H. Doré : Recherches... Troisième partie : Popularisation des trois religions
Section III : Lao-tse et le taoïsme
A. VIE LÉGENDAIRE ET ILLUSTRÉE DE LAO-TSE. — B. LA DOCTRINE TAOÏSTE
Recherches..., volume XVIII. Variétés sinologiques n° 66, Zi-ka-wei, 1938. X + 230 pages + 16
illustrations.
A. VIE LÉGENDAIRE ET
ILLUSTRÉE DE LAO-TSE : I. Lao-tse avant Confucius : Les légendes du Hoa Hou-king. — II. Lao-tse après Confucius. Ses apparitions.
B. LA DOCTRINE TAOÏSTE : I. La cosmogonie taoïste. Cieux. Terres. Génies et Hiérarchie. — II. La théorie de l'Immortalité. La
pilule d'immortalité. — III. Génèse et exode de l'enfançon de l'Immortel. Moyens pratiques: hygiène, gymnastique, salive. — IV. Le Taoïsme moderne et ses moyens d'action.
Extraits :
La naissance de Lao-tse - La pilule d'immortalité - La gymnastique respiratoire
Les douze exercices fondamentaux de la respiration et de l'aspiration - Les tables
tournantes
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Avant la naissance de Lao-kiun, une brillante lumière apparut au-dessus de sa demeure, et
des dragons traversèrent les airs : c'était le signe de la sainteté de l'enfant qui allait naître. Vingt et une particularités signalèrent cette naissance.
1° Il descendit dans le sein de sa mère sous l'aspect d'une perle lumineuse et porté sur les rayons du soleil, pour symboliser l'énergie du principe actif Yang.
2° Il parut assis sur son char à neuf dragons, puis se changea en étoile filante, et pénétra dans la bouche de Hiuen-miao Yu-niu. Dans la ville de Fou-hien, du Po-tcheou la terrasse de l'Étoile
filante rappelle ce prodige. Ce tertre se trouve dans le temple T'ien-ts'ing-kong. Cette terrasse se nomme Lieou sing tan.
3° Sa naissance diffère de celles de tous les autres saints. Elle n'eut lieu qu'après 81 ans révolus, pour signifier les 9 apogées du principe actif : 9x9.
4° Un jour que Hiuen-miao Yu-niu sommeillait, elle vit en songe une perle précieuse descendant sur un faisceau de lumière : cette perle pénétra dans sa bouche, et Lao-tse fut conçu dans son sein.
Pendant ses 81 ans de gestation, elle conserva toute la fraîcheur de la jeunesse ; elle surabondait de joie, ces années s'écoulèrent heureuses et rapides : tout autant de présages que le fruit de
ses entrailles serait un saint.
5° Ni les chaleurs de l'été ni les froids de l'hiver ne se firent sentir dans sa demeure pendant tout le temps qu'elle porta cet enfant ; toute calamité fut écartée, elle coula ses jours dans un
parfait bonheur ; de plus, une merveilleuse clarté parut au-dessus de la maison qu'elle habitait.
6° Bien que conçu dans le sein d'une mère, l'enfant voulut en sortir par l'ouverture du côté gauche, pour bien marquer son pouvoir prodigieux.
7° Aussitôt après sa naissance, il fit neuf pas, et sous ses pieds sortirent de terre de magnifiques fleurs de lotus parfumées des plus suaves senteurs.
8° Le génie du soleil et la déesse de la lune dirigèrent sur lui des projections lumineuses ; de beaux nuages d'or et d'azur laissèrent tomber une pluie de fleurs. Au moment où Yu-niu prenait une
branche de prunier, Lao-tse sortit de son côté.
9° Des grues parurent dans les airs ; neuf dragons sortirent de terre, creusant neuf puits et vomissant l'eau pour le bain du nouveau-né. On voit encore ces neuf puits, en communication les uns
avec les autres ; ils se trouvent dans le temple de T'ai-ts'ing-kong, à Wei-tchen hien, au Po-tcheou (Lou-i-hien du Ho-nan).
10° Dès sa naissance, Lao-tse, d'une main montrant le ciel et de l'autre la terre, dit d'une voix forte : "Dans les cieux et sur la terre, rien de plus noble que le "Tao" ; en comparaison, toutes
les joies de ce monde ne sont que tristesse'.
11° A une époque où la vraie doctrine était oubliée, Lao-kiun eut compassion des misères de l'humanité, et résolut de naître en ce monde pour la sauver.
12° Pour manifester sa puissance d'une manière plus éclatante, il choisit une époque où la perversion était à son comble, afin de forcer tout le monde à croire en lui.
13° Lao-kiun voulut donner aux hommes la recette pour parvenir à l'immortalité ; dans ce but il composa la pilule d'immortalité. On peut voir encore dans son temple le puits et l'arbre près
desquels il combina la pilule d'or comestible.
14° Lao-tse se proposa le perfectionnement de l'homme à l'extérieur et à l'intérieur ; aussi, après la composition de la pilule d'or comestible, enseigna-t-il la manière d'emmagasiner l'air dans
l'organisme. Le temple Hiu-ou-t'ang, construit au lieu même où il fit cette expérience, a été réparé de siècle en siècle par tous les empereurs. Quiconque mettra en pratique cette merveilleuse
recette atteindra sûrement le bonheur des cieux.
15° Lao-tse, ayant achevé sa grande tâche, monta un cerf blanc et s'éleva au ciel. Dans son temple on peut voir encore l'empreinte des pieds du cerf, et le genévrier près duquel il se
trouvait.
16° Lao-tse naquit le 15 de la seconde lune, la 9e année du règne de l'empereur Ou-ting, 1316 av. J.-C., l'année Keng tch'en.
17° Lao-tse naquit dans le royaume de Tch'ou, à Kou-hien, dans la campagne de Lai-hiang, qui devait son nom au cours d'eau près duquel elle était placée. Le hameau de K'iu-jen-li fut sa terre
natale.
18° Durant les 9 jours qui suivirent sa naissance, Lao-kiun atteignit la taille de 9 pieds. Sur son corps ou comptait 72 marques d'une haute destinée et 81 signes de félicité : beaux sourcils,
bouche carrée, double ossature nasale, oreilles percées d'un triple tube auditif, cornes du front brillantes, etc.
19° Sa mère, après lui avoir donné naissance, s'éleva au ciel en plein jour, assise sur un char somptueux, entourée de tous les génies et de tous les immortels. Sous les T'ang, elle reçut le
titre honorifique de Reine du ciel primitif. Elle eut aussi son temple nommé "Tong-siao", au Nord du temple T'ai ts'ing-kong, à Wei-tchen-hien, et on peut y voir la terrasse d'où elle monta au
ciel.
20° Après l'ascension de Lao-kiun au ciel, les empereurs de toutes les dynasties : Tcheou Mou wang, Ts'in Che-hoang, Han Hoan-ti, Soei Wen-ti tinrent à honneur de restaurer ses temples, et
ordonnèrent à leurs officiers de faire graver sur pierre les actes de sa vie. C'est ainsi que fut élevée la stèle de Pien Chao, sous les Han, et la stèle de Hiué Tao-heng au temps des Soei.
21° Sa mère l'appela Lao-tse, Vieil Enfant, parce qu'il naquit avec des cheveux blancs. Dans le langage ordinaire, Lao, Vieux, marque la fin de l'existence, et Tse, Enfant, indique le début de la
vie: les hommes naissent enfants, puis vieillissent : mais Lao-tse voulut naître vieillard et redevenir jeune, afin de mieux faire comprendre aux hommes qu'il leur apportait la recette pour
rajeunir et atteindre l'immortalité. Au sens symbolique, Lao-tse signifie père et mère de tous les êtres, docteur de tous les saints. Tse a encore le sens de sage ; c'est l'appellatif d'honneur
des hommes illustres ; et parce que Lao-kiun existe depuis une infinité de Kalpas, c'est avec raison qu'on lui donne le titre de Vieillard. Lao-tse est l'Ancien Sage qui ne vieillit pas et ne
meurt pas.
Les ouvrages taoïstes décrivent par le menu les manipulations alchimiques en usage pendant
des siècles, dans les laboratoires des tao-che. Il est au moins curieux d'en avoir une idée, et nous croyons intéressant d'en donner ici un résumé succinct, avec l'indication des traités où se
trouvent de plus amples détails.
1° Le laboratoire.
L'appartement où se fait l'expérience doit avoir 30 pieds de long sur 16 pieds de large et 16 pieds de haut. Le toit est de paille ; les murs de terre sont parfaitement enduits à l'extérieur, et
percés de deux portes, l'une s'ouvrant à l'Est et l'autre au Sud. Des talismans sont collés sur les murs, des lames de sabre sont fixées menaçantes tout autour du toit, pour tenir à distance les
malins esprits, et on brûle une pilule chasse-démons.
2° Le fourneau.
Le fourneau est élevé au milieu du laboratoire ; sa hauteur est de 2 pieds 5 pouces au-dessus du sol, et la porte du foyer est tournée vers l'Est.
Cette porte de chauffage doit avoir 5 pouces de haut et 4 de large. Les parois de terre, épaisses de trois pouces, sont soigneusement enduites avec du mortier dans lequel on a mélangé du vin
chinois, des crins de cheval, des poils de bœuf, de daim et de cerf. Ce mortier est pétri avec de l'eau d'un cours d'eau orienté vers l'Est. Des barres de fer placées horizontalement et engagées
par leurs extrémités dans les parois du fourneau, forment le foyer sur lequel on dispose la marmite de terre contenant les substances composantes. Pour l'érection du fourneau, il est très
important de choisir un jour faste.
3° La marmite.
La marmite ou le creuset dans lequel on déposera les ingrédients chimiques, doit avoir les conditions requises indispensables pour le plein succès de la composition demandée. Elle ne doit pas
être en métal, mais en terre. Dans la pâte ou terre délayée, on mêlera les éléments ci-dessous énumérés : une huître mâle, un grillon, des crins de cheval très fins, du gypse (un genre de
plâtre), de l'argile rouge, des poils de chèvre très fins, du sel (sel gemme).
Ces matières, bien pétries et mêlées à la pâte terreuse, lui donnent une très grande solidité après un certain laps de temps. La marmite est façonnée avec cette pâte, qu'on étend sur ses parois
par couches très minces, peu à peu, pendant 100 jours, jusqu'à ce que l'épaisseur de la paroi atteigne un pouce et demi.
4° L'eau.
L'eau employée pour la cuisson des substances composantes de la pilule de vie doit être tirée ou d'un puits, ou d'un cours d'eau s'écoulant vers l'Est.
a. L'eau de puits.
On creuse un puits, et quand la source a rempli toute la partie inférieure, on le vide complètement, afin d'afin d'avoir de l'eau très pure. Mais cette eau peut avoir les propriétés du Yang ou du
In, suivant la composition des terrains et de la couche de terre qu'elle traverse.
Si l'eau sourd d'un terrain sablonneux, d'où elle s'échappe comme filtrée, elle a les propriétés du Yang. Si elle sort de terrains marécageux, boueux, elle a les défectuosités du In, et il sera
nécessaire dans ce cas de creuser le puits plus profondément, car cette eau serait impropre à l'opération chimique.
b. L'eau courante.
Comme il a été dit, elle doit être puisée dans un ruisseau on un cours d'eau s'écoulant dans la direction de l'Est.
Un rite religieux est accompli avant de puiser l'eau. L'opérateur récite un hymne en l'honneur des Esprits de la mer, des fleuves, des cours d'eau, des montagnes et du sol. Avant la récitation de
cet hymne, il verse dans le cours d'eau, en guise de libation, une coupe de vin de première qualité. Ce rite a pour but de rendre propices les divinités de la terre et des eaux, pour la pleine
réussite des manipulations alchimiques qui vont avoir lieu.
5° Eléments constitutifs de la pilule de vie...
b. Eléments constitutifs de la parfaite pilule d'immortalité neuf fois recomposée : Kieou-tch'oan-hoan tan : Sulfure de
mercure. Cinabre, Vermillon. — Sulfure d'arsenic rouge, Réalgar (As2 S2). — Quartz blanc, hyalin. — Sulfate de cuivre. — Quartz violet. Améthyste. — Plombagine (sorte d'encre avec laquelle les
femmes se noircissent les sourcils). — Nitre, Salpêtre (KAz O3). — Soufre. — Actinolite, Actinote. — Mica, Margarite. — "Dent de tigre". — Céruse (pour poudre de toilette). — Borate de soude. —
Sulfure d'arsenic, Orpiment. (As2 S3).
Le borate de soude Jong-yen, 5 onces, est déposé tout au fond de la marmite. Le cinabre est à la surface supérieure. On arrose le tout avec 3 livres de mercure, puis on ferme la marmite et on
procède à la cuisson.
6° Le chauffage.
On se sert de balle de riz ; on chauffe lentement, doucement, à feu très doux, surtout au début ; la cuisson dure cent jours. Quand la décoction est refroidie, après trois jours, on recueille
l'écume qui s'est formée au dessus du mélange, en se servant d'une plume de coq. Toutes les petites bulles de cette crème écumeuse, appelée Lang-kan hoa-tan sont des pilules de vie. Il suffit
d'en manger une once pour devenir Génie. Mais il n'y a que trois jours favorables dans une année ; ce sont : le 1er de la IVe lune, le 1er de la VIIIe lune, le 1er de la XIe lune.
7° La production de l'argent artificiel.
Kien : du plomb ; Choei-in : du mercure. A ces deux matières en ébullition, on ajoute 1/24 d'once de Long-kan hoa-tan, l'écume ci-dessus indiquée : instantanément on obtient de l'argent
artificiel.
8° Production de l'or artificiel.
Kien : du plomb ; Choei-in : du mercure. A ces deux ingrédients en ébullition, on ajoute 3/24 ou un huitième d'once de Lang-kan hoa-tan, et de suite l'or artificiel apparaît dans le creuset
!
9° Le traitement du cinabre.
...On le place dans une chaudière en fer avec un poids égal de charbon. On ferme hermétiquement l'appareil, après y avoir introduit l'extrémité d'un tube en fer, dont l'autre bout plonge dans un
bassin rempli d'eau : là viendra se condenser le mercure volatilisé par la chaleur.
10° Les 9 décompositions et les 9 recompositions.
Ici nous touchons à un axiome d'alchimie taoïste : "Un composé, décomposé puis recomposé, acquiert à chaque nouvelle recomposition, des qualités et une efficacité supérieures ; et le maximum
d'efficacité est obtenu après 9 recompositions successives." De là vient le nom donné aux pilules d'immortalité vraiment efficaces : Kieou-tch'oan kin-tan : pilules d'or potable neuf fois
recomposées, ou aux neuf recompositions.
Aussi les tao-che eurent-ils grand soin d'observer cette loi dans leurs manipulations chimiques, v. g. pour le traitement du cinabre, le décomposant et le recomposant sous l'action de la
chaleur.
Les tao-che alchimistes ont donné des noms spéciaux à la pilule de vie, suivant qu'elle est le produit d'une ou de plusieurs recompositions chimiques...
11° Le raffinage.
Après le traitement des matières composantes par l'action du feu, on doit rafraichir le composé ; voici les moyens employés, ordinaires.
1er moyen. — Après les neuf tours ci-dessus décrits, on introduit les éléments constitutifs dans un vase effilé, dont on
bouche l'orifice avec de la cire, Mi-la. Ensuite on entoure le bouchon avec une étoffe de soie qu'on lie solidement au col du vase, de façon qu'il soit maintenu bien bouché ; puis on le maintient
plongé dans l'eau fraîche pendant 14 jours ; après quoi on le passe au bain-marie pendant toute une journée. La drogue est alors retirée, refroidie, puis broyée dans un creuset, de façon à former
une farine très fine. On la mêle à la sève d'un arbuste nommé Ya-kiao-mou (espèce de mûrier), et on en fait des pilules, grosses comme des pois : ce sont les pilules de vie, les pilules
d'immortalité !
2e moyen, plus simple. — Les pilules sont confectionnées immédiatement après le refroidissement des matière composantes.
puis, avant de les manger, on suce du réglisse, Kan-ts'ao, ou on les avale avec quelques gorgées d'une décoction de réglisse.
12° Mode d'usage.
Sept de ces pilules sont offertes en sacrifice au Ciel, sept autres en sacrifice à la terre, et encore sept autres aux Esprits stellaires. Le candidat, avant de manger ces pilules, doit prendre
un bain et observer l'abstinence, puis, le matin, le visage tourné vers l'Est, il mange une pilule, qu'il avale avec un peu d'eau de puits, ou de la manière dont nous venons de parler.
Quelquefois, après avoir bien broyé les éléments traités par la cuisson, on y mêle de la pulpe de jujube, Tsao-tse, réduite en pâte, en bouillie, puis on roule le tout de façon à en former des
pilules.
13° Effets produits dans le corps humain.
Souvent les effets produits par ces pilules sont, de prime abord, terrifiants : coliques atroces, diarrhées, maux d'estomac, convulsions, bref, tous les symptômes de l'empoisonnement. Et certes,
ce n'est pas chose surprenante, si on considère les propriétés des composants : v. g. sulfure d'arsenic, vert de gris etc... Ces pilules de vie sont de vraies pilules de mort. Aussi combien ont
trouvé le trépas en cherchant l'immortalité !
14° Contre-poison.
Les alchimistes, en constatant les terribles ravages exercés sur le corps humain par leur drogue, ne se découragèrent pas, bien au contraire. Ne fallait-il pas expulser de ce corps grossier,
matériel, tous les éléments impurs, pour le clarifier, le subtiliser, le rendre transparent comme un cristal, léger de manière à voler dans les airs ? Les tao-che donnaient ces effets du poison
pour un gage de succès ; ils avisèrent à préparer un médicament qui hâterait l'heureux terme de l'épreuve, et conjurerait les effets douloureux qui se manifestaient après la manducation de la
pilule. Ce contre-poison fut nommé : Yu tan san, vulgo Kiai-tan yo tou.
...Les ingrédients triturés dans un mortier et réduits en poudre sont mêlés et absorbés dans du mi-t'ang (eau de riz), à la dose de 2/10 d'once à chaque potion, jusqu'à guérison
complète.
On a coutume de donner le nom de gymnastique respiratoire au système d'aérothérapie taoïste.
Dans le langage de l'école, il est nommé le "bain du cœur' ou le "bain d'air". Il faut déboucher et nettoyer le tube conducteur de l'air et du Yang, ces deux grands réparateurs de l'organisme. Ce
nettoyage s'effectue à l'aide du feu du cœur et de l'eau du dos : alors, les deux portes de l'épine dorsale se trouvent en communication avec les lobes du cerveau et les parties inférieures du
bas ventre ; au centre, les communications sont rétablies entre le cœur et le rein ; le Yang et l'air peuvent librement circuler par tout le corps ; le terrain est préparé pour l'exercice
respiratoire. Le souffle a précédé l'existence de mon corps, et il cesse avant la mort de mon corps, ou plutôt son extinction amène la mort ; il est donc de la plus souveraine importance de lui
établir une libre voie de communication.
L'enfant dans le sein maternel a reçu la vie par l'insufflation de sa mère, et celle-ci avait reçu, par l'entremise du ciel et de la terre, le K'i, l'air du grand vide. L'origine de la vie est
donc l'entrée en communication avec l'air du grand vide, par l'entremise du souffle de la mère, inoculé à l'enfant. La respiration maternelle joue le rôle d'un soufflet, qui, adapté sur le
nombril de l'enfant, lui insuffle l'air du grand vide ; cet air pénètre dans le rein, remonte l'épine dorsale, entre dans l'occiput, forme les lobes du cerveau, puis redescend et donne naissance
aux deux fosses nasales ; de là vient son nom d'"ancêtre du nez". Peu-à-peu il s'établit une communication régulière entre la respiration de l'enfant et celle de sa mère, et par le fait même, une
participation à l'air primitif du grand vide. Quand les voies respiratoires sont bien établies et que l'air peut circuler librement, quand l'enfant devient capable d'exercer par lui-même les
fonctions respiratoires, la matrice s'ouvre, et la naissance s'ensuit ; c'est alors qu'on coupe le cordon ombilical. Le nouveau-né vit de sa vie propre, son souffle ne communique plus avec celui
de sa mère, et cette scission a interrompu les communications entre son souffle et le grand courant d'air émané du ciel et de la terre : il demeure par le fait exclu de la sphère d'influence du
principe producteur de la vie éternelle.
Lao-tse est venu enseigner aux hommes, l'art de renouer les communications avec le souffle du ciel et de la terre, pour participer de nouveau au grand bienfait de l'immortalité : tel est le but
pratique de la gymnastique respiratoire. C'est par le nez que l'homme se relie au courant de vie émané du grand vide ; par l'expiration il expulse son propre souffle, et par l'aspiration il
attire dans ses fosses nasales le souffle vivificateur du ciel et de la terre. Le point délicat pour lui, c'est de rattacher ce nouveau courant avec les restes de l'air primitif, que sa mère lui
a soufflé dans le nombril. Or cette réserve d'air se trouve dans la mer d'air du bas ventre, au-dessous du nombril ; la colonne d'air aspiré doit donc descendre assez bas pour se souder avec lui
: de la sorte, le courant de vie interrompu par en bas se trouve rétabli par en haut, et l'immortalité est de nouveau assurée. La plupart des hommes ignorent cette théorie ; l'air aspiré descend
dans la gorge, pénètre dans la poitrine, mais ne descend jamais dans le ventre ; aussi le courant n'est pas rétabli, et la vie est instable. De tels hommes peuvent être comparés au poisson, qui
aspire l'air, l'introduit dans sa gorge et le rejette aussitôt par les ouïes. Tchoang-tse a dit quelque part : La majorité des hommes ne font pénétrer l'air que jusqu'au fond de la gorge ; si cet
air pouvait descendre jusqu'au fond de la poitrine, et suivant l'épine dorsale, parvenir au Ming men (à la porte de la vie), dans le bas ventre, il renouerait communication avec le souffle de
leur mère, et ces deux airs s'uniraient comme deux aimants qui se collent l'un à l'autre. Le Tchen jen (héros, Immortel du second degré) peut faire descendre son souffle jusqu'à ses pieds, et
renouveler constamment par l'aspiration cette réserve d'air primitif qui tend à s'exhaler par le souffle.
Ce fut ce souffle maternel qui engendra dans le corps de l'enfant le rein et le cœur. Le cœur ressemble à une fleur de nénuphar dont le rein serait la racine ; la racine et la fleur sont reliées
par une tige creuse de 8 pouces 4 lignes de longueur ; juste au milieu se trouve une cavité de 1 pouce 2 lignes ; or le feu du cœur et l'eau du rein ont une tendance constante à entrer en
communication. Le cœur, c'est le ciel ; le rein, c'est la terre ; donc, en aspirant l'air du ciel et de la terre et en le mettant en communication avec le courant du rein au cœur, dans la cavité
médiane entre ces deux organes, on a un courant continu entre l'air du ciel et de la terre et la première effluve infusée à l'aurore de la vie. Debout ou couché, il faut toujours avoir grand soin
que ces tubes d'air restent bien libres, du nez jusqu'aux fosses de l'épine dorsale, et de ces dernières jusqu'au canal intermédiaire entre le cœur et le rein, afin que l'air primitif puisse être
en perpétuelle communication avec le grand courant émané du grand vide.
L'homme est un arbre sans racines ; il repose sur l'air comme l'arbre sur ses racines ; à l'instant même ou le souffle manque, il meurt. L'art de retenir en soi-même la racine de la vie éternelle
est donc l'art de ne pas laisser tarir, mais d'alimenter sans cesse, le souffle reçu de la mère, et émané du grand vide.
1° Respirer fortement par le nez, à trois reprises, pour faire pénétrer l'air dans les
poumons ; et se courber trois fois, de manière à serrer ses orteils avec ses deux mains.
2° Respirer trois fois par le nez, saisir trois fois son pied droit entre ses mains et se masser trois fois les mollets.
3° Respirer trois fois par le nez, puis saisir fortement, à trois reprises, son pied droit avec la main droite, son pied gauche avec la main gauche.
4° Respirer trois fois par le nez, s'asseoir, puis secouer trois fois son pied droit et trois fois son pied gauche, avec les deux mains.
5° Aspirer l'air par le nez à trois reprises, lever les bras et joindre les mains au dessus de la tête trois fois ; lever une seule main en l'air, en tenant le bras gauche serré sur sa poitrine,
par trois fois.
6° Aspirer l'air par les narines à trois reprises, puis trois fois joindre les mains derrière le dos, les passer par dessus la tête et les abaisser jusqu'à terre.
7° Aspirer trois fois l'air par le nez, puis introduire sa main gauche dans sa manche droite, saisir son coude droit, et, de la main droite, saisir son menton.
Le même exercice en sens contraire avec la main droite introduite dans la manche gauche, en se prenant le menton avec la main gauche. Répéter trois fois cet exercice.
8° Respirer trois fois par le nez, puis étendre les bras comme les ailes d'un oiseau et les agiter, imitant le battement des ailes.
9° Respirer trois fois par le nez, ensuite joindre les mains derrière le crâne et se balancer la tête de gauche à droite, à trois reprises.
10° Aspirer l'air par le nez, profondément et par trois fois ; joindre les mains au-dessus de la tête et se balancer de gauche à droite, de droite à gauche.
11° Joindre les mains, se frotter le nez 21 fois en respirant l'air par les narines.
12° Frictions sèches. Se frotter fortement les mains l'une contre l'autre, puis se frotter les yeux, le nez, la bouche, les tempes, les joues, la nuque, la poitrine et toutes les parties du
corps, pour activer la circulation du sang, et réveiller le système nerveux et musculeux de son engourdissement.
1° Le point d'appui. — Un grand bol à riz, placé sur le pavé d'une chambre,
sert de support et de base à la machine tournante. Le bol est rempli d'eau claire, et sur la surface du liquide, on dépose respectueusement une inscription écrite sur papier rouge ou jaune.
Quatre caractères la composent : "Fei-long-ki-k'ing" : Au Dragon volant, joyeuses félicitations. Le Dragon "Long", roi des eaux salées et des eaux douces, maître des nuées du ciel, est vénéré en
Chine comme le dispensateur des pluies ; il a le pouvoir de voler, "fei", dans les nuages, et de les condenser en pluie à son gré.
Le bol, rempli d'eau et muni de son talisman, sera comme le pivot central sur lequel tournera la grossière table chinoise.
2° La table et les talismans. — On commence par renverser la table les quatre pieds en l'air ; puis on applique le milieu de la surface supérieure sur l'orifice du bol, de
manière à maintenir la table en équilibre. Quand elle demeure bien stable sur son point d'appui, on colle un talisman sur chacun de ses pieds.
Les talismans chinois, on le sait, sont des ordres officiels, émanés des dieux supérieurs ou des chancelleries diaboliques, et enjoignant pour des cas particuliers, aux dieux et aux génies
subordonnés, une prompte obéissance. Dans ces pièces transcendantes, style et graphique sont soumis à des lois de convention, établies par les tao-che, et énumérées dans le volume V des
Recherches sur les Superstitions en Chine.
Pour le cas qui nous occupe, les quatre talismans-édits collés sur les pieds de la table consistent en caractères chinois juxtaposés, savamment enchevêtrés, et formant quatre grimoires dont le
sens est le suivant :
« Ordre des hautes puissances diaboliques aux génies des cinq éléments : or, bois, eau, feu, terre, (sous-entendu : de faire tourner la table).
Ces quatre pièces officielles diffèrent comme forme graphique, mais le sens est le même.
3° Le formule d'incantation.
« Le Ciel commande à l'eau, aux trois masses d'eau formées par le métal. Cette eau, trine comme habitat, n'est qu'une de sa nature. Les grands diables ordonnent aux petits diables, l'antique
souverain de la montagne sainte de T'ai-chan et son fils, Son Altesse Ping-ling-wang, commandent à cette table de tourner ; qu'elle tourne à rebours ou dans le sens voulu, mais qu'elle tourne !
Si elle refuse de tourner, que Wang Ling-koan la frappe à coups redoublés de son fouet d'acier, et l'oblige à tourner au plus vite !
Cette formule taoïste fait allusion à la théorie de la formation des "cinq éléments". La rosée se serait formée sur des corps métalliques pendant la fraîcheur de la nuit : d'où il faudrait
conclure que l'or ou le métal en général a engendré l'eau.
Les génies invoqués ici sont des génies taoïstes : le dieu du pic sacré de T'ai-chan au Chan-tong ; son fils Ping Ling-wang ; Wang Ling-koan, le gardien des temples taoïstes. Comme on le voit,
cette formule est en conformité exacte avec la doctrine des tao-che, et purement chinoise, sans allusion au bouddhisme. C'est donc vraiment ici la méthode et les moyens chinois employés pour la
pratique des "Tables tournantes".
4° Le mode d'opération. — Le lecteur de l'incantation se place à une certaine distance de la table et tourne autour d'elle, en chantonnant sa formule. Quatre hommes touchent de
la main chacun l'un des pieds de la table. Celle-ci commence alors son mouvement de rotation, entraîne les mains de ceux qui la touchent, et se met bientôt à tourner avec une telle rapidité,
qu'ils ne peuvent plus la suivre : ils la lâchent, et elle continue à tourner très rapidement. Pourtant on avouera que le pivot sur lequel elle repose n'est guère favorable à ce mouvement de
rotation : car, ne l'oublions pas, c'est le milieu supérieur de cette lourde table qui repose sur le large orifice d'un bol.