H. Doré : Recherches sur les superstitions en Chine, première partie
Variétés sinologiques, Imprimerie de la Mission catholique à l’orphelinat de T’ou-sé-wé, Chang-hai
Première partie : les pratiques superstiteuses
* Premier volume. TOME I — N° 1. V. S. n° 32, 1911, XII+VI+146 pages+75 illustrations+10 photos.
Table des matières - Extraits : Avant la naissance - Avant la mort - Feuilleter -
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* Deuxième volume. TOME I — N° 2. V. S. n° 33, 1911, 70 pages+88 illustrations+1 photo.
Table des matières - Extrait : Talismans guérisseurs et talismans porte-bonheur - Feuilleter - Télécharger
* Troisième volume. TOME II — N° 3. V. S. n° 34, 1912, X+106 pages+35 illustrations+2 photos
Table des matières - Extraits : Le choix des jours - Les cinq caractères - Feuilleter
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* Quatrième volume. TOME II — N° 4. V. S. n° 35, 1912, 166 pages+55 illustrations+3 photos
Table des matières - Extraits : Le rappel de l'âme - Le phénix - Le chat gardien des vers-à-soie - La jujube - Feuilleter - Télécharger
* Cinquième volume. TOME V — V. S. n° 36, 1913, XVII+92 pages+104 illustrations
La lecture des talismans chinois. Explication de ceux qui ont
paru dans les N° 1 et n° 2 - Feuilleter - Télécharger
Ouvrages numérisés grâce à l’obligeance de la
Bibliothèque asiatique des Missions Étrangères de Paris. http://www.mepasie.org
CHAPITRE I. La naissance et l’enfance
I. Avant la naissance. Divinités priées — Accouchement — Tablette exposée — Devins — Miroir — Statuettes — Voué bonze.
II. Après la naissance. Lampe des sept étoiles — Flèches en bois de pêcher — Amulettes de pêcher — T’eou-cheng-koei — Poil de chien — Sapèques — Immolation du coq — Nom d’animal ; de fille
— Sonnettes — Vermillon — Mutiler le cadavre.
III. Superstitions pour les enfants. Cadenas — Collier — Pendants d’oreilles — Sapèques — Pa-koa — Couronne de cheveux — Habits de bonze — Pé-kia-i — T’eou-cheng-koei — Amulettes — Adoption sèche
— Etoffe rouge à la tresse — Noyaux de pêches — Berceau en bois fastes.
IV. Le passage des douanes.
CHAPITRE II. Les fiançailles et le mariage
I. Les fiançailles.
II. Le mariage. Détermination du temps — Choix du jour — Choix du mois — Cadeaux de bon augure.
III. Le départ de la fiancée.
IV. Introduction de la fiancée dans la maison du mari. L’arrivée — Nao-sing-fang — Au tse-t’ang.
CHAPITRE III. La mort et les funérailles
I. Avant la mort. Tai pou-sah — Trousseau mortuaire — Jarretières — Ceinture — Boutons — Lit de mort — Rideaux.
II. Après la mort. Hoang-li — Toilette du mort — Banderolles — A la pagode — Provisions de voyage — Chaise — Vieux souliers — Flocons de coton.
III. La mise au tombeau.
1° L’ensevelissement. Jour faste — Clou — Han-k’eou-t’sien — Cercueil — Ta k’eou-che. — Miroir — Tsing-k’eou pou — Wan ting — Clouage du cercueil.
2° Autour du cercueil. Tablette — Tao-t’eou-fan — Lampe à 7 mèches — Le Fong-ling. — Visites au mort — Papier-monnaie — Présents. Prostrations — Les enfants et l’oeuf.
IV. L’enterrement. L’emplacement — La levée du corps — Ordre du cortège — Au cimetière — Cercueils recouverts de paille.
V. Après l’enterrement. Diverses époques — Le tumulus — La lumière des yeux — Maison de papier — Fan-kiuen — La lampe koei-teng — T’sing-ming — Kou-hoen — Habits d’hiver — Lou-teng — Septième
lune.
VI. Suppliques diverses au temps des funérailles.
VII. L’achat du droit de passage.
CHAPITRE IV. Talismans-suppliques en faveur des morts
I. Pour les morts ordinaires. Texte explicatif des diverses suppliques.
II. Talismans-suppliques pour le lac sanglant.
III. Talismans-suppliques pour les cas particuliers.
CHAPITRE V. Diverses superstitions pour les défunts. La tablette. - La prostration. - Les sacrifices, ou oblations. -
Le papier-monnaie. - Les cloches bouddhiques. - Les maisons de papier. - Les drapeaux de papier. - La métempsycose. - Les revenants. - Evocation des morts.
Avoir une nombreuse descendance, telle est une des grandes, sinon la plus grande
préoccupation d’un Chinois. Aussi que de divinités il invoque pour obtenir des enfants ! En voici quelques-unes choisies entre cent.
A. — Quelles divinités prie-t-on spécialement pour obtenir des enfants ?
C’est tout d’abord la fameuse Koan Yng Pou-sah, dont le culte grandit de plus en plus. Son image se trouve dans toutes les pagodes, et presque partout, on peut voir un petit soulier
ou même plusieurs, déposés au pied de sa statue. C’est une femme qui la prie de lui accorder un enfant ; comme hommage de sa confiance, elle lui offre un soulier. Diverses sont les coutumes à cet
égard. Ailleurs, on demande à emprunter un des souliers, qui sont déposés aux pieds de la déesse, puis après la naissance de l’enfant désiré, on reporte le soulier, et on y ajoute comme ‘ex-voto’
une paire de souliers neufs. Souvent on y joint un repas sacré, offert en reconnaissance du bienfait reçu. Dans ce cas, le bonze récite des prières d’actions de grâces.
T’ien sien long tse se voit exposée dans beaucoup de maisons païennes.
Cette divinité, d’origine taoïste, ne serait autre que la fille du dieu du pic sacré de l’Est, appelée Tai chan niang niang, particulièrement vénérée dans le Chan-tong, et tous les pays
limitrophes. D’autres déesses, ses subalternes, lui servent comme d’acolytes, et semblent chargées d’exécuter ses ordres. On les trouve fréquemment à ses côtés, soit dans les pagodes, soit sur
les images.
Voici les noms de celles qui y figurent le plus ordinairement :
Tsoei cheng niang niang, la matrone qui active l’accouchement.
Song cheng niang niang, la matrone qui donne des enfants.
Tse suen niang niang, la matrone de la postérité.
Tchou cheng niang niang, la matrone de la fécondité.
Cette dernière déesse reçoit un culte tout spécial dans plusieurs provinces du sud, elle compte à son service toute une cohorte de génies féminins, tutélaires de l’enfance. La fête de cette
Parque chinoise tombe le quinzième jour du sixième mois ; des mets, déposés sur le lit de famille, sont offerts en son honneur.
Des images la représentent montant la licorne, ou le phénix, ou portée sur les nuées du ciel ; dans ses bras elle tient un enfant, et ses dames d’honneur se rangent à ses côtés pour lui offrir
leurs services. C’est la Mylitta babylonienne, l’Astarté de Sidon.
D’après la croyance populaire, dans plusieurs pays du moins, cette divinité reçoit de Yen wang, le dieu des enfers, les âmes purifiées par les expiations de l’enfer bouddhique, et par la série
des transmigrations, méritées par leurs péchés pendant les existences précédentes ; à elle de décider dans quels corps ces âmes doivent être réincarnées sur terre.
Ailleurs, on prie de préférence la sainte mère, reine du ciel, T’ien heou cheng mou, sa statue tient la place d’honneur dans les pagodes appelées
Pé tse t’ang, ou temples des cent enfants.
Parmi les autres divinités féminines, tutélaires des enfants, on peut encore nommer : la matrone, guide de l’enfance, la matrone de l’allaitement, la sainte mère, gage de fécondité : Pao cheng
cheng mou etc...
On ne s’adresse pas seulement aux divinités féminines, quelques dieux sont aussi réputés, comme particulièrement disposés à écouter les prières qu’on leur adresse, pour obtenir des enfants.
Ainsi, Ngan kong a grande réputation dans la sous-préfecture de Fan tchang hien, au Ngan-hoei, on lui rend un culte assidu pour obtenir des enfants mâles.
Les familles mandarinales, les lettrés, prient souvent Koei sing, dieu de la littérature, de leur accorder des enfants intelligents, qui puissent réussir aux examens académiques. Pour la même
raison, on affiche dans la chambre des jeunes époux, une image de Koan-kong, qui leur fait présent d’un jeune enfant, coiffé du bonnet des académiciens.
Tantôt c’est Liu Tong ping, et Koan-kong, qui portent dans leurs mains un enfant mâle ; c’est un gage, que le jeune ménage aura beaucoup d’enfants, et comptera parmi eux des savants lettrés, ou
des officiers remarquables. On sait en effet, que Liu Tong ping, est l’Immortel des lettrés, et que Koan-kong cumule les titres de : dieu de la guerre et patron de la littérature.
Tchang Kouo lao monté sur son âne, offre, lui aussi, un héritier aux jeunes mariés, et on verra souvent son image affichée dans leur
chambre.
Les païens font usage d’une foule d’images porte-bonheur, pour la même fin : c’est ainsi qu’on rencontre communément : soit une licorne portant un enfant, soit un phénix, chargé d’un garçon, et
dirigeant son vol vers une habitation, soit les fameuses images dites : des cent enfants, où sont peints cent garçons, qui se distribuent tous les honneurs et toutes les dignités de ce
monde.
* * *
Dès que se manifestent les premiers symptômes d’une mort probable, si le malade est un enfant, on pratique toujours ‘le rappel de l’âme’, (voir
ce titre). Souvent même on rappelle l’âme des personnes plus avancées en âge. Je l’ai vu faire pour un jeune homme marié, père de famille, âgé de vingt-quatre ans.
Après avoir accompli ce rite sans succès, beaucoup ont recours à une suprême et dernière ressource : c’est d’apporter le pou-sah dans la demeure du mourant. Cette cérémonie s’appelle T’ai-pou-sah
(apporter le pou-sah).
On va dans une des pagodes du pays, chercher la statue d’un pou-sah en réputation, on la place sur une sorte de chaise-autel, fixée sur deux brancards, quatre hommes prennent Sa Majesté sur leurs
épaules, deux autres précèdent, frappant sur le tam-tam à coups redoublés, pour avertir que le dieu passe, et lui faire honneur : les pétards ne sauraient manquer, inutile d’en faire mention !
Quand le cortège arrive à la porte de la maison du malade, on vient lui faire les honneurs de la réception, puis on le prie de vouloir bien guérir le malade, ou du moins d’indiquer un remède
efficace contre son mal. Cela fait, on conduit le dieu dans la boutique d’un pharmacien, afin qu’il daigne faire choix du remède adapté à la maladie en question. Un ou deux tao-che se tiennent de
chaque côté du pou-sah qui repose sur les épaules des porteurs. Le pharmacien tourne le dos, et indique du doigt un des tiroirs contenant ses drogues. Si le pou-sah ne remue pas. c’est signe que
le remède ne vaut rien : s’il avance ou s’il recule, ou plutôt si ses porteurs le font avancer ou reculer, juste au moment où l’apothicaire désigne un remède, c’est le bon, c’est celui-là qu’il
faut se procurer à tout prix. Inutile de dire que les pharmaciens spéculent fortement sur la crédulité populaire, pour vendre fort cher un remède ordinaire.
Le trousseau mortuaire.
Dans le cas d’une maladie grave, dès qu’il y a danger de mort, on s’empresse de préparer des habits pour le mort. Voici en quoi consiste le trousseau mortuaire.
A. Pour un homme. — Des bottes et un chapeau de cérémonie sans panache rouge, (ces deux articles sont d’ordinaire confectionnés en papier) ; la semelle des bottes doit être molle et flexible :
les morts ne peuvent porter de chaussures à dure semelle ; — une robe longue et un manteau (Wai-tao). Ces vêtements ne peuvent avoir des boutons en cuivre, ils seraient trop lourds, et le mort ne
pourrait pas les emporter dans l’autre monde. Voilà pour les habits extérieurs.
Les habits de dessous, culotte et gilet, doivent être ouatés, même en été.
B. Pour une femme. — Une robe, un manteau et un voile, puis les habits intérieurs comme précédemment.
Tous ces habits doivent être neufs, autant que possible ; ils ne peuvent être garnis de fourrures, ou confectionnés avec des poils d’animaux, par conséquent les tissus de drap de flanelle sont
strictement prohibés, de crainte que le mort ne soit réincarné dans le corps d’un animal.
D’ordinaire, parmi les classes populaires, les habits de dessous sont de toile blanche.
Les autres vêtements sont de couleur, au goût de chacun. Le rouge et le jaune sont cependant deux couleurs réservées aux gradués et aux mandarins. La soie et le satin ne sont pas défendus.
Les deux ligaments appelés Kio-tai-tse, qui lient l’extrémité inférieure de la culotte au-dessus du pied, et la ceinture proprement dite, Tai-tse, sont soigneusement omis : on se sert d’un simple
fil en guise de ceinture.
La raison, la voici : la ceinture, Tai-tse, a en chinois la même prononciation que T’ai tse (emmener les enfants, emporter les enfants).
Or, comme on redoute avant tout qu’il ne prenne fantaisie au mort d’emporter ses enfants avec lui dans l’autre vie, on ne lui donne point de ceinture.
Cette coutume repose, comme on le voit, sur un pur jeu de mots. Pour une raison semblable, on évite de mettre les boutons dans les boutonnières, K’eou-tse, parce que cette expression se prononce
comme K’eou tse, ‘voler les enfants’.
Il faut aussi éviter à tout prix que le moribond ne vienne à expirer sur le lit de famille, qui serait hanté. Dans les pays du Nord, où le lit de famille, K’ang, est construit en pisé, on dit que
dans le cas où le malade mourrait sur ce lit, il serait condamné dans l’autre monde à porter des briques de terre sèche.
On a donc grand soin de préparer un autre lit, quelquefois même une simple porte placée sur deux bancs, et d’y coucher le mourant ; quel que soit son état de faiblesse, il doit y être transporté
dût-il en mourir de suite : qu’il meure, mais suivant les règles !
Ceux qui assistent le mourant ont grand soin d’enlever les rideaux de son lit : ces rideaux, dit-on, ressemblent à un filet de pêcheur, et si le moribond venait à mourir entouré par ces mailles
de tissu, il serait changé en poisson dans l’autre vie.
Une coutume plus cruelle consiste à enlever l’oreiller de dessous la tête du malheureux mourant, afin de lui enlever toute possibilité de voir ses pieds. S’il pouvait voir ses pieds en expirant,
de grands malheurs tomberaient sur ses enfants. Cette coutume déraisonnable accélère certainement la mort dans plusieurs cas.
Chapitre VI. Préambule : Talismans-guérisseurs, porte-bonheur, amulettes-suppliques etc.
I. Les talismans en général.
II. Talismans-exorcistes
III. Talismans contre les incendies
IV. Les guérisseurs
V. Talismans porte-bonheur
V. Talismans stellaires.
Talismans guérisseurs
Spécifique préservateur contre la maladie chinoise nommée Pi-long-cha. C’est une sorte d’insolation, qui a des effets quelquefois foudroyants.
Ce préservatif mystérieux m’a été donné par un païen de Houo-tcheou. Les grandes chaleurs passées, n’ayant plus rien à redouter du fléau, il décolla la feuille, qu’un bonze avait suspendue
au-dessus de la porte d’entrée de sa maison.
[Ci-dessous] : Tous ces talismans médicinaux, sont des fac-similé des dessins graphiques, imprimés, dans les Tche-ma-tien, par les marchands de superstitions ; des copies de talismans suspendus à
la porte des païens, ou dans leurs demeures, qu’on m’a procurées obligeamment, depuis une vingtaine d’années que je poursuis mes recherches. Plusieurs ne se donnent guère qu’à des connaissances,
à des amis, v. g. les talismans pour hâter la délivrance des femmes enceintes.
et talismans porte-bonheur
Talisman impétratoire, bouddhique.
Au moment d’une grande sécheresse, les bonzes se mettent quelquefois en prières pour faire la cérémonie connue sous le nom de Tso-fou-se. (C’est une variante de la cérémonie du K’ieou-yu, Demande
de la pluie.) Alors, le Dragon pompe les mers, une pluie bienfaisante tombe sur la terre.
C’est le sens indiqué par l’image ci-contre.
Les quatre caractères, écrits aux quatre coins, signifient : Heureuse distribution des vents et des pluies. (Fong tiao yu choen).
Les tao-che font annuellement une cérémonie appelée Tsing miao hoei, ou ‘Cérémonie des pousses’, quand apparaissent les premières pousses des céréales. Ils se rendent aux champs, suspendent cinq
feuilles, de cinq couleurs diverses, à des tiges de roseaux, qu’ils plantent aux quatre coins du champ, et une au centre. Les prières achevées, ils brûlent les feuilles pour demander une
bonne récolte pendant la présente année.
On peut voir ci-contre un exemplaire de ces cinq feuilles, divisées en quatre parties, et portant l’image du dragon, du cheval, du phénix et de la cigogne.
Chapitre VII : Pratiques divinatoires
I. La bonne aventure.
II. La Psysiognomonie. La physiognomonie ancienne — La physiognomonie moderne — La physiognomonie fondée sur l’inspection des os — Applications pratiques.
III. La divination de Wen-wang.
IV. Divination des six jen. La divination Lou-jen-k’o — La divination K’i-men-toen-kia-k’o.
V. Fiches divinatoires.
VI. Jeter les sorts.
VII. La divination par les caractères.
VIII. Le choix des jours.
IX. Planter les bâtonnets.
X. Bons ou mauvais présages. Le cri des oiseaux — La fleur des lampes — Oreilles chaudes — Picotement des yeux — Visage rouge — Éternuer.
XI. Tirer un horoscope. Explication des six clichés.
Chapitre VIII : Vaines observances
I. Prescriptions et défenses du calendrier : 1° Origine et codification, défenses — 2° Divination cyclique. 3° Divination astrale. Les étoiles Kou et Hiu — La vertu du ciel, T’ien-té et la vertu
de la lune, Yué-té - 4° La divination des cinq noms.
II. Le Fong-choei, Géomancie, influence du vent et de l’eau.
III. Sanctuaire familial.
IV. L’inscription des cinq caractères, ciel, terre, empereur, parents, maîtres.
V. Solder les impôts du ciel.
VI. Tche-ma. Kia-ma.
VII. L’inscription ‘Kiang-tse-ya est ici, il n’y a rien à craindre’.
VIII. Les caractères Fou, Lou, Cheou, T’sai, Hi. I-tch’oen.
IX. Pierres préservatrices.
X. Défense de tuer les êtres vivants pour les manger.
XI. Le rachat des êtres vivants.
XII. Abstinences bouddhiques.
XIII. La société des mangeurs d’herbes.
Au commencement d’une nouvelle année, chaque famille se munit d’un calendrier (Hoang-li), sur lequel chacun des jours de l’année a sa note
caractéristique. C’est comme le ‘Manuel quotidien’ de tout Chinois. On le consulte pour savoir quel jour il faut appeler le tailleur, quel jour sera favorable pour entreprendre un voyage, quel
jour on devra prendre un bain ou éviter d’appeler le perruquier.
En dehors de ce livre usuel, bon nombre de petits lettraillons en quête d’existence, vivent aux dépens de la crédulité publique, en exerçant le métier de ‘Tireurs de bons jours’ sur les rues et
aux portes des villes.
D’après eux, les jours se divisent en favorables et en nuisibles : le bonheur ou le malheur d’un homme, l’échec ou la réussite d’une entreprise dépendent totalement du bon ou du mauvais choix des
jours.
Sous la dynastie des Tsin (265-219 ap. J.C.), le lettré Hiu suen imagina de choisir les jours fastes ou néfastes, au moyen des troncs célestes T’ien-kan et des rameaux terrestres Ti-tche, qui
sont, comme on le sait, les principes constitutifs du cycle chinois. En agençant ensemble les vingt-huit constellations chinoises, les cinq éléments, les cinq planètes et les deux principes mâle
et femelle connus sous le nom de Yn et Yang, il inventa son système pour discerner les jours favorables de ceux qui portent malheur. Aussi bien les actions importantes de la vie : mariages,
constructions d’immeubles, que les minuties du ménage : nourrir un petit chien, appeler le tailleur, tout a son jour fixé pour le succès ou l’insuccès.
Le tableau que l’on voit ici sert à trouver le jour favorable pour un mariage. Voici comment on procède. Si le mariage doit avoir lieu pendant un mois lunaire de trente jours, on commence à
compter les jours ainsi qu’il suit. Sur le caractère Fou on compte 1, sur le caractère Kou on compte 2, et ainsi de suite, jusqu’au jour fixé pour le mariage. On compte clans le sens inverse, à
partir du caractère Fou s’il s’agit d’un mois lunaire de 29 jours. Si la date fixée tombe sur un des quatre caractères Ti, t’ang, tchou, tsao, le jour est favorable. S’il tombe au contraire sur
un des deux caractères Wong, kou, il y a deux hypothèses : ou la personne désignée par ces deux caractères (c’est-à-dire le père ou la mère du mari) vit encore, alors le jour est défavorable, et
le mariage ne peut se faire ce jour-là ; ou bien la personne en question est morte, alors le mariage peut avoir lieu.
Au moment du nouvel an, tous suspendent au-dessus de leurs portes cinq banderoles
rectangulaires de papier découpé : sur chacun de ces rectangles est écrit un des cinq caractères ci-dessus. On trouve aussi des men-tié sur lesquels sont dessinées les cinq divinités
correspondantes à ces cinq caractères : c’est-à-dire : pour Fou, T’ien-koan se fou ; pour Lou, L’Esprit de la félicité ; pour Cheou, Cheou-sing ; pour Hi, L’Esprit de la joie ; pour T’sai,
Ts’ai-chen.
On appelle encore ces pendentifs : Ou-fou-ling-men, ‘les cinq bonheurs qui frappent à la porte !’
La couleur normale de ces banderoles est le rouge. En cas de deuil, d’après la loi, le rouge
est interdit ; on prend donc une autre couleur, ou blanche, ou verte, ou bleue. Il n’y a de défendu légalement que le rouge : pour le choix des autres couleurs, cela dépend des coutumes locales,
et du choix des particuliers.
Nous trouvons un document relatif à cet usage dans le Nan-song Tcheou Pi-ta Yu-t’ang-tsa-ki, qui recommande de changer à la fin de l’année les inscriptions collées sur les colonnes et au-dessus
des portes, et de coller les caractères : Fou, lou, cheou, hi, t’sai.
Ce fut à l’époque de la dynastie des Song qu’on commença à afficher ces caractères au-dessus des portes ; auparavant, on ne s’en servait guère que par manière de louanges et de
félicitations.
Chapitre VIII : Vaines observances (suite et fin)
XIV. Le rappel de l’âme.
XV. T’siang-t’ong-tse.
XVI. Vaporisation du vinaigre.
XVII. Figurines de bois ou de papier. Envoûtement.
XVIII. Construction d’un maison.
XIX à XXI. Le vœu. Le serment. La fraternité jurée.
XXII. Démonifuges. Sapèques — Empreinte d’un sceau mandarinal — Calendrier impérial — Jonc — Armoise — Branches de saule — Voile scellé — Habits scellés — Amulette en bois de pêcher —
Souffler dans ses mains au sortir des WC — Le sabre magique composé de sapèques — Médailles — Phosphore — Le Koan-tchong et le T’choan-k’iong — Le couteau homicide — Les clous de cercueil.
XXIII. Lettres tombées du ciel.
XXIV. Prière au soleil (et à la lune).
XXV. Bulles de pardon (Jubilé).
XXVI. Le chapelet bouddhique.
XXVII. Brûler l’encens de la paix. Pèlerinages — Chez les particuliers — Dans les villages.
XXVIII. Les bâtonnets d’encens et leur usage.
XXIX. Piquer le pieu niveau d’eau.
XXX. Tsou tché-tse.
XXXI. Les sorcières du Hai-tcheou.
XXXII. Calendrier des superstitions.
CHAPITRE IX. Quelques fêtes spéciales
I. Le Nouvel An (au soir qui précède). La cérémonie du Fong tsing — Le nettoyage des appartements Sao-ti — Ya-soei-t’sien — Réception du dieu du foyer Tsié-tsao — Sceller la porte Fong men
— Frotter la bouche K’ai (tsa) tsuei.
II. Le Nouvel An (au matin). L’ouverture de la porte de la richesse K’ai-t’sai-men — Adoration du Ciel et de la Terre Pai t’ien-ti — Honneurs aux dieux lares Pai kia-t’ang — Hommages au
dieu du foyer Pai tsao-kiun — Vaporiser le vinaigre Fa-hiang-tan — Les visites aux pagodes Pai-miao.
III. Les jours suivants (du premier au quinze).
IV. Le quinzième jour de la première lune.
V. Le cinquième jour de la cinquième lune.
VI. La bouillie du 8 de la XIIe lune.
VII. La bouillie de pois rouges.
CHAPITRE X. Minéraux, animaux et végétaux
I à IX. La tortue — Le phénix, Fong Hoang — La licorne — Le dragon — Les diables renards — Le tigre — La grue — Le coq — Le chat.
X. Quelques autres animaux. Le lion — Le cerf — La chauve-souris — L’aigle — Le poisson.
XI. Les arbres et les fruits. Le pêcher — La grenade — Les graines de nénuphar — Le sapin — La jujube — Le bambou — Le prunier — Le saule — La châtaigne.
XII. Plantes et fleurs. L’achillée. La divination par l’achillée — Le jonc et l’armoise — ‘L’immortelle chinoise’ Wan-nien-tsing — La pivoine — La citrouille.
Dans les temps anciens, si quelqu’un venait à mourir, un homme portant dans ses mains les habits du mort, montait sur la maison, se tournait vers
le Nord en criant : « Un tel, revenez » ; puis, il lui faisait signe de revenir à la maison en agitant ses habits par trois fois. Cela fait, il descendait et recouvrait le cadavre avec ses
vêtements. C’est la cérémonie qu’on appelait ‘le rappel de l’âme’, ‘faire revenir l’âme’. Tout cela était inspiré par l’amour, et tout en priant l’Être suprême, et en offrant des sacrifices, on
désirait voir le défunt revenir à la vie. S’il ne ressuscitait pas, c’est que c’était impossible ; alors, on le déposait dans le cercueil. Telle était la coutume du Hou-koang.
Diverses manières de rappeler l’âme
1° Un homme placé en arrière du fourneau crie : « Un tel, reviens ! » un autre placé en avant du fourneau répond : « Il est revenu ! »
2° Quelqu’un monte sur la maison, se tourne vers le Nord, en embrassant la cheminée du fourneau ; un autre monte sur le toit, un troisième se tient hors de la maison, un quatrième reste dans
maison, et ces quatre hommes appellent l’âme, en se répondant alternativement.
3° On députe des hommes qui vont à la pagode brûler de l’encens, et allumer des bougies ; les uns appellent, les autres répondent comme précédemment.
4° Si le malade a contracté sa maladie hors de chez lui, on envoie des personnes jusqu’à deux ou trois lis sur la route qu’il a suivie pour rentrer à la maison. En revenant lentement vers
l’habitation, celle qui marche en avant appelle l’âme, celle qui la suit répond.
5° Dans nos pays, Houo-tcheou, Liu-tcheou fou (Ngan-hoei), la formule pour rappeler l’âme des enfants malades se compose ainsi : on nomme d’abord le bébé, et on ajoute : « Où es-tu à t’amuser ?
viens à la maison ! » Ou bien encore : « Où as-tu eu peur ? reviens à la maison. »
Si, par exemple, l’enfant se nomme Ngai-hi, on dira : « Ngai-hi, ni tsai na k’oai hé tcho », ou « ni tsai na li wan, lai kia a ! », « Ngai-hi, où es-tu à t’amuser ? ou : où as-tu eu peur ? viens
à la maison ! » Celui qui marche en arrière répond : « Lai leao ! », « Il est revenu ! » Pendant qu’elles crient à tout rompre, une des personnes de la maison met les habits de l’enfant sur un
balai, près de la maison, à la porte, et regarde attentivement tout autour d’elle si elle ne voit point remuer une feuille, un brin d’herbe, ou un insecte... : c’est un signe que l’âme
revient.
Souvent encore on se sert d’un choei-p’iao, sorte de godet en bois, ou même composé d’une moitié de gourde, ou courge desséchée. A l’aide de cet instrument, on cherche à repêcher l’âme de
l’enfant dans l’air ambiant.
Dans tous ces cas, on a soin de porter un habit du malade, et si on découvre le plus petit insecte, une fourmi etc... derrière le fourneau, ou à l’avant, sur le toit de la maison, dans la pagode,
ou sur la route et dans les environs, on se félicite mutuellement d’avoir retrouvé l’âme du mourant. On prend cet insecte, et on le place sous l’oreiller du malade, qu’on recouvre avec l’habit
qui a servi au rappel de son âme.
Au Siu-tcheou fou, à Sou-t’sien hien, on emploie un mode plus bizarre encore. Une femme prend un bol vide ; dessus, elle étend une feuille de papier, et elle asperge la feuille de papier avec des
gouttes d’eau, puis regarde au soleil si elle n’aperçoit point des gouttes d’eau tomber dans le bol, ou pendantes à la partie inférieure de la feuille de papier. S’il y en a beaucoup, c’est un
chien qui aura effrayé l’enfant ; s’il y a peu, c’est un homme ; si on n’en voit point, la maladie est naturelle. Cette opération s’exécute tout en rappelant l’âme. On donne ensuite l’eau à boire
au petit malade, et la peur est conjurée, l’âme doit revenir. On donne divers noms à cette cérémonie, suivant les différents pays ; plus généralement elle s’appelle Kiao hoen (Héler
l’âme).
Le culte du phénix
1° Il faut remonter jusqu’au règne de l’empereur Tchao-ti des Premiers Han, 84 av. J.C., pour trouver un document historique relatif au culte officiel du fong-hoang. Vu le nombre des
superstitions officielles qui existait déjà sous l’empereur Ou-ti, il importait peu d’en ajouter une de plus. L’histoire attribue cette dévotion nouvelle au régent Houo-koang, qui pour flatter le
petit empereur Tchao-ti, lui persuada que le phénix s’était montré l’an 84 av. J.C. sur les rivages de la mer Orientale. De suite, on députa un officier, avec mission d’offrir au phénix un
sacrifice officiel. Si Houo-koang avait été un lettré, remarque l’historien, il n’eût pas fait cela.
2° En l’an 73 av. J.C., une bande de phénix entra de nouveau dans le Chan-tong, sans doute pour fêter l’avènement de Siuen-ti ; Houo-koang s’empressa de leur faire offrir des sacrifices et
l’empereur accorda une amnistie dans tout l’empire, pour manifester toute la joie que lui avait causée cette apparition. Trois années après, les mystérieux oiseaux apparurent derechef dans le
pays de Lou et une nouvelle amnistie était accordée. L’empereur se trompa misérablement, ajoute laconiquement l’historien.
Ce culte du phénix, cette manie des apparitions de l’oiseau esprit, furent la dévotion du rusé maréchal Houo-koang ; il avait trouvé là une délicate invention pour flatter l’orgueil de ses
puissants souverains, et il en retirait un surcroît de crédit et d’influence auprès d’eux.
L’apparition du Fong-hoang, est devenue comme un lieu commun dans l’histoire chinoise. Éprouve-t-on le besoin de flatter un empereur, de glorifier un règne pacifique, le phénix fait son
apparition ! Cette manière de parler est une formule de flatterie, et un rouage gouvernemental.
La dernière apparition du phénix paraît être celle qui est censée avoir eu lieu à Fong-yang fou, au Ngan-hoei, quand il s’agit de faire passer le pouvoir impérial dans les mains de Hong-ou, le
fondateur de la dynastie chinoise des Ming. Le phénix, dit la légende, apparut sur le tombeau du père de Hong-ou, et de son pied se mit à gratter la terre du tumulus. Un peu de merveilleux ne
nuit jamais au succès d’une grande entreprise ! Depuis cette époque, la ville de Fong-yang fou a toujours compté des artistes remarquables, occupés à peindre des phénix. Quelques-unes de ces
peintures sont vraiment remarquables, et on ne saurait croire le nombre prodigieux d’images du Fong-hoang, que cette cité exporte annuellement par toute la Chine.
Description du phénix.
Le phénix est un oiseau mystérieux qui est censé apparaître aux temps de prospérité, et qui se tient caché aux époques troubles : parmi les trois-cent-soixante espèces d’oiseaux, il détient la
royauté.
Il a la tête de la poule, l’œil de l’homme, le cou du serpent, les viscères de la sauterelle, le front de l’hirondelle, et le dos de la tortue.
Sa queue, semblable à celle d’un poisson, est formée de douze plumes, ou de treize, les années qui ont une lune intercalaire. Son chant est un composé harmonieux de cinq notes, les cinq couleurs
se marient agréablement sur son plumage. Cet oiseau divin est une production du feu ou du soleil. Pour ce motif, on le dessine contemplant le globe solaire sur la plupart des images. Mais le
soleil est le principe Yang, le grand principe actif, et le fils du soleil, le phénix, exerce une influence active sur la génération des enfants. On peut voir sur l’image ci-jointe l’Esprit du
Ciel, montant le phénix, et tenant entre ses bras un enfant mâle dont il va gratifier un heureux ménage.
Le phénix naît dans le royaume des Sages, à l’Orient ; il se baigne dans les eaux limpides des plus pures fontaines, passe par les montagnes de K’oen-luen, et le soir se retire dans les grottes
du rocher de Tan. Vient-il à se reposer sur un point de la terre, sans tarder, tous les oiseaux du pays viennent lui faire leur cour.
Il ne pose son pied sur aucun arbre autre que le Ou tong-chou (arbre de la famille des euphorbiacées) seul, le fruit du bambou lui sert de nourriture, et il ne se désaltère que dans l’onde des
plus limpides sources. Sa taille atteint la hauteur de six pieds. Le mâle s’appelle Fong, et la femelle Hoang. Enfin, un détail comique, qui fait penser au coq de Mahomet, c’est que, s’il vient à
chanter, tous les gallinacés de ce bas monde font écho à sa voix.
De belles peintures chinoises représentent les divers oiseaux rangés autour du phénix, leur roi, pour lui faire la cour.
Tout le monde sait que les rats sont très friands de vers à soie, et les maisons chinoises sont d’ordinaire peuplées de ces rongeurs ; aussi,
pour protéger les vers à soie contre leur rapacité, les éleveurs doivent acheter des chats, et les attacher pendant la nuit, dans les appartements destinés à cette industrie. Des marchands de
chats parcourent les villes et les campagnes, au moment où on commence à nourrir ces intéressants vers, et les industriels achètent tous des minets. Mais, pensa-t-on, puisque le chat par sa seule
présence suffit à tenir à distance rats et souris, peut-être que son image aurait aussi le même résultat, ce serait plus simple, et moins cher surtout. On prit donc peu à peu l’habitude de coller
sur les murs, l’image de chats gardiens des vers à soie ; et c’est ainsi que pas à pas l’image de Raminagrobis passa pour ling transcendante, et on arriva au chat gardien du ver à soie
T’san-mao.
On suivit la même marche que pour les Esprits protecteurs des portes, qui ne sont, comme on le verra, que l’image des deux célèbres généraux qui gardèrent la porte de T’ang T’ai-tsong. Leur
portrait devint ling, celui du chat-gardien est devenu ling lui aussi.
La jujube tsao, a la même prononciation que le caractère chinois tsao bientôt, de bonne heure, vite. En jouant sur le sens des mots, on dira à un
mandarin, par manière de flatterie, en lui présentant des jujubes pendant un goûter : Tsao-cheng prompt avancement ! c’est-à-dire : puissiez-vous vite monter en grade !
Si on offre ces fruits à l’occasion d’une noce, cela voudra dire : tsao-cheng, engendrez vite des enfants.
Mais pour mieux exprimer encore cette pensée dominante, les peintres chinois dessinent souvent près de la jujube un instrument de musique nommé Cheng ; la prononciation étant la même que Cheng
enfanter, cela signifie tout naturellement pour quelqu’un qui est au courant de la mentalité chinoise : Mettez promptement un fils au monde. C’est ce que fera comprendre l’image ci-jointe. Un
enfant porte en main une branche de jujubier, tsao ; un second tient un cheng, instrument de musique ; au fond du tableau se tient une jeune femme debout. C’est un vœu qu’on lui exprime :
tsao-cheng-tse, soyez vite mère !
Cinquième volume. Tome V. N° 5. Lecture des talismans
et explication de ceux qui ont parus dans les n° 1 et 2 des Recherches
Préface
Les savants ont étudié toutes les langues, les inscriptions anciennes n'ont plus de secret
pour eux; pourtant on me permettra de dire, qu'une langue est jusqu'ici restée un mystère pour tous les étrangers, je veux parler du langage des talismans chinois.
Depuis Tchang Tao-ling, c'est-à-dire depuis plus de dix-huit siècles, des milliers de tao-che ont dessiné des talismans de toutes sortes, ils en ont fait leur spécialité, et ce genre d'écriture
est devenu un art qui a ses règles, ses formules, ses signes conventionnels, j'oserais même dire ses hiéroglyphes, destinés à revêtir d'une forme sensible et frappante les idées qu'ils
représentent. Toute la doctrine du taoïsme pratique passe dans ces formules magiques, qu'on a trop qualifiées d'une manière générale de grimoires dépourvus de sens.
Sans doute, sur le nombre il s'en trouve qui n'ont aucun sens, mais le plus souvent, il y a un vrai sens caché, que les spécialistes savent découvrir, et tout talisman écrit d'après les règles,
doit avoir une explication ; c'est un instrument transcendant, doué de qualités spéciales adaptées à l'effet qu'il doit produire. On y trouvera donc toutes les recettes employées par le taoïsme
pour guérir les maladies, expulser les mauvaises étoiles, prolonger la vie, s'emparer des diables, écarter les épidémies, faire fortune, et procurer l'immortalité. La doctrine des talismans est
la moelle du taoïsme moderne.
En donnant l'explication des talismans, qui ont déjà paru dans le premier volume N° 1 et N° 2 des Recherches sur les superstitions, j'essaierai de donner les signes de convention dont se servent
les tao-che, pour exprimer les divers agents auxquels ils font appel, afin d'atteindre le but proposé. Je me suis fait écolier, j'ai pris pour maîtres : les bonzes, les tao-che, les sorciers, et
tout spécialement le célèbre magicien Yen Pao-fa, "Yen aux paroles précieuses", vieillard issu d'une famille de magiciens depuis cinq générations, et qui a bien voulu m'enseigner longuement les
recettes en usage dans ce genre de graphique.
Je viens aujourd'hui donner à mes lecteurs le modeste bagage de mes connaissances, ce sont les premiers pas dans cette étude, et quelques jalons indicateurs plantés sur ce terrain inexploré ;
puissent-ils aider à déchiffrer ces énigmes, comme on déchiffre les hiéroglyphes d'Égypte.
La clef principale est, avant tout, la connaissance du taoïsme pratique et du bouddhisme populaire ; les talismans, en effet, sont de vrais rébus, dessinés, soit avec les caractères, soit avec
les signes conventionnels, représentant les pratiques les plus usuelles des milieux populaires, car, ne l'oublions point, c'est le gagne-pain des bonzes et surtout des tao-che.
Dans l'explication de ces talismans, nous verrons se dérouler devant nos yeux, la longue série des procédés empiriques les plus en vogue dans le milieu païen où ils opèrent. Si enfantines et si
ridicules même que soient ces croyances, elles n'en sont pas moins basées sur l'expérience vingt fois séculaire de la sottise humaine ; ce sont elles qui obtiennent toujours du succès dans les
foules ignorantes, cette mentalité est devenue quasi une seconde nature, on parle de cette façon, on met sa confiance dans ces futilités ; mille fois l'événement prouvera qu'elles sont sans
fondement, et mille fois on recommencera.
Pour l'explication des talismans, ce qu'il importe avant tout d'éviter, c'est d'essayer de les adapter à notre mentalité européenne, et d'user de nos concepts pour trouver la solution de ces
rébus ; inévitablement on sortirait de la vraie route, car les idées des tao-che ne sont point les nôtres. Qui voudra se lancer dans cette voie, devra d'abord se familiariser avec toutes les
pratiques populaires, vivre longtemps dans le milieu où elles ont cours, se pénétrer profondément de la manière de penser, de parler et d'agir de tous ces hommes ; en un mot, il est nécessaire de
connaître par le menu tous les petits détails de la vie pratique. Les talismans ne doivent leur succès qu'à l'habileté des tao-che, qui ont su tirer un merveilleux parti de toutes ces idées
fausses, ce sont les plus habiles charlatans du monde.
La conséquence, c'est que dans ces grimoires on trouve à peu près toutes les pratiques et croyances du taoïsme actuel ; c'est le livre pratique pour étudier le taoïsme vécu, qui ne ressemble plus
en rien aux aperçus philosophiques du Tao-té-king et autres vieux documents écrits.
Parler du Tao-té-king, c'est essayer de refaire l'histoire du passé, tandis que la doctrine des talismans montre le taoïsme actuel avec toutes ses pratiques courantes.
Explication des talismans
I. Idée générale d'un talisman.
Le talisman peut être considéré sous un double aspect.
1° Un talisman est une pièce officielle, un édit d'un dieu, exprimé par des caractères et des signes spéciaux, qui mettent devant les yeux un tableau réel, des agents mystérieux employés pour
l'exécution de ses ordres. Cette pièce de diplomatie transcendante a ses formules initiales, sa teneur, pour fulminer des ordres sévères aux génies subordonnés, et assez souvent elle se termine
par une clause répondant assez bien à l'ancienne formule chinoise des décrets impériaux : Respect à ceci.
Les tao-che ont modelé savamment l'administration de l'autre monde sur les vieux rouages administratifs chinois ; dans le monde de l'au-delà, la hiérarchie des êtres divins correspond à la
vieille hiérarchie mandarinale, les supérieurs usent des mêmes termes dans l'une et l'autre vie, quand ils s'adressent à leurs inférieurs. Le talisman est une pièce officielle en rébus.
2° Un talisman est aussi considéré assez souvent comme un vrai esprit, ou comme le siège d'un esprit ou d'un dieu ; alors, il a sa tête, son corps, ses pieds, et même des officiers subalternes :
c'est un dieu, siégeant dans son palais avec ses officiers et ses ministres.
À part cette division générale, il y a encore divers modes de rédaction.
1° Il y a la rédaction ex abrupto, par exemple dans une nécessité urgente, on omet toute formule initiale, et toute finale.
2° Il y a la formule de grand apparat, pour en imposer davantage et intimider ceux qui oseraient résister à l'ordre donné.
3° La forme foudroyante, le tonnerre ou les dieux du tonnerre exécutent l'ordre avec la puissance et la rapidité de la foudre.
4° On peut distinguer encore entre la forme directe ou le procédé par allusion, suivant que les ordres sont donnés clairement ou allégoriquement.
Ces divers genres se trouveront fréquemment dans les modèles de talismans qui vont être expliqués.
II. Procédé pour l'explication des talismans.
1° La partie chinoise. — Le talisman est disséqué pièce par pièce. À côté de chacune de ces pièces constitutives, on a écrit le nom chinois, ou le dieu, ou l'étoile, ou le caractère, ou le jeu de
mots qu'elles représentent.
2° La partie française.
a) On donne le sens des parties constituantes du talisman et de l'explication chinoise, à la manière des tao-che, souvent peu rigoureuse mais populaire ; indiquant brièvement : les dieux, les
étoiles, les génies, qui viennent tour à tour, et le plus souvent renvoyant à leur notice qui sera donnée longuement dans la 2e partie de l'ouvrage : Le Panthéon chinois.
b) En quelques lignes le sens du talisman est précisé : c'est la lecture du talisman.
c) Chaque talisman est numéroté, le n° correspond à celui de la figure qui se trouve dans les 2 tomes de la première partie des Recherches.