Henri Maspero (1883-1945)
LES INSTRUMENTS ASTRONOMIQUES DES CHINOIS AU TEMPS DES HAN
Mélanges chinois et bouddhiques, tome VI, Bruges, 1939, pages 187-356.
- "Les études dont l'astronomie chinoise ancienne a été l'objet dans ces dernières années ont surtout cherché à déterminer l'étendue des connaissances astronomiques, ainsi que les théories relatives au système du monde, et à en faire l'histoire, plutôt qu'à en reconstituer les conditions techniques; en ce qui concerne les instruments d'observation en particulier, l'intérêt des savants s'est assez peu porté sur eux."
- "J'ai rassemblé ici quelques textes sur les instruments astronomiques de l'époque des Han et des Six Dynasties. Leur état fragmentaire en rend au premier abord l'interprétation presque impossible ; mais en les rapprochant les uns des autres, et en comparant leurs descriptions incomplètes avec celles des instruments des T'ang ou des Song, ou même avec celles d'instruments modernes, la plupart des difficultés tombent d'elles-mêmes : on passe en général sans peine des instruments modernes bien connus aux instruments anciens qui le sont moins, si l'on suit avec soin l'histoire de leurs transformations. C'est ce travail que j'ai essayé de faire ici, sans me dissimuler que cette méthode, en m'entraînant constamment hors de mon sujet, et en m'amenant à décrire longuement des instruments bien postérieurs aux Han, devait nécessairement rendre mon exposé un peu touffu et par conséquent difficile à suivre. J'y suis resté attaché cependant, parce qu'elle est à mon avis la seule qui permette de se faire une idée de la forme, de l'emploi et de l'histoire des instruments astronomiques du temps des Han. Or, je suis persuadé que la connaissance précise de ces instruments est la condition sine qua non de la compréhension de l'histoire de l'astronomie de cette époque et même des époques précédentes."
Extraits : L'horloge hydraulique - Le gnomon et la tablette de mesure - Le cadran solaire
Le tube de visée - La sphère armillaire - Le globe céleste
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La plus ancienne mention de l'horloge hydraulique est celle qui est faite à propos de la préparation de réforme du calendrier en 105 a. C. : à
cette époque elle apparaît comme un des instruments normaux de la Terrasse d'Observation, c'est-à-dire de l'Observatoire d'astronomie. Les auteurs de l'époque des Han la connaissent bien, presque
trop bien, car c'est un des rares objets que les commentateurs des Classiques jugent inutile de décrire. Il subsiste cependant quelques courts textes relatifs aux horloges hydrauliques des Han et
des Six Dynasties ; mais ils ne se laissent pas aisément comprendre ni interpréter. Je donnerai d'abord la traduction de descriptions d'horloges moins anciennes, parce qu'elles sont plus
détaillées, et plus faciles à suivre, et que d'ailleurs les instruments eux-mêmes sont mieux connus.
Voici la description officielle de l'horloge hydraulique du XVIIe siècle, c'est-à-dire de l'horloge moderne telle qu'on en voyait encore quelques exemplaires, il y a une trentaine d'années, dans
nombre de villes de Chine.
« L'horloge hydraulique est placée au pied de l'Observatoire, Kouan-siang t'ai. En voici les dispositions.
(Il y a) trois vases de distribution de l'eau, po-chouei hou, tous trois de forme carrée. Le plus élevé est appelé Vase du ciel diurne, je-t'ien hou ; c'est le Vase réservoir,
k'ieou hou, (de l'horloge) des Song : à la surface il est large de 1 pied 9 pouces, au fond de 1 pied 3 pouces, et il est haut de 1 pied 7 pouces ; l'eau le remplira constamment. Le
suivant est appelé Vase du ciel nocturne, ye-t'ien hou ; c'est le Vase double, fou hou, des Song : (à la surface il a 1,8 pied, au fond 1,2 pied, et il est haut de 1,6 pied). Le
suivant s'appelle Vase d'Égalisation de l'Eau, p'ing-chouei hou : (à la surface il est large de 1,7 pied, au fond de 1,1 pied, et il est haut de 1,5 pied). On les place (tous trois) sur
un socle vermillion ; il y a un pavillion pour les recouvrir ; pavillion et socle ensemble ont 18 pieds 4 pouces de haut.
(Il y a de plus) un Vase de division de l'eau, fen-chouei hou, de forme carrée ; c'est le Vase de déversement, fei-hou, des Song ; sa hauteur et sa largeur sont les mêmes que
celles du p'ing-chouei hou ; il est en dessous de celui-ci, un peu en arrière.
(Enfin il y a) un Vase de réception de l'eau, cheou-chouei hou, de forme ronde, appelé Vase des dix-mille eaux, wan-chouei hou ; c'est le Vase fondamental, kien hou,
des Song ; son diamètre est de 1 pied 4 pouces et sa hauteur de 3 pieds, 1 pouce ; il est en avant du socle, sur le sol.
Tous ces vases ont des couvercles.
Les trois vases de distribution de l'eau ont en avant près du bas un robinet de jade en bouche de dragon, (par où leur eau) se déverse de l'un à l'autre pour (finir par arriver au) vase de
réception de l'eau. Le Vase d'Égalisation de l'eau a en arrière près du haut une ouverture (par où le surplus de l'eau) se déverse dans le Vase de Division de l'eau, afin d'égaliser le niveau de
l'eau.
Au-dessus du Vase de Réception de l'eau de l'horloge, il y a un homme de bronze qui tient dans ses bras une tige de 3 pieds 1 pouce de haut sur laquelle sont gravés les heures et les quarts
d'heures du jour et de la nuit à la fois, depuis midi juste, tcheng-wou, 12 h-13h) qui est à la partie supérieure jusqu'au début de midi, wou-tch'ou, qui est à la partie
inférieure. On place la tige à l'intérieur du vase sur un flotteur en forme de tambour de bronze ; quand l'eau monte, le flotteur surnage et le haut de la tige sort (du couvercle du vase) : quand
l'eau a rempli (le vase) la tige est entièrement sortie ; alors (l'eau) s'écoule dans un bassin. »
Cette description est si claire qu'elle n'exige guère de commentaires. D'ailleurs, l'horloge moderne est tout à fait simple. On sait que dans ces instruments, la difficulté est d'arriver à la
régularité du débit de l'eau, condition absolue d'une mesure correcte du temps, et que cette régularité ne peut être obtenue que si la pression de l'eau au point de sortie est constante. Sans en
savoir la cause, les Chinois avaient anciennement constaté le fait, et, pour régulariser le débit, ils installaient plusieurs vases étagés, disposés de façon que dans le dernier, celui qui
précédait immédiatement le vase contenant la tige horaire, l'eau fût toujours maintenue au même niveau. L'horloge moderne arrive à ce résultat sans appareil particulier, par la seule disposition
des bassins étagés et du réservoir, et c'est ce qui lui donne sa belle simplicité : l'avant-dernier bassin (Vase du ciel nocturne) est, comme le dernier (Vase d'égalisation), à niveau constant,
pour que l'arrivée de l'eau dans le dernier bassin soit aussi régulière que possible, et compense exactement la sortie de l'eau qui va remplir le vase horaire ; mais cet avant-dernier bassin
reçoit lui-même l'eau de façon irrégulière, puisque le premier bassin (Vase du ciel diurne) qui sert de réservoir, contient une quantité d'eau sans cesse décroissante du commencement à la fin du
jour, et par suite il peut arriver que son niveau varie et que son débit augmente ou diminue : aussi le dernier bassin est-il pourvu d'un déversoir qui ne permet pas que le niveau s'en
élève.
Le plus important des instruments astronomiques des Chinois était le gnomon, qu'ils appelaient le pieu, pei, ou plus ordinairement le
signal, piao : c'est en effet un simple poteau planté verticalement en terre au soleil, afin d'observer l'ombre, d'en mesurer la longueur, et d'en étudier les déplacements. Il semble
qu'on ait commencé par employer des gnomons de dix pieds de hauteur ; mais ce nombre, qui ne rentrait pas facilement dans le calcul des côtés du triangle rectangle, fondé sur les rapports des
nombres 3, 4 et 5 et de leurs carrés, fut bientôt abandonné pour 8, nombre double de celui de la hauteur du triangle rectangle dans le triangle étalon : le gnomon de 8 pieds devint le gnomon
classique des astronomes chinois, et, sauf quelques changements éphémères, il le resta jusqu'à la dynastie mandchoue, époque ou les jésuites firent adopter le gnomon de 10 pieds pour rentrer dans
le système décimal. Au temps des Han et pendant près de vingt siècles, on n'employa normalement que le gnomon de 8 pieds (ou d'un multiple de 8).
La première condition d'utilisation du gnomon est qu'il soit bien vertical et que le sol sur lequel il est dressé soit parfaitement horizontal. L'horizontalité du sol était vérifiée au moyen du
niveau d'eau dès avant les Han, et ce procédé simple et sûr est resté en usage jusqu'à nos jours. Pour la verticalité du gnomon, elle était assurée à l'aide de « cordes suspendues » : suivant
Tcheng Hiuan le procédé consistait à tendre huit cordes du sommet du gnomon aux quatre angles et aux quatre milieux des faces du terrain ; les cordes formant, je suppose, deux groupes de quatre
cordes égales se faisant exactement opposition deux à deux, leur tension rendait le gnomon parfaitement vertical. Au temps des T'ang, Kia Kong-yen dans sa « Paraphrase du Commentaire du Rituel
des Tcheou », Tcheou-li tchou-chou, décrit un procédé analogue, mais un peu différent : d'après lui, les cordes n'étaient pas tendues, mais simplement suspendues au gnomon, et elles ne
servaient pas à assurer la verticalité de l'instrument, mais seulement à la constater à première vue par leur application exacte aux pans du gnomon, ou par leur écartement du côté où il
penchait.
« Quand on veut observer l'ombre du poteau, il faut d'abord que le poteau soit vertical ; si on veut être sûr que le poteau est vertical, il faut vérifier par la suspension des cordes. Aux quatre
angles et aux milieux des quatre faces du poteau, on suspend huit cordes ; si ces cordes sont toutes appliquées au poteau, le poteau est vertical. »
Je ne sais si ce procédé était vraiment employé au VIIIe siècle, ou s'il est simplement dû à l'imagination de Kia Kong-yen travaillant sur l'expression énigmatique de « cordes suspendues » que le
Commentaire de Tcheng Hiuan au Tcheou-li n'explique pas.
La tablette de mesure, t'ou-kouei
Le fait capital de l'observation de l'ombre du gnomon était pour les Chinois de la mesurer. Pour cela ils employaient un instrument particulier, la Tablette de mesure, t'ou-kouei.
C'était un instrument ancien, car, de même que le gnomon, il est cité dans le Tcheou-li et dans le K'ao-kong ki : il servait à reconnaître le jour du solstice d'été par la
mesure de l'ombre du gnomon de huit pieds. Édouard Biot le définit comme « la partie horizontale et divisée du cadran solaire », mais cette définition est inexacte. Le t'ou-kouei des «
Rituels » n'a rien à faire avec un cadran solaire ; c'est une tablette de jade qui « a un pied cinq pouces de long, et sert à déterminer (la position du) Soleil et à mesurer la Terre ».
Ses emplois sont énumérés avec précision : « (Le ta-sseu-t'ou) par le procédé de la Tablette de mesure observe la profondeur de la Terre, détermine exactement l'ombre du Soleil, et
cherche ainsi le milieu de la Terre... (L'endroit ou) l'ombre du jour du solstice (d'été) est d'un pied cinq pouces est ce qu'on appelle le centre de la Terre » ; et : « La Tablette de mesure
sert à déterminer les positions du Soleil et de la Terre dans les quatre saisons ; quand on constitue en fief une principauté, elle sert à mesurer le territoire. »
Toutes ces mesures sont des mesures de l'ombre du gnomon, les mesures territoriales comme les astronomiques. Pour les premières, les Chinois croyaient que l'ombre d'un gnomon de huit pieds au
solstice d'été diminue d'un pouce par mille li à mesure qu'on va vers le sud, et réciproquement augmente d'un pouce par mille li à mesure qu'on va vers le nord ; comme une
principauté féodale avait en principe mille li, on voit qu'il suffisait de déterminer deux points où l'ombre du gnomon au solstice d'été eut une différence d'un pouce de long pour avoir
les frontières Nord et Sud de la principauté ; un autre procédé compliqué, et où je ne vois pas bien comment intervenait le t'ou-kouei, permettait de mesurer d'après le Soleil et à
l'aide de plusieurs gnomons une distance de mille li de l'est à l'ouest. Quant aux mesures astronomiques, les textes sont assez précis pour laisser voir exactement ce dont il s'agit, et
les commentateurs, des Han aux T'ang, ne s'y sont pas trompés ; il n'est question ni de cadran solaire, ni de graduation de ce cadran ; la Tablette ayant juste la longueur de l'ombre du Soleil au
solstice d'été est mise à midi plusieurs jours de suite au pied du gnomon dans la direction du Nord : le jour ou l'extrémité de l'ombre et l'extrémité de la Tablette coïncident est le jour du
solstice ; « si au milieu de la Terre, le jour du solstice d'été, on dresse un gnomon de 8 pieds, à la moitié de la clepsydre de jour, l'ombre d'un pied cinq pouces (portée) au nord du gnomon est
égale à celle de la Tablette de mesure. »
. . . . . . . . . . . .
L'emploi de cet instrument spécial pour mesurer l'ombre du gnomon est intéressant à plus d'un titre. D'abord il fait ressortir toute la peine que les Chinois ont eue à effectuer la mesure de
cette ombre, et cela n'est pas inutile, car la facilité de cette mensuration est un axiome courant dans les études sur l'astronomie chinoise ancienne : Saussure en particulier revient fréquemment
sur l'extrême facilité du procédé qui permet de reconnaître les solstices par la longueur de l'ombre. Or les Chinois y trouvèrent une réelle difficulté : d'abord l'ombre, même en été quand elle
est courte et que la lumière est vive, finit de façon confuse ; ombre et pénombre se distinguent mal et la limite est difficile à observer ; de plus la longueur de l'ombre varie peu pendant les
jours qui précèdent et suivent les solstices, et l'imprécision de leurs mesures de longueur ne leur permettait que difficilement de suivre ces variations.
Mais surtout cette pratique montre nettement que c'est le solstice d'été dont on vérifiait la date par l'ombre du gnomon et non le solstice d'hiver, bien que ce fût le solstice d'hiver qui servît
de point de départ au calendrier. En effet, si la mesure avait été faite à la façon ordinaire, en marquant le point extrême de l'ombre et en mesurant sa distance du pied du gnomon à l'aide d'un
pied, il n'y aurait eu aucune raison de choisir un solstice plutôt qu'un autre ; mais du moment qu'on employait un instrument spécial, ayant la longueur de l'ombre elle-même, on ne peut songer
sérieusement qu'on eût un t'ou-kouei de 135 pouces de longueur (3,14 m), pour le solstice d'hiver: il n'existe pas de morceaux de jade de cette longueur, et une brique de cette taille,
sans être peut-être matériellement impossible à fabriquer, aurait été impossible à manier...
Le Tcheou-pei, qui parle beaucoup du gnomon, ne fait aucune mention du cadran solaire. Cet instrument existait cependant dès le temps
des Han au moins, car un exemplaire en jade de cette époque a été trouvé à Kouei-houa dans le Nord du Tche-li à la fin du XIXe siècle ; acquis par le vice-roi Touan-fang, il a été décrit parmi
les objets en pierre de sa collection ; je ne sais pas où il se trouve maintenant.
C'est une table de jade presque carrée, ayant 9 pouces (288 mm) sur 8,8 pouces (282 mm) ; au milieu un trou primitivement arrondi, mais aux bords cassés, d'un demi-pouce (16 mm) de profondeur et
de trois dixièmes de pouce (9,6 mm) de diamètre servant à planter le style, marque le centre d'une circonférence gravée au trait ayant 7,95 pouces (243 mm) de diamètre qui était proprement le
cadran. Sur la moitié inférieure de cette circonférence, dépassant un peu le milieu à droite et à gauche, mais laissant vide le tiers supérieur, sont creusés côte à côte 69 petits trous ayant
chacun 4 mm de diamètre, dont les bords extérieurs sont à une distance de 3 ½ mm, en sorte que les centres sont distants de 7 ½ mm environ. Chaque trou est numéroté extérieurement de 1 à 69, et
intérieurement est joint au centre par une ligne droite. Tout ceci est gravé soigneusement en traits fins et sans bavure ; au contraire, des carrés irréguliers aux quatre angles de la table, un
autre carré au milieu, dans lequel est compris le trou central, des lignes joignant chacun des angles du carré central au plus proche des angles d'un des carrés extérieurs, des équerres portées
perpendiculairement au milieu des côtés du carré central, sont gravés de façon très grossière et très irrégulière, et doivent avoir été ajoutés après coup, probablement pour servir à orienter et
diriger les artisans qui ont scellé le cadran à sa place définitive.
On remarquera que ces mesures, transformées en pieds des Han de 24 cm, s'expriment toutes en chiffres exacts : le diamètre du cadran est de 243 mm soit 1 pied des Han, ce qui donne, en comptant à
la chinoise, 3 pieds de tour à la circonférence ; comme chacune des divisions a 7,6 mm, soit 3 fen ou dixièmes de pouce des Han (2,5 x 3 = 7,5), on voit que si la division de la
circonférence était continuée sur toute la longueur au lieu d'être interrompue sur un tiers de la longueur environ, il y aurait en tout 100 divisions de 3 fen...
Ce cadran n'était certainement pas placé verticalement, car la numérotation des divisions s'y dirige de droite à gauche (direction prise en supposant le spectateur placé devant la partie inscrite
du cadran). L'ombre du style étant naturellement toujours en opposition avec le Soleil, le matin (qui correspond aux premières divisions), temps où le Soleil est à l'Est, est nécessairement à
l'Ouest, et réciproquement le soir (dernières divisions) à l'Est. Si le cadran est posé verticalement, le spectateur devra donc avoir en face de lui à sa gauche l'Est (où sont les premières
divisions) et l'Ouest à sa droite, c'est-à-dire que le spectateur sera placé face au Sud, et le cadran face au Nord. Cette disposition est tout à fait invraisemblable, car entre 30° et 40°
latitude Nord, un cadran septentrional n'est utilisable que quelques heures par jour en été, matin et soir, et est à l'ombre la journée entière tout le reste de l'année, et même en été presque
toute la journée. Comme d'autre part les Chinois n'ont connu le cadran décliné qu'à la fin des Ming par les jésuites, le cadran, du moment qu'il n'était pas vertical, était certainement
horizontal. Dans cette position, il sera en effet exposé au Soleil toute la journée en toute saison, et il suffira d'avoir soin de mettre la partie non divisée au Sud pour qu'il soit bien
orienté, les premières divisions (répondant au matin) à l'Ouest à l'opposé du Soleil, et les dernières divisions à l'Est.
Un cadran solaire nous apparaît essentiellement comme un instrument destiné à fournir l'heure d'après le Soleil, mais on peut se demander si tel était bien l'usage de ce singulier cadran. Certes
il n'est pas absolument impossible de lire l'heure sur un cadran horizontal non décliné, bien que ce soit difficile parce que dans les cadrans de cette sorte, c'est seulement l'extrémité de
l'ombre qui marque l'heure et non l'ombre entière ; en théorie, on pourra lire l'heure, en notant attentivement le croisement de l'extrémité de l'ombre avec les lignes limitant les divisions
horaires. Mais il suffit de faire attention aux dimensions du cadran pour voir l'impossibilité matérielle d'employer ce procédé. Le style n'a pas été conservé, mais nous savons qu'il avait 12 mm
de diamètre, puisque tel est le diamètre du trou où on l'enfonçait : même quand l'ombre était la plus grande et que son extrémité atteignait la circonférence du cadran, où l'intervalle des
divisions est le plus large, ce diamètre était plus large qu'une division d'un quart d'heure ; celles-ci n'ont que 7 ½ mm de large ; ainsi à ce moment l'extrémité de l'ombre couvrait au moins une
division et demie. Et cette condition la plus favorable ne durait que quelques instants au lever et au coucher du Soleil ; à ces moments la diminution et l'allongement de l'ombre sont très
rapides ; environ une heure après ou avant le lever ou le coucher du Soleil, elle a parcouru à peu près la moitié du chemin qu'elle parcourt dans la matinée ou l'après-midi ; et comme son chemin
la rapproche de plus en plus du centre du cercle, et que la largeur des divisions horaires diminue en se rapprochant de ce centre, elle couvre dès ce moment au moins deux à trois divisions à la
fois, et plus encore à midi, si bien qu'il est absolument impossible de lire l'heure.
...Le rôle du cadran solaire était pour les Chinois tout différent : c'était celui de régulateur de la clepsydre. Et encore n'en réglait-il pas le fonctionnement normal : on ne nous dit jamais
qu'on s'assurât, en comparant l'heure du cadran à celle de la clepsydre, de la bonne marche de celle-ci. Il servait à fixer par l'observation de l'ombre le moment du changement de la tige horaire
: l'exactitude de l'heure dépendant entièrement de l'exactitude avec laquelle on changeait la tige qui ajoutait ou retranchait un quart d'heure, matin et soir, il était important de ne pas se
tromper sur la date de ces changements. Cette date, tout en étant fixée par les ordonnances impériales, était vérifiée au cadran solaire : au fur et à mesure que l'ombre du matin et du soir
passait d'une division à une autre, le préposé à la clepsydre changeait la tige horaire. Le cadran de jade de la collection Touan-fang, avec ses divisions égales ayant 3 ½° chacune, ne peut
naturellement être exact à ce point de vue non plus ; en effet les déplacements en azimut des lieux du lever et du coucher du Soleil ne sont pas réguliers : ils sont plus lents aux solstices et
plus rapides aux équinoxes, et ce n'est qu'aux environs de ces dates que le cadran est réellement exact. Mais comme les Chinois de ce temps croyaient à un mouvement régulier du Soleil et
réglaient leurs horloges en conséquence, ainsi qu'on l'a vu ci-dessus, l'inexactitude même de ce cadran, conforme aux habitudes de l'époque, est, à mon avis, la preuve que telle en était bien la
destination... Ce n'était pas un instrument destiné à donner l'heure, mais simplement à régler l'horloge hydraulique en permettant de vérifier les dates des changements de tige horaire.
Le tube de visée est mentionné par les auteurs du IIe siècle de notre ère qui ont cru le trouver désigné dans le Yao-tien par
l'expression « Traverse de jade » yu-heng ; c'est à cette erreur d'interprétation, qui ennoblissait à leurs yeux cet instrument, que nous devons la plus détaillée et la plus précise des
descriptions que nous en avons.
« On prend un bambou long de 8 pieds dont le creux a 1 pouce de diamètre... »
« La Traverse de jade, yu-heng, est longue de 8 pieds ; son creux a une ouverture de 1 pouce de diamètre ; on regarde par l'ouverture inférieure pour observer les planètes et les
mansions ».
« On fait un tube en jade de bonne qualité : quand il y a (quelque chose de) brillant (qu'on voit) dedans, (le tube) en prend la lumière et (ainsi) aide à l'observation de ce qui est très éloigné
».
Dès l'époque des Han Antérieurs « observer le ciel avec un tube », yi kouan kouei t'ien, était une expression passée en proverbe. Les dimensions paraissent en avoir varié suivant les
temps : au XIe siècle, on lui donnait couramment 6 pieds de long.
En dehors des astronomes, le tube de visée était employé par les architectes pour orienter les bâtiments officiels. Aussi en trouve-t-on une bonne description avec une figure (c'est celle qui est
reproduite ci-dessus) dans le seul ouvrage d'architecture ancien qui nous soit parvenu, le Ying-tsao fa-che du XIIe siècle,
« Le tube de visée, wang-tong, a 1 pied, 8 pouces de long et 3 pouces (de large). [Note : on le fabrique de planches jointes] ; aux deux (plaques de) fermeture, yen-t'eou, on
ouvre un « œil » circulaire de 5/10 de pouce de diamètre. Le corps du tube est mis entre deux cloisons, et à l'aide d'un axe on le pose à l'intérieur des deux joues ; de l'axe où il est posé
jusqu'à terre, il y a une hauteur de 3 pieds, une largeur de 3 pouces, une épaisseur de 2 pouces. »
En tant qu'instrument astronomique, le tube de visée resta en usage jusqu'à l'époque où les jésuites introduisirent le télescope, qui fut accepté comme un perfectionnement du tube de visée. Il
servait simplement à isoler un champ peu étendu de façon à suivre les déplacements d'une étoile ou d'une planète déterminée.
Armille équatoriale et armille écliptique
C'est, à ce qu'il semble, vers la fin des Han Occidentaux que fut fabriquée pour la première fois une armille, yuan-yi (littéralement: « instrument circulaire »)... En 52 a. C., Keng
Cheou-tch'ang présenta à l'empereur un « instrument qui permettait de mesurer les mouvements du Soleil et de la Lune, de vérifier la forme et les mouvements du ciel ; il trouva que le Soleil
faisait toujours 1° par jour, que la Lune dans les mansions K'ien-nieou et Tong-tsing faisait 15° par jour, tandis que dans les mansions Leou et Kio, elle faisait 13° par jour seulement ». Kia
K'ouei, un siècle et demi plus tard, reproche à cet instrument d'avoir montré ce que tout le monde savait déjà, mais de n'avoir rien appris de nouveau, tout y étant rapporté à l'équateur. C'était
un cercle de bronze divisé en degrés de deux pouces chacun, ayant 24 pouces et demi (574 mm) de diamètre et 73 pouces et demi (1.789 mm, environ 1,80 m) de circonférence. Il n'est pas dit
explicitement que le plan en était parallèle à l'équateur ; mais c'était sûrement une armille équatoriale, tch'e-tao yi, car à la fin du Ier siècle de notre ère, sous l'empereur Ho, il
n'y en avait pas d'autre à l'observatoire du Grand-Scribe.
Vers 84 de notre ère, un certain Fou Ngan, qui n'est pas autrement connu, eut l'idée de donner à un cercle l'inclinaison de l'écliptique, afin d'observer directement sur l'écliptique les
mouvements du Soleil, de la Lune et des planètes qu'on n'observait jusque-là que sur l'équateur. Il fit construire des instruments spéciaux à cet effet, les « armilles écliptiques »,
houang-tao yi, qui consistaient en un cercle gradué en bronze fixé de façon à former un angle de 24° environ avec l'équateur ; la graduation chinoise est, on le sait, de 365° ¼ et
commence au solstice d'hiver. Un écrivain et mathématicien alors célèbre et fort bien en cour, Kia K'ouei, présenta l'instrument à l'empereur en 85 : on fit employer cet instrument au bureau du
Grand Scribe, che-kouan, dont dépendaient les services d'astronomie et d'astrologie, pour mesurer le déplacement journalier de la Lune et en vérifier l'étendue en degrés dans chacune des
mansions, et on constata l'exactitude des observations de Fou Ngan. Mais les astronomes du Bureau du Grand Scribe résistaient à cette innovation, et Kia K'ouei s'en plaint et fait remarquer
l'insuffisance de l'armille équatoriale de Keng Cheou-tch'ang dans un nouveau mémoire à l'empereur (92), sans succès : ce n'est qu'en 103, deux ans après sa mort, que par ordre impérial une
armille écliptique en bronze fut fabriquée pour les services astronomiques du Grand Scribe. Telle est l'histoire de l'instrument dont les historiens chinois attribuent l'invention à Kia K'ouei
qui n'y a jamais prétendu, et qui au contraire a livré lui-même le nom du véritable inventeur.
L'intérêt de l'armille écliptique était qu'elle permettait d'observer et de mesurer directement sur l'écliptique les 28 mansions mesurées traditionnellement sur l'équateur, et, en comparant les
chiffres obtenus avec ceux des mesures obtenues à l'aide de l'armille équatoriale, d'établir empiriquement les rapports des deux cercles en chaque point ; les Chinois, ne connaissant pas la
trigonométrie sphérique, ne pouvaient déterminer ces rapports par le calcul...
Sphère armillaire
Une vingtaine d'années après l'adoption officielle de l'armille écliptique, un poète et mathématicien illustre, Tchang Heng, imagina de représenter schématiquement le globe céleste,
houen-t'ien, tout entier en ajoutant aux deux cercles, équatorial et écliptique, deux autres cercles, l'un passant par les pôles et le zénith et marquant le plan méridien, et l'autre
horizontal ; et de plus, il essaya de lui donner par la force hydraulique le mouvement de la révolution diurne : la sphère armillaire, houen-t'ien yi, était créée. À la chute de la
dynastie Han, les instruments fabriqués par Tchang Heng subsistèrent à Lo-yang et continuèrent d'être employés par les astronomes pendant un siècle et demi. Quand Lo-yang fut pillé en 314 par
Lieou Yao de la dynastie Ts'ien Tchao, les instruments astronomiques furent emportés dans le butin, ils passèrent ainsi de main en main et finirent par arriver à Tch'ang-ngan avec d'autres
analogues que les Ts'ien-Tchao avaient fait faire à leur imitation. C'est là que les trouva Lieou Yu, un général de Tsin qui allait quelques années plus tard déposer l'empereur et fonder la
dynastie Song. En 418, il occupa temporairement Tch'ang-ngan au cours d'une campagne contre les Ts'in, et fit expédier à la capitale les objets précieux parmi lesquels « il prit la sphère
armillaire et la tablette de mesures faites par Tchang Heng et les présenta à l'empereur; (ces objets) furent versés au Trésor impérial, t'ien-fou. »
Si Lieou Yu avait ainsi rapporté les anciens instruments astronomiques des États du Nord de la Chine, ce n'était pas que les empereurs du bassin du Yang-tseu n'en eussent pas de similaires. Dès
le temps des Trois Royaumes, un astronome de Wou, Wang Fang, reçut l'ordre de fabriquer une sphère armillaire. Il n'avait pas vu celle de Tchang Heng, restée à Lo-yang comme je viens de le dire,
et ne la connaissait que par les récits de celui-ci. Il jugea d'après eux que sa taille et son poids devaient la rendre peu maniable, et il fit la sienne plus petite, en réduisant à trois
dixièmes de pouce l'étendue du degré céleste que Tchang Heng avait faite de quatre dixièmes de pouce. Pour le reste son appareil paraît avoir été exactement pareil à celui de son devancier : il
avait même adopté la même hauteur du Pôle au-dessus de l'horizon qu'il évaluait à 36°, malgré la différence de latitude entre Nankin, où les Wou avaient leur capitale et où il travaillait, et
Lo-yang, la capitale des Han où Tchang Heng avait travaillé, et bien que ce chiffre, déjà trop élevé pour Lo-yang (34° lat.), le fût bien davantage encore pour Nankin (30°37')...
Comme précédemment à propos de l'horloge hydraulique, c'est à une description relativement moderne de la sphère armillaire assez précise pour faire comprendre exactement la composition et le
fonctionnement de l'appareil, que je demanderai les éléments de l'explication des instruments anciens : c'est celle que construisit en 1087 Sou Song, et qu'il a décrite en détail avec des dessins
non seulement de l'instrument entier, mais encore de chaque partie séparée.
Note H.M. sur le dessin de la sphère : On remarquera que, dans ce dessin le Cercle de la norme-céleste
(3) et le pôle Sud (13) sont très mal placés. Le premier qui devrait être parallèle à l'équateur est posé presque verticalement : le dessinateur chinois n'a pas su en dessiner la courbe, et son
point d'attache inférieur (13) avec le Cercle du méridien (1), au lieu de se trouver comme il devrait à droite du « Nuage à la tortue » (10) est mis maladroitement à gauche. Quant au pôle Sud qui
devrait être près de la tête du dragon de gauche, il a été marqué bien trop bas (13), dans l'espace libre entre ce dragon et le « Nuage », presque à l'endroit où le Cercle de la norme céleste (3)
coupe le méridien (1). J'ai indiqué par le chiffre 14 le pôle Nord (que le dessinateur chinois n'a pas marqué) à la place que lui donnait Sou Song, à 36° au-dessus de l'horizon (2), de façon
qu'on puisse corriger par la pensée le dessin inexact et qu'on se rende mieux compte des dispositions réelles & des principaux cercles de la sphère armillaire. Je rappelle que pour les
Chinois de ce temps le Pôle étant à 36° au-dessus de l'horizon,. l'équateur faisait avec l'horizon un angle de 54°.
Description générale de la sphère armillaire houen-yi
La sphère armillaire, houen-yi, se compose de trois séries de cercles.
1° Le premier, appelé Instrument des six points cardinaux, Lieou-ho yi, est posé verticalement au milieu (du cercle) de l'horizon (2), ti-houen : c'est le méridien céleste (1),
t'ien-king. Il est attaché au cercle de la surface terrestre, et ne bouge pas.
2° Le deuxième, appelé Instrument des trois ordonnateurs du temps, San-tch'en yi, est posé à l'intérieur du cercle des six points cardinaux.
3° Le troisième, appelé Instrument des déplacements dans les Quatre directions, Sseu-yeou yi, est posé à l'intérieur de l'Instrument des trois ordonnateurs du temps.
Le premier doit son nom à ce qu'il figure le haut, le bas et les quatre directions, (c'est-à-dire) le corps du ciel et de la Terre.
On l'appelle méridien céleste par opposition à l'horizon terrestre on l'appelle aussi Cercle méridien (1) yang, par opposition à l'horizon qui est le Cercle transverse (2)
yin.
De plus, on met quatre colonnes dragons (11) aux quatre coins, au-dessous du globe céleste : on les appelle ainsi parce que chacune est entourée d'un dragon ; et une tortue avec des nuages (10),
au-dessous de l'Instrument des six points cardinaux : il est supporté par le souffle des nuages, et la tortue porte les nuages. Enfin, au-dessous des quatre colonnes-dragons, on met une
canalisation d'eau en croix pour égaliser le niveau (12).
On pose séparément le Cercle unique de la norme céleste (3), T'ien-tch'ang tan-houan, à l'intérieur de l'Instrument des six points cardinaux. On pose aussi le double Cercle de
l'écliptique (5), houang-tao chouang-houan, et le simple Cercle de l'équateur (4), tch'e-tao tan-houan, tous deux à l'intérieur de l'Instrument des trois ordonnateurs du temps ;
ils se croisent à l'Est et l'Ouest, et tournent suivant le mouvement du ciel, pour qu'on observe le cours des mansions. Enfin on fait le Cercle des Quatre quadrants (6), sseu-siang
houan, qu'on ajoute à l'Instrument des trois ordonnateurs du temps : ils sont attachés l'un à l'autre aux deux points de jonction des deux cercles mobiles célestes, équateur et écliptique.
De plus, on fait deux règles droites (8) qu'on place longitudinalement à l'intérieur de l'instrument des déplacements dans les Quatre directions (de façon que la règle du) Nord soit dans (la
partie de) l'Instrument des six points cardinaux située au-dessus de l'horizon terrestre, afin d'établir le nombre de degrés dont le Pôle s'élève au-dessus de l'horizon ; et celle du sud dans (la
partie de) l'Instrument des six points cardinaux située au-dessous de l'horizon terrestre, afin d'établir le nombre de degrés dont le pôle Sud descend au-dessous de l'horizon.
Telle est la forme générale de la sphère armillaire.
Intérieurement aux règles droites, est placé un Tube de visée, wang-tong, dont le milieu est mis sur un pivot appliqué aux règles droites, et permettant de le faire tourner en haut et en
bas pour observer à quels degrés se trouvent les constellations des quatre directions.
Le globe céleste, houen-t'ien siang, littéralement « image du ciel sphérique », était un instrument distinct de la sphère armillaire,
houen-t'ien yi, dont « il a l'appareil tournant, mais non l'appareil de visée ». On en faisait en bois ou en bronze : celui qui se trouvait dans le Trésor impérial au milieu du VIe
siècle, à la fin de la dynastie Leang, était en bois.
« Il est rond comme une boule,... ses extrémités Nord et Sud (les deux pôles) ont un axe ; sur le corps penché, se déploient les 28 mansions, les étoiles (de chacun) des (astrologues) des trois
maîtres, l'écliptique et l'équateur, la Voie Lactée. Il y a de plus un cercle oblique, qui en fait le tour extérieurement et dont la hauteur (par rapport au globe céleste) est réglée de façon à
représenter la Terre ; l'extrémité Sud de l'axe pénètre dans la Terre et est plantée au Sud pour représenter le pôle Sud ; la partie Nord de l'axe sort au-dessus de la Terre et est plantée au
Nord de façon à représenter le pôle Nord ; quand le globe tourne de l'est à l'ouest, les étoiles qui passent au méridien soir et matin correspondent exactement à leurs degrés ; les équinoxes et
les solstices également sont vérifiés ; il n'y a absolument aucune différence (avec le ciel). Il y a un tube de visée séparé pour observer les degrés du Soleil, de la Lune et des planètes.
»
Le globe fabriqué vers le milieu du IIIe siècle par le t'ai-che ling de l'empire de Wou, Tch'en Miao, était aussi en bois. Au contraire, celui que fit en 436 le t'ai-che ling
Ts'ien Yo-tche, et qui, à la fin des Leang, fut déposé à la salle Wen-tö du Palais, était en bronze.
« Il était à l'échelle de 5 dixièmes de pouce par degré, ce qui faisait un diamètre de 6 pieds, 8 ¼ dixièmes de pouce, et une circonférence de 182 pouces, 6 ¼ dixièmes de pouce ; la Terre était à
l'intérieur du ciel et restait immobile, on avait dressé les deux cercles de l'écliptique et de l'équateur, les cercles des deux pôles Nord et Sud ; on avait disposé les 28 mansions, la Grande
Ourse, la constellation Polaire, on avait mis le Soleil, la Lune et les cinq planètes sur l'écliptique. On avait fait un axe, kang-tch'ou, afin de reproduire le mouvement du ciel ; [et
on avait installé une horloge afin de faire tourner l'instrument au moyen de la (force) hydraulique :] les passages au méridien des étoiles matin et soir étaient pareils à ceux du ciel. »
Le même Ts'ie Yo-tche en fit en 440 un autre plus petit, à l'échelle de 2 pouces par degré, dont le diamètre était de 21 pouces et la circonférence de 66 pouces ; les étoiles y étaient figurées
par des perles blanches, vertes et jaunes, couleurs attribuées aux trois astrologues de l'antiquité, le Soleil, la Lune et les cinq planètes étaient sur l'écliptique ; comme le globe céleste plus
grand construit quelques années avant, il reproduisait le mouvement circulaire du ciel. Au temps des Han, Tchang Heng avait fait un globe céleste en bronze dont il réglait le mouvement, comme
pour sa sphère armillaire, à l'aide d'une clepsydre ; les dimensions en étaient les mêmes que celles de sa sphère armillaire ; l'écliptique et l'équateur y étaient figurés par des bandes de
bronze de 4 ½ dixièmes de pouces de large, dimension qui devint la règle par la suite. Il n'y a aucune raison de supposer qu'il fut le premier à fabriquer un globe céleste, mais on ne peut savoir
quand cet instrument fut fait pour la première fois.
Les cartes du ciel étaient plus anciennes : les premières paraissent avoir accompagné les catalogues d'étoiles de Che Chen, Kan Tö et Wou-hien ; mais ce n'est qu'au IVe siècle que le Grand
astrologue, t'ai-che-ling, Tch'en Tch'o, prenant pour base la carte de Che Chen et y ajoutant des constellations empruntées aux deux autres, dessina le prototype des cartes célestes
chinoises modernes ; il y différencia les constellations prises de chacun des trois astrologues antiques par des couleurs particulières (rouge pour les constellations de Che Chen, noir pour
celles de Kan Tö, blanc pour celles de Wou-hien), habitude qui s'est conservée jusqu'au XIXe siècle dans les cartes célestes chinoises et japonaises. Ni l'œuvre de Tch'en Tch'o, ni celle de ses
successeurs n'ont survécu : la carte céleste la plus ancienne qui subsiste est celle qui fut gravée sur pierre en 1247 et qui avait été dessinée vers 1193 pour l'éducation de l'empereur
Ning-tsong des Song.
Cette revue un peu longue des instruments astronomiques de l'époque des Han Postérieurs montre avec quelle ingéniosité les Chinois cherchèrent à se donner les appareils d'observation qui leur
manquaient et à perfectionner ceux qu'ils avaient déjà. La lenteur des progrès de leur astronomie tient à l'insuffisance de leurs connaissances mathématiques, et peut-être aussi pour une part à
l'influence exagérée des doctrines astrologiques, plutôt qu'à l'insuffisance de leur matériel technique. Si on met à part ceux de ces instruments qui furent inventés sous les Han ou encore plus
tard, quels étaient ceux que possédaient les astronomes ou plutôt astrologues plus anciens, ceux qui fondèrent l'astronomie scientifique chinoise vers le IVe siècle avant notre ère ? Lieou Hiang
dans un passage qui est, je crois, la plus ancienne énumération d'instruments astronomiques chinois, mentionne ceux qui furent employés par le Bureau du Grand scribe pour la préparation du
calendrier de t'ai-tch'ou (105 a. C.) sous l'empereur Wou des Han :
« On conseilla de faire le calendrier des Han. Alors on fixa l'Est et l'Ouest, on dressa le gnomon, yeou-yi, on fit descendre la tige gravée de l'horloge hydraulique, et ainsi on mesura
la distance des 28 mansions, sieou, dans les quatre quartiers (du ciel). »
Avec le gnomon et l'horloge, si on y ajoute la tablette des mesures, t'ou-kouei, je crois bien que nous avons tous les instruments de l'époque antérieure aux Han ; encore ne faudrait-il
pas exagérer l'antiquité de l'horloge hydraulique : l'auteur du Tcheou-li, au IVe siècle a. C., ne connaît pas l'horloge hydraulique comptant l'heure du lever au coucher du Soleil, et de
son coucher à son lever, mais seulement la clepsydre qui permet de mesurer un temps donné par l'écoulement de l'eau qu'elle contient. C'est avec ce matériel restreint que les astronomes de ce
temps ont établi la longueur approchée de l'année tropique, bâti un calendrier régulier, reconnu les mouvements des planètes, construit leur premier système à base scientifique de représentation
du monde, et créé une technique d'observation que l'invention d'instruments nouveaux a permis à leurs successeurs de développer et d'améliorer dans le détail, mais sans leur faire éprouver le
besoin de la changer dans son ensemble, tant elle répondait bien aux conditions de la recherche astronomique en Chine.
*
Lire aussi :
- H. Maspero : L'astronomie dans la Chine ancienne.
- H. Maspero : L'astronomie chinoise avant les Han.
- Le Tcheou pei. Traduction et examen d'Édouard Biot.
- L. de Saussure : Les origines de l'astronomie chinoise.
- Se-ma Ts'ien : Mémoires, t. III. Les gouverneurs du ciel.