H. Doré : Recherches sur les superstitions en Chine
Deuxième partie : Le panthéon chinois, tomes VI à XII
Variétés sinologiques, Imprimerie de la Mission catholique à l’orphelinat de T’ou-sé-wé, Chang-hai, 1914-1918.
Tome VI — Tome VII — Tome VIII — Tome IX — Tome X — Tome XI — Tome XII.
Dans cette seconde partie nous donnons le panthéon chinois des temps actuels, tel qu’on le trouve dans les pagodes et sur les images de
vulgarisation, pendant les dernières années de la dynastie Ta-tsing, et aux débuts de la république 1911... Les personnages le plus communément honorés en Chine à notre époque, soit comme dieux,
soit comme bouddhas, esprits ou immortels.
Plusieurs sont des hommes qui ont réellement existé, et qui ont été dans la suite honorés d’un culte ; d’autres sont des êtres purement mythiques, créés de toutes pièces pour les besoins de la
cause. Je donne une petite biographie de chacun d’eux, en indiquant les principales sources où on peut puiser pour compléter ces notices.
Je ne négligerai point, l’occasion donnée, de dire l’origine des divinités, et par qui elles ont été honorées primitivement, mais je m’attacherai surtout à montrer par qui elles sont honorées
maintenant. Il arrivera souvent, que tel dieu, d’origine purement taoïste, soit maintenant vénéré par tous les bouddhistes, et vice versa, et qu’un dieu, bouddhique ou taoïste, soit
particulièrement cher aux lettrés. Bon nombre même sont honorés par tous les païens, sans distinction entre bouddhistes, taoïstes ou confucéistes. Voilà le motif qui m’a empêché de prendre la
division classique à laquelle on s’attendait peut-être : dieux des lettrés, dieux taoïstes, dieux bouddhiques. Si à l’origine on peut bien souvent faire cette distinction, il n’en est plus de
même aujourd’hui dans la pratique.
Je montre les dieux tels qu’ils sont de nos jours, et non tels qu’ils devraient être, à ne considérer que la secte à laquelle ils appartenaient anciennement.
Le groupe des trois fondateurs artistement gravé nous montre Bouddha au centre, à sa gauche Lao tse, et Confucius occupe la troisième place à
droite. Sur l’exergue on lit ces mots : Tableau des trois saints. Le confucianisme, le bouddhisme, le taoïsme, bien que trois ne font qu’un. La gravure surtout est significative, l’auteur, un
tao-che, se rend à l’évidence des faits, et cède la première place au fondateur du bouddhisme ; c’est bien lui en effet qui compte en Chine le plus grand nombre d’adeptes.
Tome VI
CHAPITRE I : Les Triades : I. La triade éclectique (Les trois
saints). Çakyamouni, Confucius, Lao-tse. — Petit panthéon populaire. — II. La triade taoïste (Les trois purs). — III. La triade bouddhique (Les trois précieux). — IV. Les trois principes
San-koan, San-yuen.
CHAPITRE II : Personnages les plus honorés par les lettrés : I.
Wen-tch'ang. Dieu de la littérature. — II. K'oei-sing. Le distributeur des grades littéraires. — III. Tchou-i. L’Habit rouge, sa légende. — IV. Koan-kong. Dieu de la guerre.
CHAPITRE III : Bouddhas. P’ou-sahs. Saints. (Bouddhisme) : I.
Jan-teng-fou — II. Mi-lei-fou(Maitreya) — III. Ngo-mi-touo-fou (Amitabha) — IV. Yo-che-fou — V. Ta-che-tche — VI. P'i-lou-fou — VII. Les douze grands maîtres célestes — VIII. Koan-yng [Guanyin] —
IX. Ti-ts'ang-wang — X. Les dix dieux des enfers.
Tome VII
CHAPITRE III (suite) : Bouddhas. P’ou-sahs. Saints. (Bouddhisme) : XI. Tchoen-t'i — XIII. Wei-t'ouo-p'ou-sah — XIV. Yu-ti et Fan-wang — XV. Hiang-chan et Hoa-chen — XVI. Les dix-huit Louo-han (Arhans indiens) — XVII. Les douze Yuen-kia — XVIII. Les quatre grands rois du ciel — XIX. Long-wang, Les rois-dragons — XX. Tong-t'ou-lou-tsou. Les six patriarches — XXI. Ta-cheng — XXII. Tche-kong — XXIII. Fou-ta-che — XXIV. Lan-ts’an — XXV. Hoei-yuen — XXVI. Kiumarajiva — XXVII. Pei-tou — XXVIII. Yuen-koei — XXIX. Ou-wei.
Tome VIII
CHAPITRE III (suite) : Bouddhas. P’ou-sahs. Saints. (Bouddhisme) : XXX. King-kang — XXXI. Pou-k'ong — XXXII. I-hing — XXXIII. Si-yu-seng — XXXIV. P'ou-ngan — XXXV. Tche-hiuen — XXXVI. Ki-kong — XXXVII. Hoa-yen — XXXVIII. Kio-hien — XXXIX. Pao-kong — XL. Tche-tsao — XLI. T'ong-hiuen — XLII. T'an-ou-kié-chan — XLIII. Kien-yuen — XLIV. Ta-tche — XLV. Peng-tsing — XLVI. Fou-seng — XLVII. Yé-ché — XLVIII. Suen-heou-tse (Ou-kong) — XLIX. Cha-houo-chang — L. Tchou-pa-kiai — LI. T'ang-seng (Hiuen-tsang) — LII. Liste et courtes notices de 65 bonzes Saints — LIII. Le bonze Chan-che — LIV. Six bonzes, saints originaux. Section spéciale : Aperçu synthétique des écoles bouddhiques chinoises. Les Écoles de Nieou-t'eou, du pic sacré du Sud, du Nan-yo, de Ts'ing-yuen, de T'ien-t'ai, Hoa-yen-tsong. L'Amidisme.
Tome IX
CHAPITRE IV : Dieux, Immortels, Génies (Taoïsme) : I. Yuen-tche-t'ien-tsuen, L'Éternel — II. Yu-hoang, le Jupiter taoïste — III. T'ong-t'ien-kiao-tchou, le premier patriarche — IV. Hong-kiun-tao-jen, Le premier ancêtre — V. Tchen-ou, le chef des "Pavillons noirs" — VI. Tong-wang-kong et Si-wang-mou, le roi et la reine des Immortels — VII. Les huit Immortels — VIII. Lieou-hai-sien — IX. Tchang-t'ien-che — X. Hiu-suen — XI. Les quatre grands rois du ciel — XII. T'ai-i — XIII. Les douze esprits Ting et Kia — XIV. Teou-mou. Mère des neuf souverains humains — XV. Na-t'ouo — XVI. Heng le Souffleur et Ha le Renifleur — XVII. Deux esprits stellaires — XVIII. Li-ping et son fils Eul-lang — XIX. Wang ling-koan et Sa-cheou-kien — XX. Tchen-yuen-sien — XXI. Lié-tse — XXII. Hoai-nan-tse — XXIII. Wang-yuen-choai — XXIV. Nan-hoa. (Tchoang-tse) — XXV. Sié-t'ien-kiun — XXVI. Hoen ki — XXVII. Li-yuen-choai — XXVIII. Lieou-t'ien-kiun, protecteur des moissons. — XXIX. Wang le Fer, Kao le Cuivre — XXX à LVI. Génies et personnages historiques ou imaginaires.
Tome X
CHAPITRE V : Ministères
transcendants : Article I. Ministère du Tonnerre : I. Lei-tsou, le Président — II. Lei-kong, le dieu de la foudre — III. Tien-mou, la mère des éclairs — IV. Fong-pé, l'Éole
chinois — V. Yu-che, le maître de la pluie — VI. Un ministère taoïste : Dieux du Tonnerre.
Article II. Ministère de la Médecine. Section I. Dieux ancêtres : (P'an-kou) Fou-hi, Chen-nong, Hoang-ti... Section II. Le roi des remèdes : Yo-wang. — Section III. Les spécialistes : Le
chirurgien Hoa-t'ouo, Yen-koang la déesse oculiste, la sage-femme Ko-kou. — Teou-chen la spécialiste de la variole.
Article III. Ministère de la Variole. Teou-chen esprit masculin.
Article IV. Ministère des Eaux : I. Administration des eaux salées en général. — II. Administration des eaux salées en particulier. Les quatre rois-dragons — Esprits des quatre mers. — III.
Administration des eaux douces. 1. Esprits des quatre grands cours d'eau. 2. Esprits des diverses masses d'eau. 3. Esprits sans juridiction déterminée. 4. Choei-mou-niang-niang.
Article V. Ministère du Feu.
Article VI. Ministère des Épidémies.
Article VII. Ministère du Temps (T'ai-soei).
Article VIII. Le ministère des cinq monts sacrés : I. Position géographique des cinq monts sacrés — II. Aperçu historique du culte — III. Dieux des cinq monts sacrés — IV. Attributions des dieux
des cinq monts sacrés.
Article IX. Ministère des Exorcismes (Pi-sié).
Tome XI
CHAPITRE VI : Dieux protecteurs et Patrons : I. Ché-tsi. Patrons du sol et de l'agriculture. — II. Heou-t'ou. — III. Tch'eng-hoang. Mandarin céleste. — IV. T'ou-ti-lao-yé, le garde champêtre. — V. Tsao-kiun, le dieu du foyer. — VI. T'ien-fei, patronne des navigateurs. — VII. Ngan-kong, protecteur des navigateurs. — VIII. Siao-kong, protecteur des fleuves. — IX. Ts'an-niu, déesse des vers à soie. — X. Tse-kou-chen, déesse des latrines. — XI. K'ang-san-kou-niang, les trois immortelles du Vase immaculé. — XII. Houo-ho-eul-sien. Patrons des commerçants. — XIII. Lieou-mong-tsiang-kiun, protecteur contre les sauterelles. — XIV. Pa-tcha, protecteur contre les sauterelles. — XV. Fou-chen, le dieu du bonheur. — XVI. Kouo-tse-i, dieu du bonheur. — XVII. Mai-chen, dieu des richesses. — XVIII. Cheou-sing, dieu de la longévité. — XIX. Chen-chou Yu-liu, Esprits gardiens des portes. — XX. Men-chen, Esprits gardiens des portes. — XXI. Tchang-sien, le pourvoyeur d'enfants. — XXII. Pi-hia-yuen-kiun. Historique des dieux de T'ai-chan. — XXIII. Les esprits Louo oculistes. — XXIV. L'esprit Hou, protecteur contre la grêle. — XXV. Ou-tai-yuen-choai (Lei Hai-tsing), dieu des musiciens. — XXVI. Les dieux des orfèvres Mi-lei-fou, Tong-fang-cho, Hoa-koang-fou. — XXVII. Les dieux des brigands Ou-tao-tsiang-kiun, Lieou-tche, Song-kiang, Che-ts'ien. — XXVIII. Les dieux des bouchers Pan-k'oei, Tchang-fei. — XXIX. La douane transcendante des profits. — Le commissaire écumeur. — XXX. Le dieu de la sodomie, Tcheou-wang. — XXXI. Les huit immortels ivrognes : Li-t'ai-pé. — Ho-tche-tchang. — Li-tche-tche. — Li-tsing. — Ts'oei-tchong-tche. — Sou-tsing. — Tchang-siun. — Tsiao-soei. — XXXII. Tche-niu, la déesse des tisserands. — XXXIII. Lou-pan, patron des menuisiers. — XXXIV. Hoang-ta-pouo, l'introductrice du coton au Kiang-nan. — XXXV. Ché-wang, le roi des serpents. — XXXVI. Che-siang-kong, le protecteur des serpents. — XXXVII. Nieou-wang, le roi des bœufs. — XXXVIII. Tchou-kiuen-chen, le protecteur des porcheries.
Tome
XII
CHAPITRE VI : Dieux protecteurs et Patrons (suite) : XXXIX. Yang-tsing. La chèvre transcendante. — XL. Keou-tsing. Le chien transcendant. — Tai-li. — XLI. Ou-kong-tsin. Le mille-pattes transcendant. — XLII. Ts'ing-wa-chen. L'esprit des grenouilles. — XLIII. Che-kan-tang. La pierre transcendante et préservatrice. — XLIV. Sao-ts'ing-niang. La balayeuse de l'atmosphère ou la patronne du beau temps. — XLV. Tchoang-kong. Tch'oang-mou. Les esprits du lit, mâle et femelle. — XLVI. Niu-wa. Patronne des entremetteuses pour les mariages. — XLVII. Divers autres dieux : patrons des marchands de bougies, de perruques et faux cheveux, d'encens, de vin, de lunettes, de fromage de pois, de fards et parfums,... ; patrons des pêcheurs, meuniers, barbiers, mendiants, pédicures, papetiers, savetiers, pharmaciens, tailleurs, diseurs de bonne aventure, lieux de prostitution, ... ; dieux de la joie, des dignités, des chefs de famille.
CHAPITRE VII : Dieux composites : I. L'Habit bleu. Protecteur des vers à soie. — II. Les cinq saints. — III. Ts'e-chan Tchang-ta-ti. — IV. Ou-ti. Les cinq empereurs ou les cinq souverains du ciel. — V. San-i-ko. Les trois frères jurés Lieou Pei, Koan-kong, Tchang Fei. — VI. Ma-kou et Wang Fang-p'ing. — VII. Yo Fei. (Ou-mou-wang). — Ché-tsiang-kiun, son frère juré. — VIII. Tou t'ien (Tchang-siun). — IX. Yang-tcheou ou Se-t'ou. — X. Tsiang-siang-kong. — XI. Tsoei-fou kiun. — XII. Le fils du duc Ts'i. — XIII. Ou-lié-ta-ti. (Tcheng-kouo-jen). — XIV. Pé-ki (La poule blanche). — XV. Tsi-kou tse. Les sept Demoiselles. — XVI. Tsong-koan. Li-tsi-heou. — XVII. Siao Ho. — XVIII. Cheng-kou. — XIX. Wei-tsi-heou (Kong-heou). Le majestueux et bienfaisant marquis. — XX. Song-li-siang-kong. Le jeune monsieur de Song-li. — XXI. Ling-kou-heou. (Ki Kiu-mou). — XXII. Yuen-tsien-li. — XXIII. Les assesseurs de Koang-kong et de Yao Fei.
CHAPITRE VIII : Divinités stellaires : I. Le dieu du Soleil et la déesse de la Lune. — II. Les vingt-huit constellations. — III. Les cinq planètes et leurs dieux stellaires. — IV. Les deux mauvaises étoiles Louo-heou et Ki-tou. — V. Tse-wei-sing. Divers dieux de cette étoile. Légendes. — VI. Ou-teou. Constellations des cinq directions. — VII. Autres divinités stellaires. — VIII. Les trente-six étoiles T'ien-kang. — IX. Les soixante-douze étoiles Ti-châ. — X. Les neuf constellations Kieou-yao. — XI. Soixante-dix étoiles fastes et néfastes. — XII. Cent autres étoiles dont les noms figurent dans le Hoang-li, calendrier chinois. — XIII. Génies romantiques.
Les confucéistes, les bouddhistes et les taoïstes se firent souvent une guerre acharnée. Les lettrés attaquèrent avec vigueur la fausseté
évidente des doctrines de leurs adversaires, mais comme ils n’avaient pour les remplacer que leurs vertus de parade, de sèches et désolantes tirades d’humanité et de justice, rien pour consoler
le cœur des affligés, nulle rétribution d’outre tombe, le peuple, guidé par son instinct inné de l’au delà, continua à embrasser le bouddhisme et le taoïsme, et peu à peu ces deux religions, à
défaut de mieux, devinrent les religions populaires de la Chine. Bien plus, les lettrés eux-mêmes se mirent à honorer les dieux du taoïsme et du bouddhisme.
Par ailleurs, les bonzes et les tao che, voyant leurs sectes suffisamment implantées, et leur subsistance assurée, cessèrent de se disputer, et comme leurs doctrines, de pure invention humaine,
sont très élastiques et très accommodantes, il y eut échange de bons procédés : les dieux bouddhiques entrèrent peu à peu dans les temples taoïstes, et les immortels vinrent siéger
fraternellement aux côtés des bouddhas, pour y respirer le doux parfum de l’encens. Chacun patronna le dieu qui lui parut le plus populaire et le plus lucratif, l’éclectisme religieux était né.
On en vint jusqu’à réunir dans un même temple, et à honorer sur un même autel, les trois fondateurs de religions, Bouddha, Lao-tse et Confucius.
L’imagerie populaire représente aussi cette triade de conciliation. Nous reproduisons ici une image très répandue de nos jours, on la trouve dans
toutes les demeures des païens, bouddhistes, taoïstes ou confucéistes ; sur ce tableau sont représentés les dieux les plus populaires, c’est comme une petite miniature du panthéon païen, où les
peintres, bien au courant des goûts de leurs contemporains, ont reproduit une sorte d’agglomérat des dieux qu’ils savent leur être les plus chers. Il suffit de jeter les yeux sur ce tableau pour
y reconnaître à première vue la plus parfaite fusion.
Le premier groupe central au haut de l’image, représente Bouddha, Confucius et Lao-kiun. Ici Confucius occupe la seconde place et Lao-kiun est au troisième rang. A droite sont les six
dieux-étoiles du pôle sud, à gauche on voit les sept dieux-étoiles du pôle nord. Confucius, Bouddha, Lao-kiun et les dieux taoïstes partagent fraternellement les hommages de leurs adorateurs. Le
second groupe n’est pas moins suggestif. La déesse bouddhique Koan-yng-p'ou-sah est entourée de divinités vénérées par les sectateurs des trois religions : Wen-tch’ang et Tchou-i l’Habit rouge,
dieux des lettrés ; Tchoen-ti dieu des bonzes ; Tien-mou, Yo-wang, Lei-kong, dieux des tao che et des bonzes. La troisième section presque exclusivement taoïste, renferme l’immortel
Liu-choen-yang, honoré par les confucéistes. Koan-kong, dans la quatrième section, reçoit des honneurs officiels, et sa statue trouve place dans tous les temples et toutes les pagodes.
Enfin dans la cinquième section, au bas de l’image, on voit au centre le dieu des richesses, qui est prié bien sûr par tous les païens, sans distinction de secte ; c’est le dieu de l’or, le dieu
choyé, le plus assidûment vénéré, car nos Célestes, que l’or semble avoir teints de son ocre, sont tous fébrilement secoués par la fièvre du gain.
Cette image donne vraiment la note juste de l’état de la religion en Chine ; chacun prend ce qui lui convient dans chacune des trois sectes, offre de l’encens au dieu de son choix, et s’inspire
des circonstances pour prier tel ou tel dieu sans se préoccuper de sa provenance taoïste ou bouddhique.
TOME VI
Variétés Sinologiques n° 39, 1914, XII+196 pages+54 illustrations+3 photos.
Extraits : Le panthéon - Koan-ti, le Mars chinois - Koan-yng - L'enfer bouddhique
Feuilleter
Télécharger
.... Koan-yu et son fils refusèrent de passer au service des vainqueurs et tous deux furent exécutés par ordre de Suen-k’iuen. On déposa la tête
de Koan-yu dans une boîte en bois et on l’expédia à Ts’ao-ts’ao, à Lô-yang. Après réception du colis, Ts’ao-ts’ao fit sculpter un corps de bois et le fit adapter à la tête de Koan-yu, puis députa
un de ses généraux, pour présider à sa sépulture, l’an 220 ap. J.C. Koan-yu avait 58 ans.
Lieou-pei, devenu l’empereur Tchao-lié-ti, des Chou-han, en l’an 221 ap. J.C., voulut venger la mort de Koan-yu et déclara la guerre à Suen-k’iuen, roi de Ou...
L’empereur Heou-ti, fils de Lieou-pei, en 260 ap. J.C., honora la mémoire de Koan-yu du titre posthume de : ‘Duc consort’.
L’empereur Song-hoei-tsong, en 1102 ap. J.C., décerna à Koan-yu le titre de : ‘Fidèle et loyal Duc’. Puis en 1110 ap. J.C. il lui conféra par lettres le titre encore plus glorieux de : ‘Roi
magnifique et pacificateur’.
L’empereur Wen-tsong, des Yuen, ajouta l’appellatif de : ‘Roi guerrier et civilisateur’.
Enfin, l’empereur Wan-li, des Ming, lui conféra son titre définitif : ‘Fidèle et loyal grand empereur, protecteur du royaume’.
Du coup, il fut apothéosé dieu de la guerre, et honoré sous ce titre dans toutes les villes de l’empire, où il a son temple officiellement reconnu. De par décret impérial, on lui offre des
sacrifices le quinzième jour de la deuxième lune et le treizième jour de la cinquième.
C’est le Mars chinois ! Sa pagode se nomme Ou-chen-miao, temple du dieu militaire, de même que la pagode de Confucius s’appelle Wen-chen-miao, temple du Chen de la littérature.
Bref, il est pour les militaires ce que Confucius est pour les lettrés et de plus, c’est aussi un dieu des lettrés. Tout jeune, dit la légende, il aimait étudier l’ouvrage intitulé Tsouo-che
tch’oen-ts’ieou.
Ce personnage est resté dans la mémoire des Chinois comme un type de bravoure et de loyauté romantiques.
La vie de Koan-yng, intitulée : Koan-che-yng-tchoan-lio, la nomme Miao-chan, raconte son refus de se marier, les persécutions qu’elle eut à subir
de la part de son père, sa lutte victorieuse, et enfin l’acte d’héroïsme qu’elle fit en s’arrachant les yeux, et en se coupant les mains pour en préparer un médicament sauveur pour son père
expirant. Toute palpitante, baignée dans son sang, elle se vit soudain dotée de mille yeux, et de mille mains, selon la prédiction que lui avait faite Jou-lai-fou (le bouddha Jou-lai).
Sur les images de Koan-yng figurent divers emblèmes dont il est intéressant de connaître la signification.
La légende nous a fait connaître Chan-tsai et Long-niu son suivant et sa suivante, nous n’y revenons plus.
Le rameau vert sert pour l’aspersion de l’eau sainte, nectar divin, contenu dans une fiole.
La banderole de papier, que la déesse tient à la main, indique les prières qu’elle aimait à réciter, même pendant la nuit, à la lueur de cette perle lumineuse, cadeau du roi-dragon.
Un oiseau lui apporte son chapelet bouddhique, c’est une allusion aux services que les dieux et les êtres de la nature lui rendaient avec empressement, pendant son noviciat à la pagode de
l’Oiseau blanc : Cet oiseau s’appelle Pé-yng-ou.
Le tigre sur lequel nous la voyons quelquefois assise, fait allusion aux faits relatés dans sa notice. Le génie protecteur du sol apparut deux fois sous cette forme : la première fois ce fut pour
transporter son corps dans la forêt de sapins, la seconde fois, il la porta à la pagode de Hiang-chan. Ce tigre est nommé King-mao, le tigre aux poils d’or.
D’autres fois elle tient un enfant dans ses bras, c’est une allusion à son prétendu pouvoir de donner des enfants aux femmes stériles, et en Chine on l’invoque partout sous le nom de
Koan-yng-song-tse. Koan-yng la pourvoyeuse d’enfants.
Très généralement on aime à la représenter assise à l’indienne, les jambes repliées, sur une large fleur de lotus, ou même sur un trône de feuilles de lotus : c’est une allusion à la légende qui
la fait aborder l’îlot de P’ou-t’ouo, assise sur des feuilles de lotus en guise de barque.
De nombreuses images nous la montrent portée sur les flots de la mer effectuant la traversée vers son île : c’est la Koan-yng-p’iao-hai.
Nous donnons ici la reproduction d’un tableau fameux désigné sous le nom de ‘la Koan-yng aux bambous’. Dans sa retraite sur la montagne de Kiang-chan, elle récite ses prières dans une
bambouseraie, Long-niu et Chan-tsai sont à ses côtés.
Le même ouvrage Yu-li-tch’ao-tchoan, qui est le traité officiel de la secte, sur l’enfer et sa constitution, rejette l’opinion du vulgaire, sur
la division de l’enfer en dix-huit étages souterrains et superposés, servant de lieux de supplices aux damnés. Voici la vraie division d’après sa doctrine :
L’enfer tout entier est partagé en dix sections, gouvernées par dix rois infernaux. La première section n’est guère que l’antichambre des cachots de tortures, et la dixième section peut être
considérée comme la porte de sortie de l’enfer, puisque c’est dans cette dernière que s’opère la réincarnation des âmes, qui ont déjà subi les peines méritées par leurs crimes. Il ne reste donc
en définitive que huit sections de tortures.
Chacune de ces huit sections comprend un grand enfer, et seize districts adjacents plus petits, nommés petits enfers. Tous ont des supplices variés. Si nous ajoutons à cette liste le lac de sang,
et la ville des suicidés, nous obtenons :
8 grands enfers + (8x16=128 petits enfers) + 2 à savoir: le lac de sang et la ville des suicidés = soit en total : 138 enfers grands et petits.
Une autre division de l’enfer bouddhique est donnée par l’ouvrage intitulé Koan-fou-san-mei-hai-king et est ainsi conçue :
Enfers des nez coupés : 18
Petits enfers : 18
Les enfers glacés : 18
Les enfers ténébreux : 18
Les enfers du chaud moyen : 18
Les enfers aux roues hérissées de poignards : 18
Les enfers aux roues armées de sabres : 18
Les enfers aux chars de feu : 18
Les enfers aux sources d’urine : 18
Les enfers des alènes et de l’eau bouillante : 18
Total : 10 x 18 = 180 enfers.
Ts’ing-koang-wang. Roi du premier secteur infernal.
Son tribunal est situé à l’ouest du mont Wo-tsiao-che, sous la grande mer. Les registres des vivants et des morts sont entre ses mains, de lui dépend la plus ou moins longue durée de la vie
humaine.
Un juste vient-il à mourir, ou simplement ce qu’on peut appeler un honnête homme, dont les fautes n’excèdent pas les mérites, ces sortes de personnes sont amenées par un bon esprit, et présentées
à son tribunal, puis expédiées de suite au tribunal des réincarnations, où elles sont changées en d’autres hommes, riches ou pauvres, heureux ou misérables, hommes ou femmes même, d’après
l’examen strict de leurs mérites antécédents.
S’agit-il d’un homme qui a fait plus de mal que de bien, on le fait monter sur la plate-forme dite : Yé-king-t’ai, Tertre du miroir des méchants.
Ce tertre a onze pieds de haut, et est surmonté d’un grand miroir de six ou sept pieds de tour, orienté vers l’est, et suspendu au-dessous d’une inscription horizontale, dont voici le sens : Nul
brave homme ne se regarde dans le miroir des vices.
L’âme des coupables, traînée par les diables devant cette glace mystérieuse, voit, d’une vision distincte, tout le mal dont elle s’est rendue coupable durant sa vie. Dès lors, elle est conduite
au second tribunal, pour y commencer la série de ses supplices.
A part les raisons de fidélité au prince, de piété filiale, de chasteté, ou d’une guerre juste, tout homme qui s’est suicidé, est sur l’heure conduit à Ts’ing-koang-wang, qui prend note du fait,
et renvoie le coupable au lieu de son suicide, où il devra errer misérablement, en lutte avec une perpétuelle agonie, en proie à la faim, à la soif, sans espérer d’avoir part aux offrandes et aux
sacrifices qui lui seront offerts. Son état misérable ne prendra fin que le jour où celui qu’il a eu l’intention de chagriner en se tuant par vengeance, ait oublié complètement tous les chagrins
qui en ont été la résultante. Alors seulement, il reconduit au premier tribunal par les esprits gardiens des portes et le dieu du foyer. De torture en torture il arrivera au neuvième secteur, où
se trouve la ville des suicidés : c’est là qu’il sera incarcéré. Nous parlerons de cette cité, en décrivant la neuvième section infernale.
Ce même roi punit aussi les bonzes négligents, qui, ayant reçu des honoraires pour prier, ont omis des lettres, ou se sont trompés ; il les incarcère dans le cachot nommé Pou-king-souo, prison de
supplément aux prières. Une méchante lampe ruineuse, mal alimentée, et dont la mèche minuscule s'éteint à tout moment, rend très pénible ce supplément au centuple des prières omises ou mal
récitées.