H. Doré : ... Superstitions en Chine. Deuxième partie : Le panthéon. Tome X

CHAPITRE V : Ministères transcendants

Variétés sinologiques n° 45,
Imprimerie de la Mission catholique à l’orphelinat de T’ou-sé-wé, Zi-ka-wei, 1915, VIII+180 pages+39 illustrations.

  • Henri Doré poursuit sa présentation du panthéon chinois avec les dieux et esprits membres des ministères transcendants. Il décrit la composition des ministères, et en dresse des tableaux. Président, bureau, assesseurs, membres, sont passés en revue.
    Le ministère du Tonnerre d'abord, avec son président Lei-tsou, Lei-kong, le dieu de la foudre, Tien-mou, la mère des éclairs, Fong-pé, le dieu du vent, Yu-che, le maître de la pluie.
    Le ministère de la Médecine, ses dieux ancêtres : Fou-hi, Chen-nong, Hoang-ti ; Yo-wang, le roi des remèdes ; les spécialistes, comme le chirurgien Hoa-t'ouo, Yen-koang la déesse oculiste, la sage-femme Ko-kou.
    Le ministère de la Variole, avec Teou-chen, son esprit masculin.
    Le ministère des Eaux. L'administration des eaux salées, comme l'administration des eaux douces. Esprits des quatre grands cours d'eau (les responsables, leurs adjoints) Esprits des diverses masses d'eau (lacs, anciens lacs, anciens lits de fleuves, étangs, rivières encaissées, vagues, puits). Et Esprits sans juridiction déterminée.
    Le ministère du Feu. Composition, noms, description d'une pagode du feu.
    Le ministère des Epidémies.
    Le ministère du Temps et le culte de T'ai-soei.
    Le ministère des cinq monts sacrés : leur position géographique, leur culte, les dieux des cinq monts et leurs attributions.
    Enfin, le ministère des Exorcismes.


Extraits. Le ministère du Tonnerre : LEI-TSOU le présidentLEI-KONG, l'esprit du tonnerre
TIEN-MOU la mère des éclairsFONG-PÉ, le comte du ventYU-CHE, le maître de la pluie
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Le ministère du Tonnerre et des Orages se compose de vingt-quatre dignitaires. Mais les cinq principaux, mentionnés dans les légendes, sont les cinq esprits dont nous allons donner les notices, ce sont du reste les plus honorés dans les pagodes. Le ministère du Tonnerre a pour président Lei-tsou, l'ancêtre du tonnerre ; ses assesseurs sont : Lei-kong, le duc de la foudre, Tien-mou la mère des éclairs, Fong-pé, le comte du vent, Yu-che, le maître de la pluie.


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LEI-TSOU le président du ministère du Tonnerre

Henri Doré, Recherches sur les superstitions en Chine. Le panthéon chinois, tome X.
Lei-tsou, le président du ministère du Tonnerre.

Le président du ministère de la Foudre est Wen-tchong, connu de tous les païens, sous le nom de Wen-tchong-t'ai-che le grand précepteur Wen-tchong. Il a trois yeux dont l'un occupe le milieu du front, et quand il ouvre ce dernier, il en jaillit un faisceau de lumière blanche, long de plus de deux pieds. Il fut ministre de l'empereur Tcheou, le dernier des Chang, 1154-1422 av. J. C., il avait le titre de grand précepteur. Sa monture était une licorne noire, et dans ses courses à travers le monde, il parcourait des milliers de lys en un clin d'œil.

Pendant les longues guerres entre les Chang et les Tcheou, toujours on le voyait arborant son drapeau jaune, et marchant au combat, armé d'une hache blanche.

Wen-tchong, à la tête de trois cent mille soldats, attaqua les armées des Tcheou dans l'ouest, mais la fortune lui fut toujours contraire ; après une série de défaites, il fut contraint de s'enfuir vers les montagnes de Yen. Là il rencontra Tch'e-tsing-tse et lui livra combat, mais ce génie dirigea le foyer de son miroir du In-yang vers la licorne de Wen-tchong, et la fit bondir hors du champ clos. Lei-tchen-tse, l'un des maréchaux de Ou-wang, frappa l'animal d'un coup de bâton et le coupa en deux.

Wen-tchong se sauvait dans la direction des montagnes de Tsiué-long-ling, quand un autre maréchal nommé Yun-tchong-tse lui barra la route ; ses mains avaient la vertu de produire la foudre, huit colonnes d'un feu mystérieux sortirent subitement de terre, tout autour de Wen-tchong, elles avaient trente pieds de hauteur, et un pourtour de dix pieds ; quarante-neuf dragons enflammés sortirent de chaque colonne et s'envolèrent dans les airs, le ciel ressemblait à une fournaise, et la terre était ébranlée par d'horribles éclats de tonnerre : Wen-tchong mourut dans sa prison de feu.

Quand la victoire se fut déclarée définitivement en faveur de la nouvelle dynastie, Kiang-tse-ya monta sur la tribune de canonisation des esprits, et commanda à Wen-tchong de se présenter pour recevoir son titre de noblesse et son apanage transcendant. Arrivé au bas de l'estrade, il refusa de se mettre à genoux ; Kiang-tse-ya dut faire usage de son fouet pour l'y obliger.

Lorsque Wen-tchong se fut mis à genoux, Kiang-tse-ya lui dit :

— De par l'autorité du Très haut, Yuen-che-t'ien-tsuen, sache que tu ne t'es pas encore exercé à la pratique de la grande science, dans la solitude d'une montagne célèbre, tu n'es pas encore préparé dûment pour monter au ciel ; cependant comme tu as été revêtu d'une haute dignité, et que tu as loyalement servi ta patrie sous deux empereurs, tu mérites indulgence. Je te confère donc aujourd'hui l'intendance suprême du ministère du Tonnerre, la charge de produire les nuages et de distribuer les pluies pour le développement de la végétation universelle ; à toi encore de tuer les méchants et de faire disparaître les pervers, de punir le mal et de récompenser le bien. De par autorité supérieure je te canonise : Chef suprême des vingt-quatre fonctionnaires du ministère du Tonnerre, prince céleste et plénipotentiaire, protecteur des lois qui régissent la formation des nuées et la distribution des pluies. Ton titre nobiliaire sera : Céleste et très honoré premier principe des neuf orbes des deux, voix du tonnerre et régulateur de l'univers. »

Les païens écrivent fréquemment sur le linteau de leurs portes, ce titre canonique de Lei-tsou, qu'ils considèrent comme un talisman préservateur.

Pratiquement, le président Lei-tsou est presque toujours confondu avec Lei-kong l'esprit de la foudre, dont nous donnerons la légende au paragraphe suivant. Seulement dans les pagodes Lei-tsou trône sur l'autel central, et les autres officiers remplissent leurs fonctions sous sa présidence. A notre époque encore, dans toutes les provinces de Chine, on fête la naissance de Lei-tsou le 24e jour du sixième mois. Les restaurateurs, les hôteliers, les meuniers, les grainetiers, les marchands de sucreries etc. vont tous ce jour-là brûler de l'encens dans la pagode de Lei-tsou ou du moins, lui offrent de l'encens dans leurs maisons, et brûlent des pétards en son honneur. J'ai constaté moi-même l'existence de cette pratique dans les villes et les gros bourgs.


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LEI-KONG, l'esprit du tonnerre

Henri Doré, Recherches sur les superstitions en Chine. Le panthéon chinois, tome X.. L'Esprit du tonnerre.
L'Esprit du tonnerre.

Une des plus originales figures de Lei-kong p'ou-sah que je me rappelle avoir vues, est bien certainement celle d'une pagode du tonnerre au sud de T'ai-p'ing-fou au Ngan-hoei et située sur le versant d'une petite montagne qui domine la ville. Dans cette pagode figurent les cinq statues réglementaires, au milieu Lei-tsou avec ses trois yeux ; il est assis sur l'autel central, puis devant sa statue, à droite et à gauche, rangés sur deux lignes, Lei-kong, Tien-mou, Fong-pé, Yu-che.

La statue de Lei-kong, de grandeur naturelle, pourrait servir de type à toutes les productions analogues. Buste humain surmonté d'un crâne de singe au bec d'aigle, il a deux cornes, deux ailes de chauve-souris, des jambes et des serres d'oiseau de proie. D'une main il brandit un maillet, de l'autre il tient un poinçon d'acier, et porte en écharpe un chapelet de tambours. Grâce à un mode de suspension assez ingénieux, les deux yeux peuvent se mouvoir dans leur orbite, il suffit de toucher légèrement la statue, pour les faire osciller au fond de leurs cavités. Bref, c'est un petit chef d'œuvre de laideur repoussante, qui justifie le proverbe populaire "Laid comme Lei-kong p'ou-sah".

Pour bien comprendre ce qui a été écrit sur Lei-kong, il importe de connaître les principales opinions émises pour expliquer la nature du tonnerre.

Théories chinoises sur le tonnerre. Croyances populaires.

a) Le tonnerre est le bruit produit par le roulement d'un objet en mouvement.

b) Le tonnerre est le tambour du ciel.

c) Le tonnerre est le tambour du ciel et de la terre.

d) Un tambour de pierre roule dans le désert des cieux, le choc des objets qu'il heurte pendant les milliers de lys de son parcours, produit le tonnerre, qui est la manifestation de la majesté du ciel.

e) Les peintres représentent le tonnerre sous le symbole d'un chapelet de tambours, pour rendre sensible le bruit prolongé de la foudre. Un homme vigoureux, appelé Lei-kong, tient les tambours de sa main gauche, et s'apprête à les frapper avec le maillet qu'il brandit de sa main droite. Ces artistes ont pour but de rendre le roulement du tonnerre par cette enfilade de tambours qui se heurtent, et ils figurent le choc des tambours par les coups de maillet. Ce qui tue les hommes, c'est le bruit des tambours qui s'entrechoquent : tout le monde en est universellement convaincu.

f) D'aucuns ont prétendu avoir trouvé les instruments dont se sert Lei-kong pour produire le tonnerre, voici comment un auteur consigne cette tradition.

« On a trouvé plusieurs fois, dit-il, la hache et les coins de Lei-kong ; la plupart du temps ces objets sont tombés des mains de l'esprit de la foudre au-dessous du lieu d'où est parti le coup de tonnerre. Pour moi, je ne les ai jamais vus, mais sous le règne de Song-chen-tsong, pendant la période Yuen-fong 1078-1086 ap. J. C., je me trouvais à Soei-tcheou, sous-préfecture du département de Té-ngan-fou au Hou-pé ; pendant l'été la foudre brisa un arbre, et au pied de l'arbre on trouva un coin ; ce fait mérite créance. »

Les haches de Lei-kong sont presque toutes en fer ou en cuivre, les coins au contraire sont en pierre, et ressemblent assez à une hache dans laquelle on n'aurait pas perforé de trou pour y ajuster un manche.

g) La pierre à aiguiser de Lei-kong. — A Ho-hien, dans la préfecture de P'ing-lô-fou, au Koang-si, une pierre de vingt pieds carrés est connue sous le nom de "pierre à aiguiser la hache de Lei-kong". Au printemps et en été, on y voit des raies lisses et fraîchement produites par le frottement de la hache sur cette pierre, en automne et pendant l'hiver, elles se couvrent de mousse.

h) D'après le proverbe cité par Hoai-nan-tse : "La pluie arrose les chemins, le vent balaie la poussière, l'éclair c'est le sillage du fouet, le tonnerre est le bruit des roues du char", le bruit du tonnerre serait produit par les roues du char de Lei-kong.

i) Le tonnerre est un messager que le ciel envoie pour amener le dragon. — Quand, au temps de l'été, la foudre brise les arbres, endommage les maisons et même tue les hommes, voici comment raisonnent les gens du peuple. Le dragon est caché dans les arbres et dans les maisons, le tonnerre fend les arbres et démolit les habitations, alors le dragon n'ayant plus où se cacher se montre à découvert, et le tonnerre le prend pour le conduire au ciel. Dans ce cas, le tonnerre vient chercher le dragon ; si quelquefois il tue les hommes, c'est pour les punir de leurs péchés.

j) A Lei-tcheou, au Koang-tong, le tonnerre gronde continuellement pendant le printemps et l'été ; Lei-kong se cache en terre pendant l'automne et l'hiver et il prend la forme d'un porc que les habitants emmènent et mangent.

La pagode de Lei-kong est située à huit lys S. O. de la ville ; les habitants du pays fabriquent avec de la toile des tambours et des chars pour Lei-kong, ils les placent dans sa pagode où ils se réunissent pour manger du poisson et de la viande de porc.

k) L'esprit du tonnerre a une tête d'homme ajustée sur un corps de dragon, son ventre lui sert de tambour, il se promène par le monde, les sages peuvent seuls le voir.

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TIEN-MOU la mère des éclairs

Henri Doré, Recherches sur les superstitions en Chine. Le panthéon chinois, tome X. TIEN-MOU la mère des éclairs.
TIEN-MOU la mère des éclairs

On la représente dans les pagodes sous la forme d'une femme, qui tient en ses deux mains deux miroirs projetant deux faisceaux lumineux.

1° L'éclair.

L'éclair est produit par le frottement du in et du yang.

Pourquoi l'éclair accompagne-t-il le tonnerre ? — Le yang arrivé à l'apogée du mouvement produit l'éclair : c'est ce qui explique qu'en perçant le bois et le bambou on peut produire du feu. Le bois ne contient pas de feu, mais c'est le mouvement qui le produit.

Qu'est-ce donc que l'éclair qui nous apparaît dans la nue comme la traînée lumineuse d'un serpent d'or ? C'est l'émission de la lumière, ce n'est qu'une lumière ; il n'apparaît que lorsqu'il se produit au-dessous du nuage ; quand il se forme à l'intérieur du nuage, il reste invisible.

Tchou-tse dans son style imagé ajoute : L'éclair, ce bâton embrasé du tonnerre, est produit par une dilatation subite de l'air emmagasiné sous haute pression.

2° Origine de l'esprit de l'éclair.

Le roi des immortels Tong-wang-kong jouait au pot avec Yu-niu ; il manqua son coup ; le ciel esquissa un sourire, et de sa bouche entr'ouverte sortit un trait de lumière : c'est l'éclair.

L'avatar de l'éclair s'appelle tantôt Sieou-wen-ing ou Sieou-t'ien-kiun, tantôt King-koang ; on lui donne une figure féminine parce que, d'après le I-king, l'éclair est censé sortir de la terre, principe in, féminin.

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FONG-PÉ, le comte du vent

Henri Doré, Recherches sur les superstitions en Chine. Le panthéon chinois, tome X.. FONG-PÉ, l'Eole chinois.
FONG-PÉ, l'Eole chinois

Fong-pé est l'Éole chinois, le Vata védiste, il est représenté sous la figure d'un vieillard à barbe blanche ; sous son bras gauche il presse une poche à vent, de sa main droite il serre ou lâche à volonté la bouche de sa poche dirigée sur les nuages environnants ; l'air comprimé sort en jets continus et forme le vent. Il est aussi figuré avec une roue qu'il semble faire tourner en agitant un éventail ; je l'ai vu aussi tenant un éventail dans chaque main, pour agiter l'air et soulever les vents.

a) Esprit stellaire.

L'étoile Ki aime le vent. Quand la lune quitte la mansion de l'étoile Ki (du Sagittaire), constellation chinoise du Léopard, le vent souffle et soulève la poussière : par là nous savons que cette étoile commande au vent. L'étoile Ki a la puissance de produire le vent, elle retourne et élève les objets à son gré. On lui offre en sacrifice des viandes rôties, mais jamais de soieries ou de pierres précieuses.

b) Dragon.

Il y a un dragon fabuleux connu sous le nom de Fei-lien, qui vole avec une grande rapidité, c'est l'esprit du vent.

Voici quelques détails qui nous sont racontés dans l'histoire des Chang, sur le compte de Fei-lien. — Fei-lien dont le prénom est Tch'ou-fou, fut un des ministres pervers de l'empereur Tcheou, il marchait avec une vitesse inouïe. Son fils Ngo-lai était doué d'une force si prodigieuse, qu'il pouvait écarteler un tigre ou un rhinocéros avec ses mains. Ces deux hommes mirent leur aptitude et leur force au service de Tcheou-wang ; le fils fut tué, le père, poursuivi jusque sur le bord de la mer, fut massacré.

Dans un commentaire de l'histoire des Han antérieurs, nous trouvons encore cette autre légende. Fei-lien est un animal transcendant, qui peut faire souffler le vent. Il a un corps de cerf, une tête d'oiseau et des cornes, sa queue ressemble à celle d'un serpent, sa taille atteint celle d'un léopard.

Nous trouvons une autre légende sur Fei-lien dans le Chen-sien-t'ong-kien. D'après cet ouvrage, il ne serait point un ancien officier des Chang mais bien un des alliés du rebelle Tch'e-yeou, battu par Hoang-ti. Après sa mort il avait été transformé en monstre transcendant, il suscitait des vents furieux dans les régions du Sud. L'empereur Yao députa le génie I, ou Chen-i, nommé aussi Kiao-fou, pour apaiser les tempêtes, et mettre à la raison les esprits malfaisants du clan de Tch'e-yeou, qui assouvissaient leur vengeance sur le peuple. Yao lui donna trois cents soldats pour accomplir sa mission. Chen-i ordonna aux habitants d'arborer un drapeau long de 100 pieds à la porte de leurs demeures, et de consolider avec des pierres le mât qui le soutenait. Le vent se leva et vint se briser contre ce drapeau, il dut changer de direction ; alors Chen-i monta sur les ailes du vent et s'arrêta sur un pic élevé ; c'est de ce sommet qu'il aperçut un monstre tout au bas de la montagne. Il ressemblait à une poche de peau, sa couleur était jaune et blanche, muni d'une large bouche, qui aspirait l'air et le soufflait comme une pompe aspirante et foulante, pour déchaîner les vents. Évidemment c'était là l'auteur de tous ces ouragans. Chen-i saisit son arc, et lui décocha une flèche en plein front, puis le poursuivit jusque dans une grotte profonde où il se réfugia. Arrivé dans cette antre le monstre saisit son sabre, fit face à son agresseur et lui dit :

— Qui osera frapper la mère du vent !

Chen-i l'attaqua bravement, et finit par lui décocher une flèche dans le genou. Le monstre laissa tomber son sabre et se rendit à merci, priant son adversaire de lui épargner la vie.

— Je suis Fong-pé-fei-lien, lui dit-il, il y a environ quatre cents ans que je suis allé dans les pays méridionaux, et parce que les habitants n'offrent pas de sacrifices à Tch'e-yeou, j'ai réuni des compagnons pour le venger.

c) Le vent est la respiration du in et du yang.

Le Ou-li-t'ong-k'ao expose sa théorie sur le vent, et réfute les deux assertions précédentes.

Le vent, la pluie, les nuages et le tonnerre sont des phénomènes nés de la pression ou de la dilatation, de la respiration du in et du yang. Chacun de ces phénomènes a un esprit qui les régit. Chaque être a nécessairement en lui un principe subtil, qui se transforme et se perfectionne en raison même de la grandeur de cet être, c'est là ce qu'on est convenu d'appeler Chen esprit.

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YU-CHE, le maître de la pluie

Henri Doré, Recherches sur les superstitions en Chine. Le panthéon chinois, tome X. Le maître de la pluie.
YU-CHE. Le maître de la pluie.

Les graveurs et les peintres aiment à représenter l'esprit de la pluie (le Parjanya du védisme) au milieu de gros nuages, tenant en main un arrosoir, avec lequel il verse la pluie sur terre. Dans les pagodes, ses statues portent souvent un plateau dans la main gauche, un petit dragon se dresse sur le plateau ; de la main droite elles paraissent verser de l'eau.

a) Tch'e-song-tse. Une troisième forme assez commune fait allusion, si je ne me trompe, au récit suivant du Chen-sien-t'ong-kien : sous le règne de Chen-nong, une longue sécheresse désola le pays ; les moissons en herbe périssaient sur pied, le peuple était dans la consternation. Ce fut alors qu'apparut Tch'e-song-tse : pour tout habit il portait un pagne en écorce, une sorte de collier d'écorce couvrait ses épaules et le haut de sa poitrine. La vie qu'il menait était très originale et il se plaisait à vanter son merveilleux pouvoir. On vint en informer Chen-nong, et on lui insinua que peut-être cet homme extraordinaire pourrait faire tomber la pluie tant désirée. Le souverain alla le trouver, mais le génie affecta de ne pas faire attention à lui ; alors Chen-nong le salua, et le pria de bien vouloir avoir pitié de son peuple et de lui procurer la pluie.

— Rien de plus facile, reprit Tch'e-song-tse, versez une bouteille d'eau dans un vase de terre, et donnez-le moi, je me charge de faire tomber la pluie.

Il prit le vase plein d'eau, gravit une montagne voisine, cassa une branche d'arbre, la trempa dans l'eau, puis se mit à asperger la terre. Instantanément le ciel se couvrit de nuages qui déversèrent des pluies torrentielles, les fleuves et les rivières débordèrent. Quand Tch'e-song-tse descendit de la montagne, il n'était pas plus mouillé que s'il eût fait un temps splendide. Tch'e-song-tse est honoré comme esprit de la pluie ; aussi la statue de Yu-che dans les pagodes tient très souvent en main une tasse mystérieuse, source inépuisable de toutes les pluies.

Le Lié-tse donne aussi Tch'e-song-tse comme le régent des pluies. Cet esprit extraordinaire peut demeurer dans l'eau sans se mouiller, vivre dans le feu sans se brûler ; à Koen-luen-chan où il habite, on le voit monter dans les nuées et en descendre suivant son bon plaisir. La seconde fille de Chen-nong voulait le prendre pour son précepteur et apprendre ses recettes mystérieuses, mais il se retira dans la montagne, et elle ne put le rejoindre. (Nous verrons que Chen-nong lui-même se mit sous sa conduite).

Tch'e-song-tse reparut de nouveau comme régent des pluies sous Kao-sin et se promena par le monde.

b) L'oiseau fabuleux Chang-yang.

Le Chang-yang, oiseau transcendant, n'a qu'un pied, sa taille varie de grandeur à son gré, il boit de l'eau en telle quantité qu'il peut dessécher entièrement des bras de mers.

Lorsque Fei-lien eut été initié aux mystérieux secrets de la magie par son maître Hiuen-ming-ta-jen, il vit un oiseau merveilleux qui aspirait l'eau avec son bec, puis la soufflait dans les airs, d'où elle retombait en pluie. Cet oiseau est l'esprit de la pluie, son nom est Chang-yang.

Fei-lien lui donna à manger sur le bord de l'eau, et l'apprivoisa si bien, qu'il pouvait le mettre dans sa manche. Cet oiseau était né aux temps de Yeou-tch'ao-che "Qui a un nid", le premier constructeur de huttes perchées au-dessus du sol, comme des nids, pour se mettre hors d'atteinte des animaux sauvages. Le Chang-yang se grandit et se rapetisse à volonté, il peut boire toute l'eau de la mer et produire des inondations qui submergent les montagnes.

Plus tard, un oiseau à un pied se posa sur le palais du prince de Ts'i, puis vint se promener et sautiller devant la salle du trône. Le marquis de Ts'i fut très intrigué ; il envoya un courrier jusqu'au royaume de Lou pour en demander l'explication à Confucius.

— Cet oiseau, reprit Confucius, s'appelle Chang-yang, c'est le signal des pluies. Anciennement les enfants s'amusaient à sautiller sur un pied en fronçant les sourcils et criant : "Le ciel va nous donner de la pluie, le Chang-yang prend ses ébats". Aujourd'hui cet oiseau est descendu dans le royaume de Ts'i, la pluie va venir, il faut ordonner au peuple de creuser les canaux et les douves, et de réparer les digues, car les pluies vont tomber en telle abondance qu'elles vont inonder tout le pays.

Les pluies furent si fortes que les inondations couvrirent non seulement la principauté de Ts'i, mais encore tous les pays adjacents, qui eurent grandement à souffrir. Seul le royaume de Ts'i qui avait pris les précautions nécessaires pour y faire face, n'eut aucun malheur à déplorer. Le duc King s'écria dans cette occasion :

— Hélas ! bien peu croient aux paroles du saint !

c) Le fils de Kong-kong.

Le fils de Kong-kong fut intendant du ministère des Eaux ; Tse-tch'an préfet des rites du royaume de Tcheng, lui offrit des sacrifices comme à l'esprit de la pluie.

Sous les cinq empereurs il y avait un grand officier de l'empire, qui était préposé à tous les mandarins chargés de l'administration des eaux, on l'appelait le régent des eaux. C'est ainsi que nous trouvons dans cette charge deux oncles de Chao-hao, Sieou et Hi, ainsi que le petit-fils de Kin-t'ien-che, nommé Wei. Jusque là, ces hauts fonctionnaires n'avaient été connus que sous le nom de régents des pluies, quand la 18e année de Tchao-kong, pendant une grande sécheresse dans la principauté de Tcheng, Tse-tch'an offrit des sacrifices à ces anciens officiers, comme à des esprits de la pluie. De là vint la coutume d'honorer ces préposés au ministère des Eaux, comme des esprits de la pluie.

d) Concubine de l'esprit de la pluie.

La concubine de l'esprit de la pluie a le visage noir et tient un serpent dans chacune de ses mains ; un serpent vert repose sur son oreille gauche, et un serpent rouge sur son oreille droite. L'esprit de la pluie a une concubine, ajoute le commentateur, et lui-même ressemble à une chrysalide de ver à soie.

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