
de nourrir les dragons selon leurs goûts. Il se mit au service de K’oung kia, et sut donner à boire et à manger aux dragons. Le prince de la dynastie des Hia (K’oung kia) le traita avec honneur,
lui donna le titre héréditaire de Iu Ioung et le mit en la place des descendants du prince de Cheu ouei. De ces quatre dragons, il mourut une femelle. Sa chair fut hachée, conservée dans le
vinaigre et le sel, donnée à manger au prince de Hia. Le prince de Hia goûta fort ce mets, et ordonna de chercher d’autres dragons. Liou Lei (n’en pouvant trouver) eut peur et alla demeurer dans
le district de Lou. La famille Fan descend de Liou Lei.
Hien tseu dit :
— À présent pourquoi n’y a-t-il plus de dragons ?
Ts’ai Me répondit :
— Chaque espèce d’animal doit avoir son officier qui la soigne suivant les règles, qui du matin au soir pense à elle, et qui, s’il néglige ce devoir un seul jour, se trouve en face de la mort,
perd sa charge et ne reçoit plus d’appointements. Quand les officiers remplissent assidûment leurs offices, les animaux arrivent nombreux. Si les offices sont anéantis, abandonnés, les animaux
cessent de paraître et se cachent. Leur reproduction est arrêtée ; ils ne nourrissent plus de petits.
« Il y avait de même les officiers qui présidaient aux cinq éléments. On les appelait les cinq officiers. Ils avaient un rang à part, recevaient un titre héréditaire et un nom de famille. Ils
étaient kōung dignitaires du plus haut degré de la première classe. Après leur mort, on les honorait par des offrandes comme des esprits supérieurs. (On leur offrait des offrandes) quand on en
offrait aux esprits protecteurs du territoire et des grains, et quand on offrait les cinq sacrifices domestiques. Les souverains les honoraient, les servaient. L’officier qui présidait au bois
s’appelait keōu mâng. Celui qui présidait au feu s’appelait tchŏu iôung. Celui qui présidait aux métaux s’appelait jŏu cheōu. Celui qui présidait à l’eau s’appelait hiuên mîng. Celui qui
présidait à la terre s’appelait heóu t’òu. Le dragon est un animal aquatique. Si la charge d’officier qui préside à l’eau est abandonnée, il ne naît pas de dragons ; on n’en peut obtenir. S’il
n’en était pas ainsi, (ce serait sans raison que) le I king de Tcheou koung en parle.
« Quand k’iên est changé en heóu, il est dit (dans le I king) : « Le dragon est caché ; n’entreprenez rien. » Quand il est changé en t’ôung jên, il est dit : « On voit
le dragon dans les champs labourés. » Quand il est changé en tá iòu, il est dit : « Le dragon volant est dans le ciel. » Quand il est changé en k’ouái, il est dit : « Le dragon
s’élève trop haut ; il y aura repentir. » Quand il fait place à k’ouēn, il est dit : « On voit une troupe de dragons sans chef ; heureux présage. » Quand k’ouēn est changé en
pŏ, il est dit : « Les dragons se battent dans la campagne. » Si l’on n’avait pas vu de dragons du matin au soir, qui aurait pu donner ces explications ?
Autrefois Chou hiang voulait épouser une fille de Ou Tch’en, prince de Chen. Sa mère voulait lui faire épouser une fille de sa propre famille.
Chou hiang lui dit :
— Mes mères sont nombreuses et mes frères sont en petit nombre, c’est-à-dire, dans le sérail de mon père se trouvent beaucoup de femmes qui sont de votre famille, elles ont peu d’enfants. Je me
tiens en garde contre les filles de mes oncles maternels (je crains qu’elles n’aient pas d’enfants).
Sa mère lui répondit :
— La femme de Tseu ling (Ou Tch’en) a fait mourir trois maris : Tch’ên Iú chŏu, Tch’òu Siāng laò, Oû Tch’ên. Cette femme, nommée Hià Kī, a fait mourir un prince, Tch’ên Lîng kōung et son propre
fils Hià Tchēng chōu. Elle a ruiné une principauté Tch’ên, et causé l’exil de deux ministres K’òung Nîng et Hâng fòu. Ne convient-il pas de se tenir en garde ? J’ai entendu dire qu’une grande
beauté a toujours pour compagne une grande méchanceté. Hia Ki était la fille de Iao Tseu, jeune femme de Mou koung de Tcheng ; elle était la sœur puînée de Tseu me (frère de Lîng kōung, prince de
Tcheng). Tseu me est mort jeune, sans postérité. Le ciel a réuni en Hia Ki tous les charmes de la beauté. À cause de cela, certainement il arrivera une grande catastrophe.
« Anciennement, le prince de Jeng eut une fille, à chevelure noire et d’une très grande beauté. Sa peau et sa chevelure étaient si brillantes qu’elles pouvaient servir de miroir. On l’appelait la
Femme noire. K’ouei, directeur de la musique (sous le règne de Chouén), l’épousa. Elle mit au monde Pe foung, dont le cœur était vraiment un cœur de pourceau. Il était d’une avidité insatiable.
Sa colère et sa méchanceté n’avaient pas de bornes. On l’appelait Grand pourceau. I, prince de K’ioung, éteignit sa race avec lui. C’est pourquoi K’ouei ne reçut pas d’offrandes. De plus,
l’extinction des trois premières dynasties et l’exclusion du prince Koung tseu furent causées par ces êtres (par des femmes. Méi hi ruina la dynastie des Hià ; Tán kì celle des Īn ; Paō séu,
femme de Iōu ouâng, celle des Tcheōu.) Lî kī fit exclure du pouvoir Chēn chēng ou Koung tseu de Tsin. Pourquoi feriez-vous (cette imprudence) ? Ces êtres (ces femmes) étranges suffisent pour
changer (pour pervertir) le cœur des hommes. Quand un homme n’est pas vertueux et juste, il s’attire toujours des malheurs.
Chou hiang eut peur, et n’osait pas épouser la fille de Ou Tch’en. Mais P’ing koung, prince de Tsin, l’y détermina par une sorte de contrainte. Cette femme mit au monde Pe cheu. À la naissance de
Pe cheu, la mère de Tseu joung (belle-sœur de Chou hiang) alla d’un pas rapide avertir sa belle-mère (la mère de Chou hiang), Elle lui dit :
— Ma séu belle-sœur, femme de Chou, votre tchàng fils aîné, a mis au monde un fils.
La belle-mère alla pour voir l’enfant. Arrivée à la salle, elle entendit sa voix, et (sans le voir) elle s’en retourna, en disant :
— Il a la voix d’un loup. Il a un cœur sauvage comme celui d’un loup. Nul autre que lui ne mettra fin à la famille Iang che (famille de Chou hiang).
Elle n’alla pas le voir.
Au cinquième mois, le prince de Lou et les princes alliés firent un traité à Kao iou.
À l’approche de la réunion des princes à Kao iou, Tseu hang King tseu de Ouei dit à Ling koung, prince de Ouei :
— Entre les princes réunis il est très difficile que l’accord soit parfait. On dira beaucoup de paroles contradictoires. Personne ne pourra établir de décision. Dites à l’invocateur T’ouo de vous
accompagner.
Le prince de Ouei répondit :
— C’est bien.
Il dit à Tseu iu (T’ouo) d’aller avec lui à la réunion. Tseu iu s’excusa, en disant :
— Même quand votre serviteur fait tout ce qu’il peut des pieds et des mains pour remplir son office ordinaire, il craint de ne pas faire assez, et de donner lieu d’inscrire sur les registres
beaucoup de fautes de sa part. Si de plus je dois remplir un second office, il m’échappera de grandes fautes. D’ailleurs, l’invocateur est le serviteur ordinaire des esprits du territoire et des
grains. Tant que les autels de ces esprits ne sont pas déplacés, (tant que la principauté reste ce qu’elle est), il ne sort pas des frontières. Telle est la règle de son office. Quand le prince
part pour la guerre, l’invocateur purifie l’autel du territoire, (offre un sacrifice aux esprits protecteurs du territoire), oint les tambours avec le sang de la victime ; puis il prend les
tablettes des ancêtres et des esprits protecteurs du territoire et accompagne le prince. Dans ce cas, il sort des frontières. Mais, en cas de cérémonie, d’affaire d’amitié, quand le prince part à
la tête de deux mille cinq cents hommes, ou qu’un ministre part à la tête de cinq cents hommes ; je n’ai aucun devoir à remplir.
Le prince dit à T’ouo :
— Allez à la réunion des princes avec moi.
Quand ils arrivèrent à Kao iou, il fut question de placer Ts’ai avant Ouei. Le prince de Ouei envoya l’invocateur T’ouo dire dans un entretien particulier à Tch’ang Houng (ministre de l’empereur)
:
— En chemin j’ai entendu dire une chose ; je ne sais si elle est vraie. Il me semble avoir entendu dire que, dans la réunion des princes, Ts’ai passera avant Ouei. Est-ce vrai ?
Tch’ang Houng répondit :
— C’est vrai. Ts’ai chou (premier prince de Ts’ai) était le frère de K’ang chou (premier prince de Ouei) ; il était plus âgé que lui. Ne convient-il pas que Ts’ai prenne rang avant Ouei ?
Tseu iu (T’ouo) répliqua :
— À en juger d’après la conduite des anciens souverains, la première place appartient à la vertu, à la capacité. Autrefois après la victoire de Ou ouang sur les Chang, Tch’eng ouang constitua
solidement l’empire. Il choisit et établit princes les hommes d’une vertu éminente, afin qu’ils fussent les remparts, les soutiens de la famille des Tcheou. Ainsi Tcheou koung aida la maison
impériale à régler tous les États de l’univers. Il fut très cher au souverain (à cause de sa vertu, de sa capacité). Le prince de Lou (Pĕ k’în, fils de Tcheou koung) reçut pour sa part une grande
voiture, un grand étendard orné de figures de dragons, la pierre précieuse des Hia, et l’arc appelé fân jŏ, qui venait du prince de Foung fou. Les chefs des six familles du peuple des In, à
savoir, des familles T’iao, Siu, Siao, So, Tch’ang cho et Ouei cho, reçurent ordre de rassembler les membres de leurs familles et de toutes les branches dispersées de leurs familles, et de
pousser toute la multitude de leurs parents à recevoir les instructions de Tcheou koung et à suivre les ordres des souverains de la famille Tcheou. Ces familles furent amenées ainsi à servir le
prince de Lou et illustrèrent la vertu brillante de Tcheou koung. Le prince de Lou eut en partage un territoire très étendu, un invocateur, un gardien du temple des ancêtres, un devin, un
historiographe, toutes les pièces et toutes les archives, toute sorte d’officiers, toute sorte de vases et d’ustensiles. Le peuple de Chang ien fut mis sous sa conduite. Pe k’in fut nommé prince
; il eut pour capitale l’ancienne capitale de l’empereur Chao hao (la ville de K’iŭ feóu).
« K’ang chou reçut pour sa part une grande voiture, un chaò pĕ drapeau composé de pièces de soie de diverses couleurs, une ts’ién péi bannière de couleur garance, un tchān étendard d’une seule
couleur, un tsīng guidon composé de plumes fendues, une cloche donnant le son tá liù. Il eut les sept familles du peuple des In, à savoir, les familles T’ao, Cheu, Fan, I, Fan, Ki et Tchoung
k’ouei. Ses frontières s’étendirent depuis le sud de Ou fou jusqu’au nord de Pou t’ien. Il reçut une partie du territoire de Iou ien, et fournit ses contributions à l’empereur. Il reçut la partie
orientale du territoire de Siang t’ou, et il lui fut facile de se joindre à l’empereur chassant dans la partie orientale de l’empire. Jan ki (frère de Tcheou koung et ministre des travaux
publics) lui donna des terres ; T’ao chou (ministre de l’intérieur) lui donna des sujets. L’empereur le nomma prince par le rescrit intitulé Avis donné à K’ang chou (Voy. Chou king, Part. IV,
Chap. IX). Il lui assigna pour capitale l’ancienne ville des In. Les principautés de Lou et de Ouei ont commencé toutes deux par être gouvernées d’après les institutions des Chang ; mais elles
ont été limitées d’après les règles des Tcheou.
« T’ang chou (fils de Ouen ouang, frère de Ou ouang et de Tcheou koung, et prince de Tsin) reçut en partage une grande voiture, un tambour venu de Mi siu, une cuirasse appelée k’iuĕ kōung, une
cloche donnant le son kòu sièn. Il eut les neuf familles qui portaient le nom de Houai (restes de la principauté de T’âng). Il eut cinq chefs d’officiers. L’empereur le nomma prince par le
rescrit intitulé Avis donné à T’ang chou. (Ce rescrit n’existe plus). Il lui assigna pour capitale la vieille capitale des Hia (la ville de Tái iuên, Chan si). La principauté de T’ang chou fut
d’abord gouvernée d’après les règlements des Hia ; mais ses limites furent tracées d’après les règles des barbares Joung (qui étaient voisins). Ces trois frères (Tcheou koung, K’ang chou et T’ang
chou) étaient des frères puînés ; (Leur frère Kouàn chŏu était plus âgé qu’eux) ; mais leur vertu était remarquable. C’est pourquoi ils ont eu l’honneur de recevoir chacun leur part des objets et
des insignes précieux. Si l’on dit que ce fut pour une autre raison, (je répondrai) : dans les familles des empereurs Ouen ouang, Ou ouang, Tch’eng ouang, K’ang ouang, il y avait beaucoup de
frères plus âgés qui n’obtinrent pas les mêmes distinctions que leurs frères puînés, uniquement parce que ces souverains ne mettaient pas l’âge au dessus de la vertu. Kouan chou et Ts’ai Chou
excitèrent le descendant des Chang à se révolter, et mirent le venin de la discorde dans la famille impériale. Alors l’empereur punit de mort Kouan chou, et bannit Ts’ai chou, en lui donnant dix
chars et soixante-dix hommes. Ts’ai tchoung, fils de Ts’ai Chou, n’imita pas la conduite de son père et suivit la voie de la vertu. Tcheou koung le promut en dignité, en fit son propre ministre,
le présenta à l’empereur et le fit nommer prince de Ts’ai. Dans le rescrit qui lui fut donné on lit :
L’empereur dit : Hou (Ts’ai tchoung), n’imitez pas feu votre père, qui a enfreint les ordres de l’empereur.
(Voy. Chou king, Part. IV, Chap. XVII, 3). Comment peut-on dire que l’empereur a mis Ts’ai avant Ouei ?
« De huit frères nés de la même mère que Ou ouang, mais après lui, Tcheou koung fut grand administrateur de l’État, K’ang chou ministre de la justice, Jan ki ministre des travaux publics ; ses
cinq autres frères puînés n’eurent pas de charge. Comment l’empereur mettait-il l’âge avant tout ? Ts’ao (qui fut le premier prince de Ts’aô) était fils de Ouen ouang (et frère de Tcheou koung,
mais né d’une autre mère que lui). Tsin (qui fut le premier prince de Tsin) était fils de Ou ouang. (Tsin fut placé au-dessus de Ts’ao, son oncle). Ts’ao eut seulement un fief dans le domaine
impérial. L’âge ne fut pas placé avant tout.
À présent, mettre l’âge avant tout, c’est agir contrairement à l’usage des anciens souverains. Quand Ouen koung, prince de Tsin, rédigea le traité de Tsien t’ou, Tch’eng koung, prince de Ouei,
n’était pas présent. Il y fut représenté par I chou, son frère né après lui de la même mère que lui. Ouei fut néanmoins placé avant Ts’ai. Dans l’acte de ce traité on lit : « L’empereur parla à
peu près en ces termes : « Tch’oung (Ouen koung), prince de Tsin, Chen, prince de Lou, Ou, prince de Ouei, Kia ou, prince de Ts’ai, Tsie, prince de Tcheng, P’an, prince de Ts’i, Ouang tch’en,
prince de Soung, K’i, prince de Kiu. » Ce traité est conservé dans les archives de la capitale de l’empire ; on peut le consulter de nouveau. Monseigneur ; vous voulez suivre de nouveau les
principes de Ouen ouang et de Ou ouang ; si vous ne mettez la vertu au premier rang, comment pourrez-vous le faire ?
Tch’ang Houng fut content de ce discours. Il en parla au prince de Liou (ministre de l’empereur). Le prince de Liou en délibéra avec Fan Hien tseu de Tsin. Le prince de Ouei passa avant le prince
de Ts’ai dans le traité.
Tseu t’ai chou de Tcheng, en s’en retournant de Chao ling, mourut, avant d’arriver à Tcheng. Tchao Kien tseu de Tsin poussa des lamentations à ce sujet. Il dit avec grande douleur :
— À la réunion de Houang fou, le grand préfet (Tseu t’ai chou) m’a donné neuf conseils. Il m’a dit : « Ne soyez pas le premier auteur du trouble ; ne mettez pas votre confiance dans les richesses
; ne vous appuyez pas sur la faveur ; ne vous mettez pas en opposition avec l’unanimité ; ne soyez pas arrogant dans les cérémonies ; ne vous enorgueillissez pas de votre puissance ; ne vous
irritez pas une seconde fois pour la même chose ; ne prenez pas de conseil contraire à la vertu ; ne faites rien de contraire à la justice. »
En été, le prince de Lou alla trouver le prince de Ts’i à Tchou k’i, à savoir, à Kia kou. K’oung K’iou (Confucius) l’assista. Li Mi dit au prince
de Ts’i :
— K’oung k’iou connaît bien les cérémonies ; mais il n’est pas brave. Si vous envoyiez des barbares amenés de Lai arrêter le prince de Lou avec des armes, vous obtiendriez de lui ce que vous
voudriez.
Le prince de Ts’i suivit ce conseil. K’oung K’iou, (voyant des barbares amenés captifs de Lai), se retira en arrière avec le prince de Lou, et lui dit :
— Que nos soldats prennent les armes contre eux. Au moment où deux princes se lient d’amitié, des captifs amenés de pays barbares et lointains viennent mettre le trouble entre eux ; ce ne sera
pas par ce moyen que le prince de Ts’i acquerra de l’autorité sur les autres princes. Il ne convient pas que les habitants des pays lointains se mêlent des affaires des Chinois, ni que les
barbares troublent notre beau pays, ni que des captifs empêchent les traités, ni que l’amitié subisse la contrainte des armes. Au regard des esprits, ce serait de mauvais augure. Au point de vue
de la vertu, ce serait un manque de justice. Au point de vue humain, ce serait un manque de convenance. Prince, il faut vous y opposer.
Le prince de Ts’i, en ayant été informé, se hâta d’écarter les captifs amenés de Lai.
Quand on rédigea le traité, les officiers de Ts’i insérèrent ces mots :
— Lorsque l’armée de Ts’i sortira des frontières (pour une expédition), si trois cents chars de guerre de Lou ne nous accompagnent pas, que Lou tombe sous les imprécations contenues dans ce
traité.
Par ordre de Confucius, Tseu Ou siuen s’inclina profondément et dit :
— Si Ts’i ne nous rend pas les terres de Ouen iang, et veut nous obliger à lui fournir des contributions, que les mêmes imprécations retombent sur Ts’i.
Le prince de Ts’i voulut offrir un festin au prince de Lou. Confucius dit à Leang k’iou Kiu (Tsèu iôu de Ts’i) :
— Monseigneur, est-ce que le passé de Ts’i et de Lou ne vous est pas connu ? Quand les affaires sont terminées, offrir encore un festin, c’est fatiguer inutilement les officiers. D’ailleurs il ne
convient pas que les coupes ornées de figures de bœufs ou de figures d’éléphants sortent du palais du prince, ni que la musique joyeuse soit entendue dans la campagne. Offrir un festin qui serait
complet, ce serait violer les règles. S’il n’était pas complet, ce serait comme si l’on offrait de la paille et du mauvais grain, Offrir de la paille et du mauvais grain serait une honte pour les
princes; violer les règles leur ferait un mauvais renom. Un festin doit manifester la vertu. Sinon, il vaut mieux qu’il n’ait pas lieu.
De fait, le festin fut supprimé.