Édouard JEANSELME (1858-1935)
HYGIÈNE ET VIE MATÉRIELLE EN CHINE
Revue Générale des sciences pures et appliquées, Paris, 1905, pages 195-204.
- Respectueuse à l'excès du passé, la Chine ne progresse plus depuis bien des siècles. Qui parcourt le Yunnan, en relisant les descriptions du célèbre voyageur Marco Polo, contemporain de Saint-Louis, reste convaincu que la physionomie du monde chinois ne s'est guère modifiée depuis six cents ans.
- On conçoit sans peine combien multiples sont les causes d'adultération de l'eau potable dans ce pays, où il n'y a ni égouts ni latrines. Au fond des puits, qui ne sont pas maçonnés, se collectent toutes les souillures du voisinage. Le liquide fétide qu'on en tire est surchargé de limon. Il ne se clarifie que si on le défèque, en l'agitant avec un bambou perforé contenant quelques morceaux d'alun. À la surface des grandes cuves qui servent à la fois à l'usage des hommes et des bêtes, dans la cour des auberges, flottent des débris de légumes et des détritus de toutes sortes ; si, comme je l'ai fait plusieurs fois, on remue la vase du fond, on voit s'élever des tourbillons de boue et de grosses huiles d'où s'échappent des gaz putrides. Toutes les mains sales plongent dans cette eau ; or, le Chinois se mouche avec ses doigts et ignore absolument l'usage de la serviette indispensable.
Extraits : L'hygiène à Yunnan-sen - L'auberge - Le soin de sa personne - Pathologie
yunnanaise
Feuilleter
Télécharger
Dans une capitale comme Yunnan-Sen, où vivent 70 à 80.000 habitants, c'est à peine si quelques charrettes à bras circulent par la ville pour recevoir les immondices. En réalité, ce sont les
chiens et les porcs qui sont chargés du service de la voirie. Et cependant, au milieu des détritus de toutes sortes qui couvrent la boue noirâtre des rues, on ne voit traîner aucun chiffon de
papier. L'écriture, en effet, est tenue en grande vénération par les Chinois ; les caractères d'imprimerie sont en quelque sorte sacrés. Aussi a-t-on coutume de jeter les feuilles écrites, hors
d'usage, dans des corbeilles accrochées aux façades des maisons. À certaines époques déterminées, ces corbeilles sont apportées à la pagode, où leur contenu est brûlé dans de petits fours
crématoires spécialement destinés à cet acte religieux.
Dans cette même capitale, il n'existe pas de canalisation pour l'eau, qu'on soutire de puits vaseux.
Il n'y a pas non plus d'égouts, car on ne peut donner ce nom à d'étroits caniveaux toujours engorgés, toujours débordants d'une boue fétide, qui s'épand au dehors par les fissures des dalles de
recouvrement à demi-brisées. Aussi, qu'une pluie d'orage s'abatte sur la ville, et sur-le-champ la rue est transformée en un véritable ruisseau charriant des ordures et des charognes.
La vidange se fait en plein jour, au moyen de seaux de bois non couverts. Des industriels ont établi à leurs frais, sur les voies les plus fréquentées, des communs gratuits. C'est là, paraît-il,
une entreprise d'un excellent rapport ; car le paysan chinois prise beaucoup l'engrais humain avec lequel il fume ses champs.
Le feu se propage avec une extrême rapidité dans les villes chinoises, car les maisons sont en majeure partie construites en bois. De grandes cuves en pierre, destinées à recueillir les eaux de
pluie, sont disposées de distance en distance dans les quartiers populeux. Voilà tout ce que la prévoyance administrative oppose au fléau.
Les habitants vont y puiser eux-mêmes en cas d'incendie, car il n'y a pas de corps de pompiers. Trop souvent ces citernes sont à sec, et d'ailleurs elles sont dépourvues de tous les engins qui
permettraient d'en extraire l'eau avec promptitude.
Les cimetières, en Chine, sont toujours situés hors ville, non par mesure d'hygiène, mais parce que les ombres se plaisent loin des bruits terrestres et parce que les vivants redoutent les
maléfices des trépassés. Les tombes sont disséminées, soit dans un champ familial, qui, par cela même, devient sacré et inaliénable, soit dans des terrains vagues et incultes ou sur les flancs
des montagnes. Les sépultures ne sont donc pas groupées dans un enclos ; elles sont jetées aux quatre points cardinaux, suivant les indications du géomancien. Si le défunt n'est pas enterré
suivant les règles, il se venge sur sa postérité ; de là des exhumations successives, où l'hygiène ne trouve pas son compte, jusqu'à ce que l'on ait enfin découvert l'orientation convenable. À
proximité des villes, il n'est pas rare de voir des bières posées simplement sur le sol ; elles séjournent là des mois entiers au grand détriment de l'hygiène, jusqu'à ce que le sorcier ait
prononcé son arrêt.
Voilà pour l'hygiène publique. L'hygiène privée du Chinois n'est pas meilleure. Pour savoir
comment il la comprend, pénétrons à l'auberge, le seul lieu où l'Européen puisse à loisir observer le Jaune.
Une voûte large et basse, sous laquelle s'engagent les mulets et les chaises, conduit dans une cour intérieure toujours très encombrée. On y voit des fourneaux en plein air, où chacun fait sa
cuisine, un puits dont on extrait une eau chargée d'argile, de vastes cuves où tous les gens de l'auberge, voyageurs, porteurs ou muletiers, puisent avec de grandes cuillères de bois. À l'arrivée
d'une caravane, c'est un brouhaha indescriptible. Çà et là les bâts et les charges sont posés au hasard sur le sol, et au milieu de tout ce désordre circulent des muletiers qui jurent, des bêtes
qui ruent et des porcs qui grognent. Enfin, le calme renaît et les pauvres bêtes au dos tout meurtri (car le mafou yunnanais ignore le tapis de selle et de bât) vont d'elles-mêmes aux râteliers
et aux mangeoires qui, de chaque côté de la cour, alternent avec des réduits où couchent les muletiers. Les écuries ne sont pas closes ; elles sont seulement protégées contre la pluie par l'étage
qui les surplombe, de sorte que le voyageur européen, dont l'odorat est plus susceptible que celui du Jaune, est fort incommodé par les senteurs animales qui remplissent toute l'auberge. Le fond
de la cour est souvent occupé par une ou plusieurs pièces réservées aux mandarins de passage ou aux étrangers de marque. Au-dessus de cet appartement et des écuries règne un étage en bois,
toujours peu élevé et rarement plafonné. Il est divisé en plusieurs dortoirs, ayant pour tout mobilier des lits de camp sur lesquels trois à six personnes dorment côte à côte, dans une atmosphère
alourdie par les fumées de l'opium.
Entre la planche du lit de camp et la natte est interposé un paillasson assez épais, roulé en traversin au niveau du chef, de sorte que cette couche, sans être moelleuse, serait acceptable pour
l'Européen, si toute la vermine de la création ne s'y donnait pas rendez-vous. L'auberge cesse d'être bruyante vers onze heures du soir, mais le remue-ménage recommence dès cinq heures du matin.
Vous vous disposez donc à profiter de ce court répit pour dormir. Mais à peine avez-vous fermé les paupières, bercé par le bruit de mâchoires monotone et régulier des bêtes, que vous êtes
réveillé en sursaut. C'est un Chinois excédé par les piqûres des moustiques ou des poux qui se lève en maugréant pour secouer sa natte dans la cour, ou bien c'est quelque galeux qui s'étrille
fébrilement le cuir jusqu'à ce qu'il succombe au sommeil. Vous percevez très nettement toutes les phases de ces petits drames intimes, à travers les minces cloisons qui séparent les pièces
adjacentes ; aussi le voyageur novice passe-t-il bien des nuits blanches !
Dans la plupart des auberges, il n'y a pas de communs : c'est la porcherie qui en tient lieu. Quand ils existent, ils sont réduits à leur plus simple expression : c'est une rigole creusée le long
d'un mur, au-dessus de laquelle une demi-douzaine de Chinois s'accroupissent de compagnie, car il ne leur répugne nullement de satisfaire leurs besoins naturels aux yeux de tous ; ou bien c'est
une fosse recouverte d'une simple claire-voie de bambou percée d'orifices de distance en distance ; ou bien encore une excavation béante que franchit une planchette mal assujettie sur laquelle un
Jaune seul est capable de se tenir en équilibre.
La demeure du mandarin ne vaut guère mieux que l'auberge au point de vue de l'hygiène. Sans doute, elle est de plus belle apparence, mais elle n'est ni plus confortable, ni plus saine. La maison
chinoise, par ses dispositions principales, rappelle l'habitation gréco-romaine. Tous les appartements prennent jour sur une cour intérieure encadrée d'un portique. Les pièces d'apparat, toujours
situées au rez-de-chaussée, ne sont fermées que par des vantaux de bois, au nombre de six à huit, qu'on ouvre les jours de réception pour que le public, massé dans la cour, puisse assister à
l'audience comme à un spectacle. Bien différentes sont les pièces réservées à l'habitation privée. Petites, à demi-obscures, elles ne prennent jour que par une étroite fenêtre, dont le panneau à
claire-voie peut être fixe ou s'ouvrir à la façon d'une tabatière.
Jamais le soleil ne visite ces chambres, qui ne sont pas élevées sur cave ; aussi sont-elles très humides. Les couchettes sont disposées sur des estrades en bois, exhaussées de 20 à 30
centimètres seulement au-dessus de la terre battue. La literie est des plus sommaires. Le Yunnanais dort tout habillé, à peine défendu contre la fraîcheur des nuits par une couverture ou un
couvre-pied doublé d'ouate. La maison chinoise est si mal close que le confinement de l'air n'est pas à craindre. Bien au contraire, par les portes mal jointes, par les claires-voies recouvertes
d'une mince feuille de papier de riz presque toujours en lambeaux, l'air se renouvelle sans cesse et souvent même avec excès. L'hiver, la température est assez fraîche, surtout la nuit, et, comme
les maisons sont dépourvues de tout appareil de chauffage, les bronchites a frigore sont fréquentes.
Le Chinois, même celui de la plus basse condition, prend un certain soin de sa personne. Dès l'arrivée à l'étape, le muletier et le porteur de chaise réclament de l'eau chaude. Le cuir du Jaune
résiste à des températures que la peau du Blanc ne saurait supporter. Aussi le Chinois fait-il usage d'eau presque bouillante, ce qui a le double avantage de dissiper la fatigue et de mieux
débarrasser le tégument de la graisse et des débris épidermiques.
Les pieds, toujours souillés et meurtris, car ils ne sont protégés que par des sandales en paillasson, sont l'objet de soins particuliers ; les bras et les jambes sont lavés à grande eau, et
souvent même une ablution générale termine cette toilette du soir.
Le matin, au réveil, le Chinois se passe un linge humide sur le visage, il se rince la bouche, se frictionne les dents avec un chiffon, et se lave les narines.
Malgré ce souci de la propreté corporelle, fort répandu, même parmi les coolies, la phtiriase et la gale sont, en Chine, d'une extrême fréquence. Cela tient à deux causes : la première, c'est que
le Chinois n'a pas de linge de corps ; la seconde, c'est qu'il ne peut nettoyer ses vêtements sordides, faute de savon.
Une fois par semaine, le Chinois se fait raser le pourtour de la tête. L'opération se fait sans douleur, grâce à l'adresse du barbier, qui n'a pourtant à son service qu'une lame grossière et mal
affilée. Les cheveux qui partent du vertex sont seuls réservés ; ils sont enduits de cosmétique et lissés avec un gros peigne de bois, puis ils sont tressés en une natte mince et longue qui donne
aux races si diverses du Céleste Empire un air de famille.
Cela fait, le barbier retire avec dextérité, au moyen de petites curettes, le cérumen et les débris épithéliaux qui encombrent le conduit auditif. Souvent aussi, il inspecte les cul-de-sac
conjonctivaux en y promenant une pointe mousse pour en extraire, au besoin, les grains de poussière et les moucherons. Ces instruments ne sont jamais aseptisés ; aussi cette pratique me
paraît-elle très propre à propager les ophtalmies, dont j'ai déjà signalé l'extraordinaire fréquence. Un massage plus ou moins prolongé clôt dignement la séance.
Les hommes du peuple sont presque tous habillés de grosse toile bleue, semblable à celle que portent nos ouvriers parisiens. Leur vêtement se réduit à une sorte de camisole dont les manches sont
flottantes, et à un pantalon très ample, maintenu par une ceinture. Le couvre-chef varie suivant la saison : c'est la petite toque noire, toujours luisante et grasse, autour de laquelle on
enroule un turban bleu ou noir, ou bien c'est le vaste chapeau pointu que la caricature a vulgarisé en Occident. Les gens de condition aisée portent une longue robe de soie fendue sur les côtés
et serrée au niveau de la taille ; par les temps froids, à ce costume léger ils ajoutent un grand gilet ouaté ou doublé de fourrure ; des chaussettes blanches, sur lesquelles le bas du pantalon
est assujetti à l'aide d'un lien, des pantoufles de soie ou de velours noir, dont l'épaisse semelle de feutre n'a pas de talon, complètent l'accoutrement du bourgeois yunnanais.
Le costume féminin ne diffère pas sensiblement de celui de l'homme. La Chinoise ne porte pas de jupe, et son pantalon serré aux chevilles apparaît au-dessous d'un grand surtout qui descend
jusqu'à mi-jambe. Ce qui la distingue de l'autre sexe, c'est sa chevelure, qu'elle garde entière et qu'elle réunit en chignon, et surtout la petitesse de ses pieds, suite d'une longue et patiente
mutilation. On ignore quelle est la raison d'être de cette coutume barbare dont l'origine remonte à une très haute antiquité.
*
Pathologie yunnanaise
Le Yunnan, dont le climat est subtropical, ne peut être considéré comme malsain. On y vit vieux, et certains missionnaires y résident depuis trente et même cinquante ans sans être jamais rentrés
en France. Voilà qui contraste singulièrement avec la malignité du climat para-équatorial, celui de la Birmanie, par exemple, où la survie d'un missionnaire, en moyenne, n'excède pas huit
ans.
Après la variole, qui tient la première place dans la pathologie du Yunnan, la maladie la plus commune est le paludisme, dont la recrudescence coïncide avec la saison de l'hivernage.
Peut-être groupe-t-on sous ce vocable de paludisme des maladies épidémiques de natures différentes. Le hân pīn ou hân k'í, que les missionnaires considèrent à tort comme la fièvre typhoïde, est
une fièvre rémittente à type tierce, qui s'accompagne de constipation ou de selles sanguinolentes, et se termine par la guérison ou par la mort après la troisième recrudescence. Le tcháng k'í,
fièvre très tenace précédée d'un frisson, persiste quatre à cinq semaines et même plus, sans autre signe marquant que de l'inappétence. La quinine n'a aucune action sur cette maladie, qui est
souvent mortelle. En cas de survie, le retour à la santé parfaite exige plusieurs mois.
L'usage des boissons chaudes ne corrige qu'imparfaitement l'impureté des eaux potables. À en juger par le nombre de médicaments que les officines délivrent contre la diarrhée et la dysenterie, on
peut conclure que les affections intestinales sont fréquentes au Yunnan, surtout pendant la saison chaude.
La syphilis, sous la forme qu'elle revêt en Extrême-Orient, est assez répandue dans les grands centres. Elle n'a pas toujours une origine vénérienne ; la transmission accidentelle du contage peut
être assurée de multiples façons, soit par les nattes sordides sur lesquelles s'étendent les voyageurs, soit par la curette ou le rasoir du barbier, soit par la pipe à eau qui circule de bouche
en bouche dans les débits de thé, soit enfin par le bambou qui sert à attiser le feu dans les auberges.
La lèpre fait de nombreuses victimes au Yunnan. Nulle mesure efficace n'est prise contre cette terrible maladie. Les malheureux qui en sont atteints vivent au milieu de la population saine
jusqu'au jour où ils deviennent un objet de dégoût. Alors, ils sont pourchassés sans pitié et ils se réfugient, par petits groupes, dans des masures ou dans des grottes, d'où ils sortent pour
aller mendier dans les marchés.
Le Yunnan est peut-être le berceau de la peste. En tout cas, elle y règne à l'état endémique depuis fort longtemps, et les retours offensifs de ce fléau dévastateur ont beaucoup contribué à
dépeupler cette province. Parmi les noms divers que les Chinois donnent à la peste, l'un des plus caractéristiques est celui de Iâng tsè qui veut dire écrouelles, glande abcédée ou bubon. On
l'appelle aussi « maladie des rats », parce que les épidémies sont annoncées par la mort d'un grand nombre de ces rongeurs.
Les ophtalmies font d'innombrables victimes dans la presqu'île indo-chinoise et dans le Yunnan. Les conjonctivites sont extrêmement répandues ; en général, les femmes sont plus atteintes que les
hommes. Outre la conjonctivite purulente blennorragique et le trachome, dont l'existence est certaine, il y aurait lieu de rechercher, à l'aide du microscope, si la conjonctivite aiguë
contagieuse, causée par le bacille de Wecks, et la conjonctivite subaiguë, produite par le diplo-bacille, existent en Indo-Chine. Au Yunnan, dans les régions de Kai hoa et de Mongtsé, de Yunnan
Sen et de Talifu, non seulement les hommes, mais aussi les chiens, sont atteints de conjonctivite purulente. Les paupières, et même la conjonctive des indigènes affligés d'ophtalmie, sont
constamment couvertes de mouches qui puisent le liquide purulent. Ces insectes, que le patient se lasse de chasser, et qui, d'ailleurs, reviennent immédiatement se poser sur le pourtour des yeux,
sont, suivant toute vraisemblance, l'un des agents vecteurs de cette infection oculaire. Les indigènes affirment que ces conjonctivites sont dues à la fumée qui règne dans leurs habitations, mais
cette opinion n'est pas soutenable. L'irritation causée par la fumée peut tout au plus favoriser l'infection conjonctivale, en incitant les malades à se frotter les yeux avec leurs doigts chargés
du contage. Le ptérygion est d'une extraordinaire fréquence au Yunnan.
À ces diverses causes d'opacité cornéenne, si l'on ajoute les complications oculaires de la variole et de la lèpre, on comprend pourquoi les aveugles sont nombreux au Yunnan.
Le Yunnan, qui est un vaste massif montagneux coupé par des vallées étroites, réalise l'ensemble des conditions dans lesquelles on voit apparaître le goitre. Aussi celui-ci est d'une fréquence
telle que, dans certaines localités, le tiers des habitants est affligé de cette infirmité. Il n'en résulte point de conséquences graves pour l'individu et pour sa descendance d'une manière
générale. Pourtant, j'ai observé un certain nombre de crétins et de nains myxœdémateux dans les régions les plus éprouvées.
La plupart des causes morbides que je viens d'énumérer, pour être sévères et même mortelles, ne sont pas de celles qui impriment à la race une tare indélébile. Aussi le Yunnanais est-il un
robuste montagnard. Par sa taille au-dessus de la moyenne, par son visage ouvert, presque blanc et quelque peu coloré au niveau des pommettes, par ses yeux à peine bridés, il diffère beaucoup du
Cantonnais, dont le corps est gracile, la peau mate et jaune, les yeux tirés vers les tempes.
La pathologie de tous les peuples qui ne plient pas sous le faix d'une civilisation raffinée est sensiblement réduite ; c'est ce qui se vérifie au Yunnan : varices et ulcères variqueux, hernies,
eczéma, psoriasis, lichen, carie dentaire, calvitie et canitie précoces, bref, tous ces indices certains de l'usure et de la sénilité d'une race, sont des déchéances, pour ainsi dire étrangères à
ces populations restées jeunes.