LU Lien-tching
LES GRENIERS PUBLICS DE PRÉVOYANCE SOUS LA DYNASTIE DES TS'ING
Jouve & Cie, Paris, 1932, 212 pages.
- "Dans l'ancienne Chine, l'institution des greniers publics était, sans conteste, une œuvre remarquable de prévoyance et d'assistance sociales dont les bienfaits se passent de commentaire. Il suffit, en effet, de considérer la permanence de cette institution pour se rendre compte de son utilité. Créée au seuil de l'histoire de Chine, elle a survécu à un grand nombre de dynasties et n'a disparu qu'à l'époque moderne où l'épargne, grâce aux innombrables inventions dans le domaine des transports, du commerce et de l'industrie, etc. a pris la forme du capital déposé en banque, appelé à répondre promptement et efficacement aux diverses exigences de la vie sociale actuelle."
- "Chez un peuple agriculteur tel que le peuple chinois, déjà avancé en civilisation dans l'antiquité mais isolé du reste du monde, la sagesse commandait à la population vivant dans l'incertitude ou l'insécurité sous l'éternelle menace des désastres, de se suffire à elle-même. Si l'on constate encore l'immensité du territoire, la densité de la population, les intempéries, les difficultés de communication, la fréquence des fléaux : famines, sécheresses, inondations, ravages des sauterelles, etc., on comprend plus aisément qu'il fallait que la nation disposât de dépôts en vivres en nombre suffisant répartis dans toutes les régions pour parer aux éventualités du sort. L'institution des greniers publics, presque inconnue ailleurs, avait au contraire pris en Chine une importance considérable dans les préoccupations gouvernementales."
Extraits : Notions historiques sur l'institution des greniers - Description architecturale des greniers publics - Origine des
céréales
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L'institution des greniers existait au début de l'histoire chinoise. Mais pour l'époque où commence l'histoire de la Chine, on ne trouve que des indications très brèves et éparses sur ce sujet. Les premiers législateurs avaient énoncé les principes que les générations postérieures ont mis en application au cours des siècles. Ainsi, une vue d'ensemble tirée d'une étude chronologique des textes historiques, nous renseigne sur l'existence de plusieurs sortes de greniers aux attributions diverses. Dans la haute antiquité, les sages rois, inquiets du lendemain, s'efforcèrent d'avoir toujours de quoi assurer les dépenses du pays et satisfaire aux besoins du peuple dont le principal est de tous les temps la nourriture.
D'après le Li-ki : « Si dans un État, les provisions de réserve n'étaient pas équivalentes aux récoltes de neuf années, on disait qu'il n'avait pas le suffisant. Si elles n'étaient pas
équivalentes aux récoltes de six années, on disait qu'il était dans la gêne. Si elles n'étaient pas équivalentes aux récoltes de trois années, on disait qu'il ne pouvait plus subsister (et
demeurer sous le gouvernement de son prince). Les terres, cultivées pendant trois ans, devaient donner des provisions de réserve équivalentes aux récoltes d'une année ; cultivées pendant neuf
ans, elles devaient donner des provisions de réserve équivalentes aux récoltes de trois années. Quand on avait continué ainsi pendant trente ans, lors même qu'il survenait des sécheresses ou des
inondations, les habitants n'avaient jamais l'air de faméliques réduits à vivre d'herbes. Alors, le fils du ciel avait chaque jour un repas complet accompagné de musique. »
L'accumulation des denrées de toutes sortes était la chose principale. Plus tard, quand les limites du territoire national s'élargirent et que la population devint plus dense, ce souci
d'accumuler les vivres s'accentua et l'application des principes anciens se généralisa.
Sous les Tcheou s'organisa un système de greniers publics qui, au lieu de se confondre avec les greniers de
la maison seigneuriale, devinrent des réserves de céréales régionales affectées à des besoins bien spécifiés. Le Tcheou-li ou Rites des Tcheou nous montre un système connu sous le nom de «
système des accumulations » (Wei-tsi-fa). Divers officiers étaient chargés de l'appliquer. Le ta-sseu-t'ou, grand directeur des multitudes, et le siao-sseu-t'ou, sous-directeur des multitudes,
doivent ordonner de faire des provisions : « les officiers des gratifications (yi-jen) sont chargés des approvisionnements de l'État pour subvenir aux distributions des faveurs impériales. Ce qui
comprend les approvisionnements des lieux habités dans les districts intérieurs pour soulager les pauvres, les misérables parmi les hommes du peuple ; les approvisionnements des portes et
barrières pour nourrir les vieillards et les orphelins ; les approvisionnements des lieux habités dans les banlieues pour attendre les visiteurs étrangers ; les approvisionnements de la campagne
et des cantons extérieurs pour attendre les voyageurs ; les approvisionnements des dépendances et apanages pour le cas de calamité publique, de disette »...
Sous les Han. Le système de Li Kouei eut une grande vogue sous le règne de l'empereur Siuan des Han (73-49
av. J.-C.) pendant une grande abondance où l'effroyable avilissement du prix des grains prit une allure inquiétante, le picul de grains, dit l'histoire des Han antérieurs, ne coûtait que 3
sapèques, de sorte que la population agricole ne pouvait tirer de la vente qu'un maigre profit. Le ta-sseu-nong, ministre de l'Agriculture, Keng Cheou-tch'ang proposa, comme Li Kouei l'avait
fait, de faire acheter par l'État les grains de San-fou, de Hong-nong, de Ho-tong, de Chang-tang et de T'ai-yuan. Sans doute, c'était pour faire monter le prix des grains et donner aux paysans
l'occasion d'en obtenir un plus grand profit. D'autre part, un décret ordonna aux préfectures limitrophes des frontières de construire des greniers ayant pour mission d'acheter des grains au
moment où leur prix était avili, mais en les payant plus cher pour rendre service aux agriculteurs, de vendre les grains accumulés au moment où leur prix était élevé, mais en abaissant le prix au
profit du peuple. Pour la première fois, les greniers constitués par ce décret reçurent l'appellation de greniers d'équilibre constant (tchang-p'ing-ts'ang)...
Sous les T'ang. Le système de greniers distributeurs fut suivi sous les T'ang, où ils furent établis par un
édit du 9e mois de la première année Wou-tô (618). Désormais, pendant les malheurs et la famine, les greniers communaux distribuaient les grains. Si ceux-ci ne pouvaient suffire au besoin, on
déplaçait la population pour la faire nourrir par d'autres régions où la récolte avait été bonne, comme cela se pratiquait du temps des Tcheou. Mais les greniers des T'ang n'avaient pas seulement
un rôle distributeur, ils avaient aussi un rôle régulateur...
Sous les Song, au début du règne Hi-ning de Chen-tsong (1068-1077) l'institution des greniers publics connut
une grande transformation avec le ministre Wang Ngan-che. Celui-ci fut l'auteur d'une nouvelle politique agraire connue sous le nom de politique des semences (ts'ing-miao-fa). Elle consistait à
accorder avant les ensemencements annuels des crédits publics à des cultivateurs qui s'engageaient à payer un intérêt de 20 % perceptible au printemps et à l'automne après les récoltes. Les fonds
en argent ou en nature des greniers d'équilibre constant et de bienfaisance (il s'agit des greniers Kouang-Houei) furent utilisés à cet effet. Cette politique devait produire des résultats
désastreux à cause de la perception d'un intérêt exorbitant dans deux délais trop courts et à cause de son caractère officiel, partant obligatoire et vexatoire. Aussi ne tarda-t-elle pas à être
abandonnée après avoir soulevé des critiques violentes de la part des hauts dignitaires, de Han K'i et de Sseu-ma Kouang notamment. Un édit de l'empereur Tche-tsong intervenu en 1086 condamna
définitivement la politique de Wang Ngan-che et rétablit le système des greniers d'équilibre constant.
Après cette transformation malencontreuse, on vit apparaître un système perfectionné appelé à durer et à donner d'excellents résultats ; ce fut l'institution des greniers communaux. Sous les
Song, les greniers communaux furent des plus florissants. Bien que déjà sous les Souei et les T'ang, il y eut ce genre de greniers, ils restaient néanmoins en nombre très restreint et ne
donnaient pas de bons résultats. Les greniers communaux des Song du type de Tchou Hi étaient au contraire une institution très populaire en même temps très pratique. À bien des points de vue, ils
ressemblent aux coopératives de crédit du type Raiffeisen, à cette différence que les greniers communaux assuraient les sociétaires contre la famine, tandis que les coopératives de crédit du type
Raiffeisen visent seulement des buts financiers. Le grenier communal est une œuvre de prévoyance en même temps d'assistance à la portée des villageois. L'organisation de ce type de grenier est
d'après Tchou Hi fort simple. Pendant les bonnes années, les habitants du village s'assemblent pour convenir de la quantité de grains à conserver dans le grenier de la commune et de celle que
riches et pauvres doivent fournir comme parts de fondateurs. Ils élisent plusieurs personnes âgées, respectables, sachant compter et écrire pour se charger de l'administration du grenier. Le
grenier communal peut être aussi fondé en demandant à l'État de faire des avances en céréales remboursables dans les années suivantes...
L'histoire de la dynastie des Yuan déclare que l'institution des greniers de bienfaisance dans les communes
et des greniers d'équilibre constant dans les préfectures, sous-préfectures, est due au désir de ne pas nuire au peuple dans les famines ni aux agriculteurs pendant les bonnes années, selon
l'expression de Li Kouei. Ces greniers furent fondés à la première année Tche-yuan (1264) de l'empereur Che-tsou (Khoubilai Khan). Les greniers d'équilibre constant devaient faire des achats et
opérer des ventes en en élevant ou abaissant le prix suivant les bonnes ou mauvaises années, conformément à la tradition établie dans ce système. Quant aux greniers de bienfaisance, ils furent
fondés dans les communes, sous la direction des chefs communaux. Les grains devant être conservés dans ces greniers sont ramassés par un système de perception qui consiste à exiger de chaque
habitant des apports en grains à raison de 5 boisseaux par personne parente à sa charge et de 2 boisseaux par personne en service chez lui. Faute de millet, on pouvait donner d'autres céréales.
La perception se fait dans les bonnes années ; la distribution des grains durs dans les mauvaises. Pendant l'inondation de Sin-tcheng (1284) et celle de Tong-p'ing (1292) qui eurent lieu sous les
Yuan, les grains des greniers de bienfaisance et communaux furent distribués pour soulager le peuple.
T'ai-tsou, fondateur de la dynastie des Ming, avait chargé dans les premières années de son avènement, un
certain nombre de vieillards vénérables de transporter des fonds publics hors de la capitale aux régions de bonne récolte afin d'acheter des grains pour le compte de l'État. Ces grains étaient
conservés dans les greniers de prévision (yu-pei-ts'ang). Ainsi que leur nom l'indique, ces greniers étaient destinés à prodiguer leurs secours aux sinistrés en cas de calamité. Seulement, ce
système qui venait d'être inauguré ne tarda pas à disparaître dans les années suivantes. Sous le règne de l'empereur Yin-tsong (1436-1479), on encourageait le peuple à sortir des grains ; celui
qui en fournissait à l'État 1.500 piculs de grains était récompensé. La récompense consistait en l'octroi par l'empereur du titre de yi-min (citoyen généreux) et par l'exemption de toutes corvées
et servitudes attachées à la personne du donateur. D'autre part, pour recouvrer les grains distribués, la règle était de demander au bénéficiaire d'un picul de grains d'en fournir à l'État, 2
piculs 1/2 dans les bonnes années. À la 3e année Hong-tche (1490), il fut ordonné aux vice-préfectures et sous-préfectures dont la superficie ne dépasse pas 10 li, de posséder une réserve en
grains de 15.000 piculs ; à celles qui ont une surface de 20 li, il fut ordonné d'avoir un stock de 20.000 piculs de grains, le wei devait avoir 15.000 piculs, le chou 300 piculs...
Nous venons de montrer qu'il s'était peu à peu constitué au cours des siècles trois sortes de greniers publics tendant sensiblement au même but, mais présentant des différences d'origine, qui
avaient leur répercussion sur leur organisation et leur administration : 1° grenier d'équilibre constant ; 2° grenier de bienfaisance ; 3° grenier communal. Les Ts'ing les utilisaient toutes trois et s'efforçaient même de les développer, et pour cela, les empereurs de cette dynastie rendirent un
grand nombre d'ordonnances, prescrivant des mesures créatrices ou conservatrices qui constituent toute une législation.
L'emplacement réservé à l'édifice des greniers publics doit couvrir une surface de 4 meou.
Le bâtiment doit avoir sa façade vers le sud. Si le terrain ne mesure pas 4 meou, on peut aussi élever les constructions suivant l'espace disponible... Le choix de l'emplacement se fixe sur les
terrains élevés et secs afin d'éviter les dégâts possibles pour les grains, causés par l'humidité. Si le terrain n'est pas uni, on doit procéder à son nivellement avant de commencer la
construction. Tout autour de l'espace renivelé, on creuse des fossés amenant les eaux dans un égout unique et on ne doit pas laisser les eaux se déverser çà et là...
Les dimensions des greniers sont déterminées selon le nombre de piculs de grains que les vice-préfectures et les sous-préfectures veulent y mettre. Mais la forme architecturale n'en est pas moins
identique partout. Au milieu, un bâtiment principal ; à gauche et à droite, des pièces réservées aux greniers ; devant, la porte principale, des deux côtés, les bâtiments accessoires. Les
greniers et les pièces ci-dessus mentionnées doivent être construits très solidement, pouvant durer très longtemps. On ne doit pas viser seulement la beauté de l'édifice.
On doit employer le tch'e officiel muni d'une estampille au feu, pour mesurer l'emplacement, les bâtiments, les pièces en bas, les pierres et les briques afin qu'aucune erreur ne soit commise et
que les dimensions soient partout les mêmes.
On élèvera une porte façade d'environ 1 tchang [L'unité de longueur est le tchang (dix pieds) subdivisé par raison décimale en tch'e (pied), ts'ouen (pouce), fen, etc.], 3 tch'e (pieds) et 8
ts'ouen (pouces) de haut, avec une largeur de 1 tchang, une profondeur y compris l'auvent de 1 tchang 7 pieds et 6 pouces. Des, deux côtés de la porte principale sont des appartements réservés à
l'habitation du personnel des greniers ; ils sont larges de 8 pieds ; la toiture se compose d'une couche de bambous tressés recouverte elle-même de tuiles ; on ouvrira deux portes, chacune de 3
pieds de large.
Le bâtiment principal a environ 1 tchang 9 pieds et 6 pouces de haut ; la pièce du centre
est large de 1 tchang 4 pieds et 8 pouces, les deux pièces attenantes mesurent chacune 1 tchang et 4 pouces de large, avec toutes les deux, une profondeur de 2 tchang et 6 pouces non compris
l'auvent. Au milieu, on place 6 portillons des deux côtés ; devant le bâtiment, on met une balustrade en bois. L'auvent extérieur mesure 3 pieds. La toiture se compose d'une couche de briques
recouvertes de tuiles. La surface intérieure est pavée avec des briques carrées. Sous l'auvent, le pavé est en pierre. Les murs des trois côtés doivent s'élever sur une base mesurant 2 pieds de
large. On doit d'abord consolider le terrain avec des débris de briques et de pierres ; on superpose ensuite 3 couches de larges pierres qui constituent la base au-dessus de laquelle s'élèvent
les murs en brique avec des attaches en fer pour les consolider.
Matériaux. Toutes les tuiles et briques sont commandées et fabriquées spécialement, chacune des pièces porte l'inscription de 2 caractères tchang-p'ing. Il n'y a que les
tuiles et briques grises qui seront utilisées, les jaunes ne sont pas employées. Pour le plâtre et la chaux, on en achète au fur et à mesure des besoins. Les pierres doivent être choisies parmi
les grises, les blanches, les fines et les solides ; les jaunes et les grossières sont délaissées. Les poutres en bois doivent être choisies parmi les rondes et les longues de même grosseur d'un
bout à l'autre, desséchées et jaunies, à l'exclusion du bois neuf et frais qui pousse au penchant non ensoleillé des collines.
Les autorités locales des vice-préfectures et des sous-préfectures feront une estimation des frais de construction suivant le nombre de pièces à construire, chargeront des personnes sérieuses de
faire les achats de matériaux. Les matériaux, bois, pierres, etc., dès qu'ils sont arrivés à destination, feront l'objet d'un contrôle par les fonctionnaires eux-mêmes ou par leurs délégués et
par le surveillant principal des travaux. Les pièces utilisables sont acceptées ; les pièces inutilisables devront être immédiatement changées. On ne doit pas accepter sans contrôle. Les tuiles
et les briques commandées qui ne sont pas conformes à la forme prescrite, ne seront pas utilisées. On doit tenir un registre portant le sceau de la sous-préfecture, sur lequel on inscrira, au
jour le jour, les chiffres des réceptions et des distributions de matériaux. Les délégués des autorités locales procéderont à l'inspection des matériaux de temps en temps. Tous les frais prévus
dans l'état d'estimation, matériaux et salaires compris, doivent faire l'objet d'un rapport qui sera adressé au préfet ou à l'intendant.
Les stocks de grains mis en grenier public ont une double origine :
a. Constitution par l'État
1° Avec les fonds publics. — Différents édits furent rendus dans les années K'ang-hi, Yong-tcheng et Kien-long autorisant des
achats de grains avec les fonds publics déposés aux pou-tcheng-che (trésoriers métropolitains) dans les années de bonne récolte, afin de remplir les greniers régionaux. D'une part, c'était pour
avoir des réserves nécessaires en prévision des calamités ; d'autre part, on voulait éviter ainsi le gaspillage des grains dans l'abondance. Les céréales achetées devaient être annuellement
converties en grains non écorcés. L'administration des greniers devait dresser un état des dépôts et l'envoyer au ministère des Cens à la fin de l'année.
2° Avec les amendes payées. — Selon un édit impérial de la 12e année Chouen-tche (1655), les préfets et les sous-préfets
devaient administrer eux-mêmes les fonds provenant des amendes. Ils devaient consigner les fonds en argent au printemps et en été, les transformer en réserve de grains en automne et en hiver. Les
grains étaient conservés dans les greniers d'équilibre constant en prévision des distributions éventuelles. Les préfets et sous-préfets devaient, en outre, tenir un registre spécial mentionnant
les opérations faites, en informer le trésorier métropolitain qui adresserait tous les rapports annuels reçus au ministre des Cens.
3° Avec les retenues opérées dans le stock des prestations en nature ts'ao. — Si l'année était mauvaise et qu'il fallait
préparer des réserves en vue des secours à distribuer, on opérait souvent des retenues dans le stock de prestations en nature ts'ao en dépôt dans le pays ou y était en transit. Par exemple, un
décret de la 44e année K'ang-hi (1705) déclarait : La préfecture Ho-nan de la province de Ho-nan est le centre de l'empire et donne accès aux autres régions, elle doit être en mesure de porter
secours aux provinces proches qui viendraient à subir le mauvais sort. Il est ordonné d'opérer des retenues sur les prestations en nature ts'ao de l'année précédente, pour une quantité totale de
465.682 piculs et de les mettre en grenier d'après la répartition suivante :
En 1708, d'importantes retenues furent opérées dans le stock des prestations en nature ts'ao perçues dans le Tchö-kiang et dans le Kiang-sou, en vue de faire des ventes de grains dans les
localités éprouvées par l'inondation. Ces retenues étaient opérées d'après la répartition suivante : Kiang-sou 100.000 piculs, Ngan-houei 50.000 piculs, Tchö-kiang 100.000 piculs. Toutes ces
quantités furent revendues au prix réduit. Ces exemples se répétèrent maintes et maintes fois par la suite.
4° Par la vente du titre de kien-cheng (élève du Collège impérial). — La 4e année Yong-tcheng (1726) l'empereur décréta
:
« La province de Kiang-nan a une vaste superficie et une population dense, ses besoins en riz et en grains sont plusieurs fois plus grands que les autres provinces. S'il fallait acheter ailleurs
des céréales pour porter secours à sa population, cela prendrait du temps et ne produirait pas les avantages escomptés. Des règles concernant l'octroi des titres de kien-cheng sont désormais
applicables à cette province. L'argent perçu à l'occasion de ventes de titres devra être converti en riz ou en grains à raison de 1 picul de riz ou de 2 piculs de grains par taël. Les habitants
des provinces voisines pourront aussi acheter des titres de kien-cheng en les payant avec des grains ou du riz. »
À la 13e année K'ien-long (1748), l'empereur Kao-tsong rendit un édit selon lequel les grains provenant de la vente des titres kien-cheng devaient être employés en temps de disette. La quantité
des grains à conserver dans les greniers provinciaux ayant déjà fait l'objet d'une réglementation, les provinces restées dans l'insuffisance devaient continuer de vendre les titres pour se
procurer des grains complémentaires. Les provinces ayant satisfait à la quantité requise, devaient conserver à part les grains provenant de la vente des titres. Si la distribution des grains
était rendue nécessaire dans la suite, on pourrait recourir à ce stock. Lorsque les grains des greniers d'équilibre constant avaient été vendus dans le but d'en abaisser le prix au profit du
peuple et que les greniers n'ont pas été remplis, on pouvait transférer dans les premiers greniers le stock nouvellement constitué. Les quantités de grains conservées et toutes les recettes
provenant des ventes de titres devaient s'inscrire sur un registre ; un état annuel des opérations effectuées par les greniers publics devait être adressé au ministère des Cens.
b. Constitution par les habitants
1° Par les paysans de la région. — A la 31e année K'ang-hi (1692) l'autorisation fut donnée aux habitants du Chan-tong de
donner en été et en automne de chaque année 4 ko de grains non écorcés par meou de terre possédée, le riz et le blé étant tous préalablement convertis en grains non écorcés. Les préfectures
Si-ngan et Fong-siang du Chen-si et les provinces de Tchö-kiang et de Fou-kien devaient aussi ramasser des grains à l'instar du Chan-tong conformément au règlement susdit.
2° Par les notables. — Le premier empereur mandchou, maître de la Chine, Che-tsou, rendit à la 12e année de son règne (1655),
un édit ordonnant aux autorités administratives d'encourager les notables et les riches habitants à faire des dons en riz ou en grains après la récolte automnale de l'année abondante.
L'empereur Cheng-tsou qui succéda au premier renouvela les mêmes instructions et édicta des règlements d'encouragement aux dons.
3° Par les fonctionnaires. — Un édit de l'empereur Cheng-tsou, rendu à la 36e année K'ang-hi (1696), ordonna de mettre dans
les greniers d'équilibre constant, tous les dons en grains faits par les fonctionnaires. Ils devaient être employés aux distributions en temps de mauvaise récolte.
Un autre édit, daté de la 54e année du même règne (1714) ordonna de répartir les 35.700 piculs de grains offerts par les fonctionnaires du Hou-pei, entre les différentes vice-préfectures,
sous-préfectures, wei et chou, lesquels étaient tenus de les mettre en grenier.
4° Par les commerçants de sel. À la 5e année Yong-tcheng (1727), les négociants de sel du Hou-nan et du Hou-pei offrirent une
somme de 100.000 taëls destinée aux achats de grains. L'empereur ordonna aux préfets des deux provinces de faire des achats sur place en vue de constituer un stock de grains.
Les libéralités des négociants de sel devaient à l'avenir servir à constituer les fonds des greniers de bienfaisance de sel que nous verrons plus tard.