Jean-Jacques Marquet de Vasselot (1871-1946)
et Marie-Juliette Ballot (1868-19xx)
Musée du Louvre
LA CÉRAMIQUE CHINOISE
Éditions Albert Morancé, Paris, 1922. Collection des documents d'art. Deux albums :
- De l'époque des Han à l'époque des Ming : 32 pages + 40 planches dont 28 en couleurs.
- De l'époque de K'ang-hi à nos jours : 32 pages + 44 planches dont 32 en couleurs.
- "Grâce aux poteries archaïques, acquises depuis peu d'années, qui sont venues se joindre aux porcelaines du XVe au XVIIIe siècle de la collection Grandidier, on peut maintenant étudier dans son ensemble l'art de la céramique chinoise au Musée du Louvre. C'est ce que nous nous proposons d'entreprendre sommairement dans ces quelques pages, avec l'aide des planches qui reproduisent les pièces principales."
- "L'art de la poterie en Chine remonte sans doute à la plus haute antiquité, mais il ne nous est connu pour les périodes les plus anciennes que par des traditions légendaires. On a retrouvé dans les anciennes sépultures quelques spécimens datant de la dynastie des Tcheou (1122-255 av. J.-C.). Ce sont des objets utilitaires, de formes hiératiques, avec des ornements symboliques. On ne peut commencer vraiment l'histoire de la céramique chinoise que sous la dynastie des Han."
-
"La période qui commence avec le règne de l'empereur K'ang-hi (qu'on pourrait appeler le Louis XIV de l'Empire du Milieu) correspond à une ère nouvelle dans le
développement de la céramique chinoise. Sous les dynasties précédentes, et notamment sous celle des Ming, les potiers avaient progressivement amélioré la technique de leur art ; à partir du
règne de K'ang-hi ils la portèrent à un degré de perfection qui n'avait jamais été atteint et qui sans doute ne sera jamais dépassé. Le XVIIe et le XVIIIe siècle ont été « l'âge d'or » de la
porcelaine chinoise.
Le Louvre est l'un des musées où l'on peut étudier le plus facilement la céramique de cette époque. M. Grandidier s'était, en effet, appliqué à constituer pour les règnes de K'ang-hi, de Yong-tcheng et de K'ien-long des séries aussi abondantes que variées ; sa magnifique collection (donnée par lui en 1894) est l'une des plus complètes de l'Europe. "
Extraits : L'époque des Ming (1368-1643) - L'époque de K'ang-hi (1662-1722)
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Hong-wou (1368-1398), le fondateur de la dynastie chinoise des Ming, était le fils d'un laboureur. S'étant mis à la tête des rebelles soulevés contre les Mongols, il s'empara de la capitale,
Nankin, en 1355, mais ne se proclama empereur qu'en 1368. Ce fut sous son règne que les fours impériaux de King-tö-tchen furent réouverts ; leur nombre total fut alors seulement de vingt ; mais
bientôt la ville devint le grand centre céramique de la Chine.
Kien-wen (1399-1402), petit-fils de Hong-wou, fut dépossédé par son oncle Yong-lo (1403-1424) qui transféra la capitale à Pékin en 1408, ajouta à l'empire le Tonkin et la Cochinchine et fit des
conquêtes en Tartarie. Il encouragea les arts et la littérature, mais sachant que son neveu Kien-wen était protégé par les prêtres bouddhistes, il renouvela les anciennes lois contre cette
religion. Parmi les rares porcelaines authentiques de cette époque, on cite les briques blanches de l'étage inférieur de la tour de Nankin, démolie en 1854.
Le règne de Siuan-tö (1426-1435) est regardé par les Chinois comme la plus brillante période de l'art céramique ; les fours employés pour la cour à King-tö-tchen, en comptant ceux en dehors de la
fabrique impériale, atteignirent le nombre de cinquante-huit. Beaucoup de formes nouvelles furent inventées et la décoration en glaçures de diverses couleurs semble dater de ce règne. On
appréciait surtout la porcelaine bleue et blanche dont la qualité était due à un bleu importé, nommé « su-ni-po », « su-po-ni » ou « su-ma-ni », qui ne serait autre que le bleu musulman du siècle
suivant. L'importation de ce bleu était irrégulière, et cessa à la fin du règne.
Sous Tcheng-t'ong (1436-1449) des guerres troublèrent l'empire et la direction officielle de la fabrique impériale fut abolie, les potiers ayant
été enrôlés comme soldats. En 1449, l'empereur fut fait prisonnier par le Tartare mongol Ye-seen, descendant des Yuan ; son frère King-t'ai (1450-1456) prit sa place. Tcheng-t'ong, ayant été
délivré, remonta sur le trône sous le nom de T'ien-chouen (1457-1464) ; il rétablit la fabrique impériale et son directeur.
La période de Tch'eng-houa (1465-1487) est aussi célèbre pour sa porcelaine que celle de Siuan-tö ; les pièces bleues et blanches sont peut-être moins belles ; mais les polychromes semblent bien
supérieures. Les dessins en étaient fournis par des artistes du palais. En 1476 le travail fut suspendu de nouveau à la manufacture impériale et la direction officielle supprimée.
À partir du milieu du XVe siècle des porcelaines de Chine figurent parmi les présents faits aux souverains d'Europe par les sultans d'Égypte : en 1442 au doge Foscari ; en 1447 à Charles VII, roi
de France ; en 1461 au doge Malipiero ; en 1476 à Catherine Cornaro ; en 1487 à Laurent de Médicis ; en 1490 au doge Barbarigo, et en 1498 à la Seigneurie de Venise.
Ces porcelaines furent très appréciées en Italie ; on connaît les nombreuses recherches faites pour les imiter : à Venise en 1470, 1504 et 1519, puis à Ferrare de 1567 à 1569. Ces essais finirent
par susciter la célèbre « porcelaine des Médicis », exécutée à Florence en 1580, sur les ordres du duc François Ier.
Les pièces authentifiées les plus anciennes que nous connaissions datent du règne de Hong-tche (1488-1505). Ce sont les bols bleus et blancs donnés en 1506 à l'amiral Sir Thomas Trenchard par
Philippe d'Autriche, quand il relâcha à Weymouth ; l'un deux a reçu une monture en argent doré.
Sous Tcheng-tö (1506-1521), la fabrique impériale fut réouverte et la direction officielle rétablie. C'est alors qu'apparaît le véritable « bleu musulman », qui valait deux fois son poids d'or ;
comme les ouvriers volaient ce produit pour le vendre aux manufactures privées, des mesures sévères furent prises sous le règne suivant pour arrêter ces détournements, et cette matière précieuse
fut uniquement réservée à la fabrique impériale. La Chine avait de fréquents rapports avec les pays voisins et, bien qu'elle ait influencé leurs poteries, elle dut aussi se plier à leurs
exigences : on exécuta notamment des pièces pour la Perse, avec des inscriptions musulmanes. La fabrique impériale fut très active sous le règne de Kia-tsing (1522-1566), surtout pour les
porcelaines bleues et blanches, où le bleu préféré était toujours le bleu musulman ; les porcelaines polychromes semblent plus rares. L'exportation augmenta encore et l'influence de la céramique
chinoise se fit sentir jusqu'en Europe. Les Portugais, arrivés en Chine pour la première fois en 1516, obtinrent alors la permission d'établir une factorerie à Macao et l'Europe put recevoir
directement les porcelaines chinoises. Il faut peut-être attribuer à ce règne le bol légué au New College d'Oxford par l'archevêque Warham († 1532).
Le règne de Long-k'ing (1567-1672) est presque nul pour la céramique, car la fabrique impériale, dévastée par le feu et l'inondation, ne fut
rétablie qu'en 1672.
Au contraire, le règne de Wan-li (1573-1619) est très important pour nous, étant donné le grand nombre de pièces de cette époque que nous possédons. Pourtant la fabrique impériale souffrait
encore des malheurs du règne précédent et les commandes du palais avaient été réduites ; d'autre part le bleu musulman n'arrivant pas régulièrement, on dut se contenter du bleu indigène. Il
existe dans les musées occidentaux des pièces avec montures en orfèvrerie du XVIe siècle qui datent probablement du règne de Wan-li ; mais la série la plus importante que l'on puisse citer avec
quelque certitude serait celle (cinq cents pièces) de la mosquée d'Ardebil, en Perse, construite de 1587 à 1628.
Ce fut en 1579 que les jésuites (dont l'influence devait plus tard être si grande en Chine) arrivèrent à Canton. En 1595, les navires hollandais firent leur premier voyage aux Indes Orientales et
la Compagnie Hollandaise fut fondée en 1602 ; en 1616 elle possédait 37 voiliers et 3.000 hommes de troupe. La Compagnie Anglaise établie en 1599 ne fit pas alors de commerce direct avec la
Chine, à cause de la concurrence des Portugais et des Hollandais.
L'empereur Wan-li mourut de chagrin en voyant l'envahissement des Tartares mandchous, qui devaient finir par l'emporter sur la dynastie chinoise, dont les quarante dernières années furent très
troublées. Les ordres impériaux pour la céramique firent alors défaut et les potiers vécurent surtout des commandes étrangères ; les plus importantes furent celles de la Compagnie Hollandaise des
Indes, qui eut pour ainsi dire le monopole du commerce dès 1641, ayant chassé les Portugais de Malacca et du Japon.
Sous la période des Ming, les formes et les décors de la céramique furent extrêmement variés. Les potiers fabriquèrent de
minuscules boîtes et de délicats porte-pinceaux aussi bien que des jarres et des sièges de jardins ; les maisons elles-mêmes se couvrirent de tuiles ornementées, tandis que les temples reçurent
des statues de dieux, des brûle-parfums et des vases d'autel.
Les poteries à émail monochrome furent moins nombreuses ; le décor en émaux ou glaçures de différentes couleurs (déjà signalé dès l'époque des T'ang) pris plus d'importance. Une grande place fut
aussi réservée à la décoration peinte, qui avait fait son apparition sous les Song. Au commencement de la dynastie, la peinture fut seulement exécutée en bleu sur fond blanc ; à la fin du XVe et
au commencement du XVIe siècle, apparut le décor en diverses couleurs, sur fond blanc ou coloré. Pour satisfaire sa clientèle la Chine dut alors, comme nous l'avons déjà indiqué plus haut, se
plier aux formes et aux décorations étrangères.
Sous les Ming, la porcelaine fut généralement d'une terre blanche et fine, de grain serré, d'une surface presque onctueuse au toucher, devenant souvent brunâtre à la chaleur du four, dans les
parties sans émail.
La couverte, épaisse et solide dans les pièces les plus anciennes, était posée de trois façons : 1° par immersion ; 2° étendue avec une brosse ; 3° soufflée au moyen d'un bambou dont l'extrémité
était garnie d'un morceau de gaze tendue. Quand elle est blanche, la couverte est rarement d'un blanc mat, mais plutôt verdâtre ; sa surface présente souvent des aspérités nommées « grains de
millet » ou « chair de poule » ou de petits trous dits « écorce d'orange ».
Époque des Ming (1368-1643). De gauche à droite : A13. Kouan Yin, déesse bouddhique. XVe siècle. — A14. Lang Ts'ai-ho, divinité taoïque. L'un des huit Immortels. Vers 1500. — A19. Personnage montant à cheval. XVIe siècle. — A21. Kouan-ti, dieu taoïque de la guerre. XVIIe siècle. — Émaux de diverses couleurs.
On finissait les pièces par le pied, qui était creusé et sur lequel on ajoutait la marque en la couvrant d'un peu d'émail. Le rebord du pied a une section nette, sans la moulure que l'on
remarquera plus tard sous les œuvres de l'époque de K'ang-hi. Dans les grandes pièces, la base reste souvent non émaillée ; mais elle est presque toujours émaillée dans les petites, sauf pour les
produits d'exportation qui ont une surface granulée et des lignes rayonnantes provenant du tournage. La base des bols Ming présente parfois la forme conique qui caractérise aussi les bols
Song.
Les principaux motifs de l'ornementation sont encore les dragons, les phénix, les poissons, auxquels s'ajoutent les rinceaux fleuris, les divinités taoïques, les paysages, les scènes de romans,
etc. La technique comporte déjà la dorure, ainsi que la décoration ajourée et celle en pâte sur pâte, réservée en biscuit.
Sous les Ming, la division du travail était pratiquée et la décoration d'une même pièce était répartie entre plusieurs peintres. Ce système était surtout en usage à la manufacture impériale. On
connaît les noms de deux ou trois potiers pour les derniers temps de la période Ming.
King-tö-tchen devint alors le grand centre de la fabrication de la porcelaine et on peut croire, avec M. Hobson, qu'à partir de cette époque les
neuf dixièmes de la porcelaine chinoise furent faits dans cette ville. Les autres fabriques avaient disparu ou déclinaient, sauf celle de Tö-houa, dans la province de Fou-kien, qui d'ailleurs
remonte seulement à la dynastie des Ming, époque où elle était déjà célèbre pour ses blancs.
Avec les pièces datant des Ming on se trouve enfin en présence de marques véritables, généralement peintes en bleu sous couverte ; ce sont principalement des marques dynastiques à six caractères
ordinaires, l'écriture de sceau n'ayant été guère employée qu'à partir du XVIIIe siècle. Malheureusement ces marques ne constituent jamais une preuve d'authenticité, et ne peuvent même pas servir
de base à un classement chronologique, car les Chinois ont très souvent marqué leurs pièces des noms des règnes antérieurs. Les nien-hao de Siuan-tö et de Tch'eng-houa furent les plus
plagiés, surtout sous K'ang-hi ; ceux de Kia-tsing et de Wan-li le furent principalement par les imitateurs japonais. Les pièces de style Ming, faites sous le règne de Yong-tcheng et plus
récemment, portent la marque du style qu'elles imitent. On trouve aussi sous les Ming quelques marques de potiers et des marques de maison.
À partir de l'époque des Ming on peut diviser la céramique chinoise en deux grandes classes : les pièces sans décor peint et celles à décor peint, qui se subdivisent elles-mêmes en d'autres
séries, dont nous allons indiquer les principaux caractères.
Pièces sans décor peint
I. Glaçures monochromes. — Les monochromes des premiers temps de la période des Ming sont difficiles à distinguer des monochromes de celle des Song, les mêmes
fabriques ayant continué à travailler ; le blanc ting se fabriquait à King-tö-tchen, et le tchün était imité à Yi-hing par un potier nommé Ou.
Les manufactures de Long-ts'iuan furent transportées à Tchou-fou, mais la qualité des céladons baissa peu à peu et leur fabrication se termina avec la dynastie. On dit que les céladons Song sont
de couleur plus bleuâtre, tandis que ceux des Ming sont plus vert-gris et ont l'anneau rouge (provenant du support pour la cuisson) sous la base ; ces affirmations doivent être acceptées avec
réserves (planches A11 et A12 ci-dessus).
Quelquefois un émail coloré, non craquelé, est posé sur un émail grisâtre craquelé. Outre le blanc et le céladon, les monochromes Ming comprennent : le bleu, le bleu de ciel, le bleu marbré, le
brun lustré, le turquoise, le vert, le jaune et l'aubergine, avec ou sans dessins gravés dans la pâte. Ces couvertes, présentant les mêmes caractères sous tous les règnes, sont assez difficiles à
dater (planche A12).
II. Glaçures de diverses couleurs. — La décoration en glaçures de diverses couleurs ne semble apparaître que sous Siuan-tö (1426-1435) ; mais suivant le Dr
Bushell elle remonterait au XIIIe siècle. Ce procédé fut employé aussi bien pour des sièges de jardin en forme de tonneau que pour des vases et des potiches. Les motifs sont ajourés, gravés ou
cernés d'un filet d'argile en relief qui contient la couleur, rappelant l'aspect des émaux cloisonnés (planches A15, A16, A17, A18 ci-dessous).
Époque des Ming (1368-1643), vers 1500. De gauche à droite : A15a. Fleurs de lotus au-dessus des flots. — A15b. Les huit Immortels, divinités taoïques. — A16. Fleurs de lotus. — A17. Dragons poursuivant des perles. Sur le couvercle, Tcheou-lao, dieu taoïque de la longévité. — A18. Trois empereurs à cheval. — Émaux de diverses couleurs. Décor en relief.
Dans les pièces modelées, comme les statuettes de dieux, de lions, d'oiseaux, etc. (planches A13, A14, A19 ci-dessus) les diverses couleurs sont
appliquées séparément sur les vêtements, plumages, etc.
Ces couleurs sont toujours des émaux plombifères colorés avec des oxydes métalliques ; ce sont généralement : un bleu-violet foncé (variant du noir au brun), un vert-feuille, un turquoise et un
jaune. Le blanc est obtenu par un vernis incolore, par un engobe blanc, ou simplement par des réserves en biscuit.
M. Vogt nous apprend que ces émaux sont analogues à ceux employés pour la décoration des porcelaines cuites au feu de moufle, mais ne contiennent pas d'alcalins ; aussi exigent-ils une
température plus élevée pour s'étendre en couche bien unie sur la porcelaine.
Ce genre de décoration, très employé pendant le XVIe siècle, survécut à la dynastie des Ming, mais déclina graduellement.
Pièces à décor peint
I. Décor en bleu sur blanc. — La décoration en bleu de cobalt (couleur de grand feu), sous couverte, fut employée pendant toute la dynastie des Ming. La
peinture était posée sur la porcelaine crue, puis la pièce recevait la couverte incolore et était mise au four.
Plusieurs teintes de bleu se rencontrent pendant cette période ; mais la plus belle est (comme nous l'avons déjà dit) celle qui a reçu le nom de « bleu musulman » ; ce bleu apparaît pour la
première fois sous Siuan-tö (1426-1435) ; on a dit, mais sans aucune preuve, qu'il était de teinte pâle. Puis on ne le retrouve que sous Tcheng-tö (1506-1521) et Kia-tsing (1522-1566) ; il est
alors mélangé avec le bleu indigène, qui l'empêche de couler, et il est très foncé. Il devient plus rare sous Wan-li (1573-1619) et disparaît complètement avec la dynastie des Ming.
Le bleu indigène, qui est terne et grisâtre, est noté comme ayant été très beau sous Tch'eng-houa (1465-1487) ; il aurait alors été le seul employé.
Sous Wan-li les teintes de bleu sont très nombreuses ; elles vont du bleu pâle à l'indigo, mais en général les pièces fabriquées pour l'exportation semblent plus pâles que celles faites pour la
Chine.
Époque des Ming (1368-1643). Décor peint, bleu sur blanc. De gauche à droite : A24. Émail mat craquelé. Première moitié du XVIe siècle. — A25. Émail craquelé. Milieu du XVIe siècle. — A26. Double gourde. Les huit Immortels. Époque de Wan-li (1573-1619). — A28. Le réveil de la jeune beauté. XVIIe siècle. — A29. Les huit Immortels regardant un dragon dans les nuages. XVIIe siècle.
II. Décor polychrome. — Les pièces polychromes des Ming sont généralement divisées en deux séries qui ont
reçu les noms, d'ailleurs assez peu justes, de « trois couleurs » (san ts'ai) et « cinq couleurs » (wou ts'ai).
Les « trois couleurs » sont peintes sous la couverte ; les vieux textes chinois les confondent avec la série des « glaçures de diverses couleurs ». Elles comprennent un vert, un jaune et un
violet-aubergine. Cette décoration, qui semble apparaître sous Siuan-tö (1426-1435), est surtout citée sous Tch'eng-houa (1465-1487) puis sous Hong-tche (1488-1505), où les fonds d'un jaune pâle,
parfois légèrement marbré et pointillé, étaient très estimés. Sous Kia-tsing (1522-1566) les couleurs sont le turquoise, l'aubergine, le vert et le jaune (planche 30).
Sous Wan-li (1573-1619) les « trois couleurs » existent encore ; mais peu à peu les dessins gravés sont remplacés par des dessins à contours peints. On y voit souvent le sujet des chevaux marins
dans les flots, qu'on trouve aussi sur des pièces de K'ang-hi (planche 35).
Les « cinq couleurs », qui commencent à paraître sous le règne de Kia-tsing, furent surtout couramment employées sous celui de Wan-li. La porcelaine crue recevait généralement une première
décoration en bleu, quelquefois en rouge quand le rouge était de cuivre, ces deux couleurs étant de grand feu ; ensuite elle était enduite d'une couverte blanche ou incolore et cuite une première
fois ; puis elle était peinte avec des émaux colorés, fixés par une seconde cuisson au feu de moufle.
On s'était d'abord servi de ces couleurs émaillées pour rehausser les fonds et le ton bleu ; mais peu à peu elles prirent la première place dans la décoration polychrome ; ce changement
caractérise surtout la période de Wan-li.
Le rouge-corail ou rouge de fer est nouveau à cette époque ; son emploi fréquent a fait quelquefois donner le nom de « famille rouge » aux pièces polychromes de la fin de l'époque des Ming.
Époque des Ming (1368-1643). Décor peint polychrome. De gauche à droite : A30. Dragon dans les nuages/Pivoines. XVIe siècle. — A31. Poissons nageant au milieu d'herbes. — A32. Dragons dans des médaillons. — A34a. Médaillons en forme de lanternes. — A34b. Si-Wang Mou, déesse taoïque de la longévité, et l'empereur Mou Wang. XVIIe siècle. — A35. Fleurs de prunier et objets précieux, sur fond de vagues. XVIIe siècle.
Le règne de K'ang-hi compte, on le sait, comme la plus belle période de la porcelaine chinoise. La technique est alors parfaite ; la pâte est
soigneusement pétrie, les objets sont tournés avec le plus grand soin, les formes sont élégantes et le polissage très fini. L'émail est pur, limpide et lustré, mince dans les monochromes, et avec
une teinte verdâtre dans l'émail blanc.
La base des vases présente généralement une rainure qui semble destinée à poser le pied sur un support de bois. La terre est unie, d'un grain serré, blanche, mais se teintant quelquefois en brun
à la cuisson.
Les couleurs puissantes des émaux de la « famille verte » et le beau bleu des pièces en bleu et blanc s'allient avec des décors ayant conservé l'allure artistique de la période précédente ; les
dessins sont cernés d'un contour mince et presque invisible, au lieu de l'épais contour des Ming. Les sujets sont encore tirés des légendes religieuses ou historiques, et des romans ; mais on
voit aussi des décorations de branches de fleurs avec papillons, oiseaux et insectes. Les fonds sont souvent pointillés, quadrillés ou garnis d'un semis de petits cercles que l'on nomme « œufs de
grenouilles ».
La série des biscuits, dans ses tons jaunes et verts, offre une multiplicité de petits objets curieux et étranges, tandis que dans les monochromes on voit apparaître le fameux « sang de bœuf »,
la « peau de pêche », le bleu poudré ou bleu « mazarin » et le rouge corail.
Vers la fin du règne on commence à voir apparaître un jaune et un rose opaques, ainsi qu'un blanc d'arsenic ; ces couleurs se multiplieront sous le règne suivant et formeront les couleurs de la «
famille rose ».
Jusqu'à présent, pour le règne de K'ang-hi, on ne s'est guère inquiété de déterminer les divers centres de fabrication, estimant qu'ils avaient tous été supplantés par King-tö-tchen, siège des
manufactures impériales. On ne connaît guère que les fabriques de la ville de Tö-houa, dans le Fou-kien, qui produisaient le fameux « blanc de Chine », celles de Yi-hing et celles de Canton dont
nous avons parlé à la fin de notre album sur les céramiques antérieures.
La porcelaine chinoise, à partir de cette époque, peut être classée de la même manière que sous la dynastie des Ming, en deux grandes séries : les pièces sans décor peint et les pièces à décor
peint ; mais cette seconde série, beaucoup plus importante que la première, doit être subdivisée en plusieurs groupes spéciaux.
Pièces sans décor peint
Glaçures monochromes. — À cette époque les pièces sans décor peint ne comprennent plus que les monochromes ; la série des « glaçures en diverses couleurs » a
certainement dû continuer, mais les spécimens en sont difficiles à dater, la technique étant demeurée la même que sous la dynastie des Ming.
De l'époque de K'ang-hi datent plusieurs séries de pièces monochromes, actuellement très recherchées ; leur décor consiste uniquement en une couverte dont les irrégularités, quand il y en a, sont
dues à des accidents (volontaires ou non) de la cuisson.
Les plus importantes couleurs des monochromes sont :
- Le sang de bœuf, appelé quelquefois lang-yao, désignation traditionnelle dont le sens n'est pas certain. C'est un rouge de cuivre sous couverte
; il est souvent craquelé et varie beaucoup d'intensité, du rouge rubis au brun rouge, jusqu'à être presque volatilisé par la cuisson.
- La peau de pêche est aussi un rouge de cuivre sous couverte, mais c'est un rouge pâle, avec certaines parties roses se détachant sur un fond vert céladon. Ce nom lui a été donné par des
collectionneurs des États-Unis ; les Chinois l'appellent « rouge de pomme » ou « rouge de haricot »
- Le rouge corail (vermillon ou tomate) est le rouge de fer sur couverte, déjà usité à l'époque des Ming.
- Le bleu, dont l'intensité varie suivant la quantité de cobalt qu'il contient. Il est quelquefois « soufflé » sur la pièce, ce qui lui donne un aspect granuleux, très apprécié sous le nom de «
bleu fouetté ».
- Le vert, dérivé du fer, mais parfois aussi du cuivre ; il comprend le vert céladon ainsi qu'un vert pomme et un vert émeraude craquelé.
- Le jaune, dérivé de l'antimoine et du fer ; et le brun jaune.
- Le noir brillant, dérivé du manganèse et du fer.
- Le violet aubergine, venant du manganèse.
- Enfin les flambés, dont les variantes proviennent de divers artifices dans la cuisson d'émaux à base d'oxyde de cuivre.
Pièces à décor peint.
I. Décor en bleu sur blanc. — Comme à l'époque des Ming, l'une des principales séries de l'époque de K'ang-hi est celle des pièces décorées uniquement en bleu
(sous couverte) sur le fond blanc, au grand feu. Sous ce règne les potiers donneront tous leurs soins à ce genre de porcelaine ; elle demeure sans rivale pour la pureté de la matière et
l'intensité de la couleur, qualités dues à des raffinements particuliers de la technique (planches B04 à B06 ci-dessous).
Quelquefois, pour obtenir une pâte encore plus fine et une délicatesse extrême dans la peinture, les céramistes mélangent aux terres habituelles une pierre qu'on a cru pouvoir identifier avec la
stéatite, d'où le nom de « porcelaines stéatitiques » donné à ces pièces, qualifiées parfois (à tort) de « pâtes tendres ». La nature exacte de cette matière a été indiquée par M. Vogt.
Époque de K'ang-hi (1662-1722). Décor peint bleu sur blanc. De gauche à droite : B04. Potiches. Réserves blanches sur fond bleu fouetté. — B05. Pot à pinceaux. Fleurs et oiseaux/Cornet. Rinceaux de feuillages stylisés/Vase. Carpes et plantes. — B06. Vase/Pot. Les cent Antiques.
II. Décor polychrome. — Parmi les pièces polychromes de l'époque de K'ang-hi, on peut constituer un premier groupe avec
celles dont toutes les couleurs sont cuites au « grand feu ». Les couleurs employées sont le bleu, le rouge de cuivre, le vert céladon, le jaune brun, le brun olive ; on y joint parfois divers
engobes. L'une des couleurs les plus typiques est le rouge de cuivre, dont les nuances varient du marron au sang de bœuf et à la peau de pêche.
La seconde série est celle du « décor en couleurs sur biscuit ». Elle est caractérisée par l'emploi de trois émaux : jaune, vert, violet, auxquels il faut
joindre un brun foncé, qui sert souvent à dessiner le décor et qui contribue aussi à former, quand il est recouvert d'une mince couche de vert, le fond noir, si recherché par les
collectionneurs.
Ces tons sont obtenus, le plus souvent, par des émaux qui cuisent à une température moins élevée que celle du grand feu ; appliqués directement sur la pièce à l'état de « biscuit », ils sont
moins brillants et moins lisses que ceux du grand feu. On leur ajoute, comme rouge, un peu de vermillon, appliqué après coup, à froid, et qui a souvent disparu. Peu à peu les céramistes
étendirent la gamme primitive, en lui adjoignant du bleu et du rouge, ce qui les conduisit presque à celle de la « famille verte ».
Pour étudier plus commodément cette série, dont les limites sont peu précises, on la subdivise en plusieurs catégories d'après certains détails techniques ; ce sont celles : 1° où les couleurs ne
sont pas séparées les unes des autres par des traits ; — 2° où elles le sont par un dessin gravé ; — 3° où elles le sont par des traits peints en brun (série la plus nombreuse). Ce classement,
qui n'a d'ailleurs rien d'absolu, n'implique aucunement un ordre chronologique.
Pendant longtemps on a attribué toute cette série à l'époque des Ming ; mais la lecture attentive des Lettres du Père d'Entrecolles et la découverte de pièces datées démontrent que, malgré la
présence de marques plus anciennes, on doit l'assigner presque en entier à l'époque de K'ang-hi (planches B08 ci-dessus à B15 ci-dessous).
Époque de K'ang-hi (1662-1722). Décor peint sur biscuit. De gauche à droite : B09. Lion de fô/Kouan-yin, divinité bouddhique. — B11. Flacon à vin, en forme de caractère « Fou » (bonheur)./Plateau imitant une table. — B12 (bas). Drageoir ou Surtout en forme de fleur de lotus. — B15. Vase. Fleurs des quatre saisons/ Flacon à vin. Dans la réserve, Tcheou-lao, dieu taoïque de la longévité.
La troisième série comprend le « décor en couleurs de la famille verte ». Le nom de « famille verte » a jadis été proposé par Jacquemart pour les pièces
polychromes du règne de K'ang-hi, où, en effet, le vert domine souvent. On l'a conservé, malgré son caractère un peu vague, à cause de sa commodité.
Le décor polychrome K'ang-hi continue d'abord le décor Ming à « cinq couleurs » ; il comprend, comme ce dernier, un bleu sous couverte, combiné avec des émaux sur couverte : jaune, vert, violet,
rouge de fer, brun noir.
Mais le véritable décor polychrome K'ang-hi date de la découverte du bleu sur couverte, qui supprima la difficulté technique résultant de l'emploi d'émaux de divers genres. Les sept couleurs
caractéristiques de la « famille verte » sont : le vert foncé, le vert clair, le violet aubergine, le jaune, le noir verdâtre (c'est le brun noir recouvert de vert clair), le bleu (parfois un peu
violacé) et le rouge de fer, auxquels s'ajoutent souvent des rehauts d'or.
Les plus belles porcelaines de ce genre, de goût purement chinois, sont caractérisées par un dessin large et par une coloration très franche. Grâce à quelques pièces datées, on peut dire qu'elles
ont été exécutées entre 1682 et 1710 environ (planches b17 à b21).
À la fin du règne, le style tend progressivement vers une délicatesse exagérée, vers le maniérisme. La véritable « famille verte » paraît cesser avec le règne de K'ang-hi ; mais ce genre a été
imité en Chine durant tout le XIXe siècle.
Époque de K'ang-hi (1662-1722). Décors peints polychromes «Famille verte». De gauche à droite : B17a. Vase. Tchang K'ien descendant le fleuve Jaune. — B17b. Vase. — B18a. Vase. Les mille daims. Imité d'une peinture par Wen Tcheng-ming (1522-1567). — B18b. Vase. Oiseaux et pivoines. — B19a. Coupe. «Famille verte». Imitation d'un émail de Limoges par J. Laudin. — B19b. Assiette. Scène du roman de brigands «Tchouei Hou Tchouan».— B20. Vasque à poissons rouges. Dans les réserves, scènes du roman le Si-sien-ki (Pavillon d'Occident).— B21a. Vase. Enfants étudiant les arts libéraux. — B21b. Vase. Scènes du roman de brigands «Tchouei Hou Tchouan».