Marie-Juliette BALLOT (1868-19xx)

LES LAQUES D'EXTRÊME-ORIENT : CHINE

G. Vanoest, éditeur, Paris et Bruxelles, 1927, pages 1-16 de 40, + planches I-VIII de XXXII.
[Le chapitre et les planches sur le Japon ne sont pas numérisés.]

  • Introduction : "Tout a été dit et écrit sur la beauté des laques, on a vanté la douceur de leur éclat, la délicatesse de leur décor et la solidité de leur matière malgré sa légèreté.
    Pendant longtemps on s'est contenté de ces descriptions enthousiastes sans pousser plus loin les recherches, nous admirions ces ravissants objets sans connaître un mot de leur histoire. Maintenant il n'en est plus de même, et, si nous ne sommes pas encore entièrement documentés sur les laques chinois, on peut dire que nous connaissons assez bien les laques japonais.
    Ce sont les résultats de tous ces travaux que nous allons résumer en quelques pages, malheureusement insuffisantes pour faire une histoire complète et approfondie de cet art qui redevient de mode aujourd'hui, mais suffisantes, cependant, pour donner un aperçu et une idée des différents styles et des diverses techniques qui le distinguent pendant le cours des siècles."
  • "Disons d'abord un mot de la technique elle-même ; semblable dans les deux pays, cette technique est si minutieuse qu'elle ne pouvait, a-t-on dit très justement, être pratiquée avec succès que par les Extrême-Orientaux dont la patience est inépuisable.
    La laque est un produit naturel, elle vient de l'arbre rhus vernicifera, en chinois ts'i chou, en japonais urushi. Nous n'entrerons pas dans les détails de sa récolte, nous nous occuperons seulement de l'objet à laquer ; fait d'un bois taillé en tranches excessivement minces qui sont ensuite polies et ajustées comme de la belle ébénisterie, l'objet terminé est d'abord recouvert d'une toile de chanvre, puis de une à deux couches d'une espèce de laque grossière que l'on passe à la meule.
    Le laquage commence seulement après cette opération préliminaire. On le fait par couches successives, minces et uniformes, au moyen d'un pinceau en cheveux ; chaque couche est mise à sécher dans une sorte de chaudière à vapeur, la laque séchant à l'humidité, puis elle est poncée au charbon de bois. On met ainsi une trentaine de couches de laque et l'objet est enfin poli au doigt avec de la cendre de corne de daim. Il est alors prêt à recevoir les décorations les plus différentes dont les principales sont les laques d'or et d'argent, les laques aventurines, les laques sculptés, etc., etc. Grâce à l'amabilité de nos grands collectionneurs parisiens, que nous ne saurons jamais assez remercier, nous avons pu reproduire de beaux exemples d'objets en laque des époques les plus intéressantes de la Chine et du Japon."

Texte in extenso : Les laques peintsLes laques sculptésLes laques de Coromandel
Feuilleter
Télécharger

Marie-Juliette BALLOT (1868-19xx) : Les laques d'Extrême-Orient : Chine et Japon. G. Vanoest, éditeur, Paris et Bruxelles, 1927.
Planche II. Plateau, décor en burgau sur laque noire. Chine, époque des Ming, XIVe siècle.


Les laques de Chine

Les laques de Chine doivent nous intéresser en premier car, malgré les auteurs japonais, ne peut-on pas penser avec vraisemblance qu'ils sont les ancêtres de ceux du Nippon ? Pour la grande majorité de ses arts, le Japon fut tributaire de la Chine, pourquoi ne le serait-il pas pour les laques ?

Nous l'avons dit, l'histoire des laques en Chine est encore obscure, cependant les produits laqués étaient employés dans le temps de la dynastie des Han (206 avant J.-C. — 222 après J.-C.), c'est-à-dire avant l'ère chrétienne ; des spécimens en ont été découverts depuis quelques années par l'expédition Kozlov en Mongolie Septentrionale et dans les fouilles archéologiques en Corée.

Les objets sur lesquels nous possédons des renseignements intéressants datent de la dynastie des Song (960-1279). Alors nous disent les anciens textes traduits par M. Bushell « les ustensiles destinés au palais impérial étaient généralement en laque d'or ou d'argent, avec une surface unie, dépourvue de sculptures ». À cette époque, cependant, Fou-tcheou faisait déjà des laques sculptés et Ki-ngan fou des laques incrustés de nacre.

Sous la dynastie des Yuan (1280-1367) les laques d'or furent assez renommés, ainsi que les laques incrustés de nacre, tandis que les laques sculptés étaient en décadence.

Avec la dynastie des Ming (1368-1643), l'industrie du laque atteint peut-être son plus haut moment de perfection au point de vue artistique. Les anciennes techniques continuent, Canton et Fou-tcheou sont cités pour leurs laques peints, Kou-yuan tch'ang pour ses laques sculptés et les laques dits de Coromandel sont connus jusqu'en Europe.

Une fois la fin du XVIIe siècle avec la dynastie des Tsing (1644- 1909), l'art du laque se perfectionne de plus en plus comme technique ; il est en grande faveur sous l'empereur K'ang-hi (1662- 1722) et sous l'empereur K'ien-long (1736-1795) qui fondent au palais impérial de grands ateliers de laquage. L'Europe est alors inondée des produits d'Extrême-Orient, les meubles européens se couvrent de panneaux de laque d'or dont beaucoup viennent de Chine, mais la décadence est proche, le XIXe siècle ne comptera pas.

Les laques chinois se divisent en deux grandes séries, les laques peints, nommés houa ts'i et les laques sculptés nommés tiao ts'i, qui sont également incrustés de nacre, d'ivoire, de jade, de lapis-lazuli, etc. Les laques dits de Coromandel forment une série particulière.

Planche IV. Porte d'armoire. M.-J. BALLOT : Les laques d'Extrême-Orient : Chine et Japon. G. Vanoest, éditeur, Paris et Bruxelles, 1927.
Planche IV : Porte d'armoire, décor peint sur laque noire. Chine, époque des Ming, XVIIe siècle.

*

Les laques peints (houa-tsi)

Planche Ia. Boîte. M.-J. BALLOT : Les laques d'Extrême-Orient : Chine et Japon. G. Vanoest, éditeur, Paris et Bruxelles, 1927.
Pl. Ia. Boîte, en forme de perle bouddhique, décor en burgau sur laque noire.

Les laques peints, c'est-à-dire décorés en léger relief de laque d'or ou d'argent, s'exécutaient dans plusieurs contrées.

Dynastie des Song, 960-1279. — C'est dans le Kiang-si à Lou-ling hien dans la préfecture de Ki-ngan fou que se fabriquaient surtout les laques incrustés de nacre. « Les articles spécialement confectionnés pour le palais impérial, sous la dynastie des Song, nous dit M. Bushell, et en général tous les produits anciens, sont très fortement laqués. Quelques-uns des mieux réussis sont soutenus par une armature de réseaux de cuivre. »

La célébrité de Lou-ling hien se continua, sous les Yuan les grandes familles s'y fournissaient encore pour leurs laques qui étaient de véritables œuvres d'art.

Nous sommes heureux de reproduire deux boîtes de la belle collection de M. Raymond Kœchlin (pl. I).
La première en forme de perle bouddhique avec fleurs et rinceaux incrustés en burgau date de la fin de la dynastie des Song ;

Planche Ib. M.-J. BALLOT : Les laques d'Extrême-Orient : Chine et Japon. G. Vanoest, éditeur, Paris et Bruxelles, 1927.
Pl. Ib. Boîte, décor en burgau sur laque noire. Chine, époque des Song, 960-1279.

la seconde de forme quadrangulaire et d'un dessin analogue peut appartenir à la même époque.

Dynastie des Yuan, 1280-1367. — Pour cette dynastie, M. Bushell cite un artiste nommé P'eng-Kuin-pao, qui habitait à Si-t'ang et qui « devint célèbre par ses peintures d'or sur laque ; paysages et scènes à personnages, temples et pavillons, arbres et branches de fleurs, oiseaux et quadrupèdes étaient tous également dessinés avec goût et exécutés à la perfection. »

Canton, qui existait certainement sous les Song, est cité vers 1365 par le voyageur arabe Ibn-Batoutah. Il signale, outre leur éclat, leur légèreté et leur solidité, la grande quantité des objets exportés dans l'Inde et en Perse. Cependant les produits de Canton, généralement unis, n'ont pas une grande valeur d'art.

Dynastie des Ming, 1368-1643.— Sous la dynastie des Ming, les produits de laque continuent à être d'une fabrication très artistique. La vigueur des artistes Ming se fait sentir même dans le décor des petits objets ; mais le laquage est aussi très employé dans le mobilier. Les lits, les chaises, les paravents, se couvrent de grands panneaux de laque noire ornés de paysages aux tons d'or doux et chaud, sur lesquels se détachent des figures de nacre merveilleusement exécutées.

Le beau plateau en laque noire de M. Vever, sur lequel s'estompent des arbres d'un ton rougeâtre très foncé faisant ressortir le cavalier trapu et énergique incrusté de burgau aux reflets vert et brun (pl. II, haut de page), est un très bel échantillon du commencement de l'époque des Ming.

Planche IIIb. M.-J. BALLOT : Les laques d'Extrême-Orient : Chine et Japon. G. Vanoest, éditeur, Paris et Bruxelles, 1927.
Pl. IIIb. Plateau, décor peint sur laque noire. Chine, époque des Ming, 1368-1643.

Cet art vigoureux peut aussi être plaisant. Le plateau de M. Kœchlin, où un cavalier errant dans une campagne montueuse aux doux reflets dorés se détache sur la laque rouge (planche IIIb), fait contraste par sa rêverie avec l'énergie du guerrier précédent. La petite boîte, également en laque rouge qui se trouve sur la même planche (IIIa, ci-dessous), nous montre l'oiseau fantastique et symbolique des Chinois, volant parmi les rochers aux arbustes fleuris.

Le XVIIe siècle a produit énormément de ce mobilier de laque dont nous avons parlé, les armoires, les cabinets furent nombreux et leur exportation fut grande en Europe ; tous les inventaires nous révèlent ces cabinets de la Chine qui devaient amener au siècle suivant la mode des meubles à panneaux de laque.

Toutes les portes de ces armoires recevaient le plus souvent une décoration peinte dont le temps a adouci les couleurs. Les exemples du XVIe siècle ne sont pas très communs, on en possède d'assez nombreux pour le XVIIe, mais la plus grande quantité date du XVIIe siècle.

Planche IIIa. Boîte. M.-J. BALLOT : Les laques d'Extrême-Orient : Chine et Japon. G. Vanoest, éditeur, Paris et Bruxelles, 1927.
Pl. IIIa. Boîte, décor peint sur laque noire. Chine, époque des Ming, 1368-1643.

Les portes d'armoire que nous reproduisons (pl. IV ci-dessus) doivent appartenir à la fin de l'époque des Ming vers le milieu du XVIIe siècle. Le paysage, peint sur un fond de laque noire en tons peu éclatants, représente une rivière coulant entre des rochers bleuâtres et des pins aux feuillages verts ; au bord, un personnage étendu sur un tronc d'arbre lit tranquillement au milieu de cette solitude, une partie du dessin est exécuté en or.

Dynastie des Tsing, 1644-1909. — Les deux capitales Nankin et Pékin eurent pendant le XVIIIe siècle des fabriques très importantes ; mais au XIXe siècle la ruine de Nankin et la fermeture des ateliers impériaux de Pékin ont pour ainsi dire détruit dans ces deux villes l'industrie des laques. Les grands centres pour l'époque moderne sont Canton et Fou-tcheou.

Les produits de Canton sont les moins recherchés étant surtout faits pour l'exportation, « le but principal de l'artiste semble être de couvrir la surface entière de figures et de fleurs, d'or et d'argent ; la décoration acquiert ainsi un caractère de profusion et de richesse excessive plutôt qu'un réel cachet d'art. Les fonds sont presque noirs ; on donne parfois aux ors qui les décorent une teinte plus douce en les alliant avec l'argent. »

Au contraire, suivant M. Paléologue, les laques de Fou-tcheou « séduisent les yeux par la pureté de la substance qui les recouvre, par l'égalité parfaite de la nappe vernissée, par l'intensité brillante ou sourde des nuances et la puissance des reliefs, par la largeur de la composition, par l'aspect harmonieux des ors et des rehauts. Parfois, des panneaux entiers hauts de deux mètres et larges de plus d'un mètre, sont ainsi recouverts d'une décoration savante et délicate, où les tons sont fondus, où les personnages, aux chairs de corail ou de nacre, se détachent doucement sur le fond, où les paysages ont des fuites de plan lointaines, des profondeurs lumineuses. »

*

Les laques sculptés (tiao-ts'i)

Planche V. M.-J. BALLOT : Les laques d'Extrême-Orient : Chine et Japon. G. Vanoest, éditeur, Paris et Bruxelles, 1927.
Planche V. Boîte, en laque rouge-brun, dite « laque de Pékin ». Chine, XVIIIe siècle.

Dynastie des Song, 960-1299. — A quelle époque remontent les laques sculptés ? Il est bien difficile de le préciser et nous aurons encore recours aux textes chinois traduits par le Dr Bushell. Dans la description des laques anciens, au livre VIII du Ko Kou yao loi en écrit par Tsa Tch'ao en 1387 sous le règne de Hong-wou, le premier empereur Ming, le Dr Bushell relève trois sortes de laques sculptés qu'il croit pouvoir donner à l'époque des Song :

1° les laques imitant les objets en corne de rhinocéros, d'une laque de couleur brun-rouge, brillante, résistante et mince, avec une surface lisse et polie ;

2° Une sorte particulière, appelée laque jujube, qui était d'un rouge plus clair ;

3° Les laques de Fou-tcheou, jaunes avec une surface polie et des motifs arrondis, très minces mais solides.

Les exemples de cette époque sont excessivement rares et nous n'avons pu en reproduire, à notre grand regret.

Dynastie des Yuan, 1280-1367. — Pour l'époque des Yuan, on signale une fabrique à Si-t'ang yang-houei, préfecture de Kia-hing, dans la province du Tchö-Kiang, dont les laques sculptés en très haut relief manquaient de solidité et dont le fond jaune s'abîmait facilement.

Deux artistes de la même préfecture, Tchang Tch'eng et Yang Mao, eurent une grande réputation sous cette dynastie, ils furent connus jusqu'au Japon. Leurs laques sculptés étaient entièrement rouge, ou rouge et noir, mais la couche de vermillon très mince était très fragile ; on les imita parfaitement sous les Ming.

Suivant les citations du Dr Bushell, on estimait alors les laques « d'après l'épaisseur de la couche de vermillon, le ton éclatant du rouge, le beau poli et la solidité de la laque. »

Les plus lourds étaient les plus appréciés. Les sculptures dont ces objets étaient ornés représentaient des paysages, des personnages, des fleurs, des arbres et des animaux.

Planche VI. Table. M.-J. BALLOT : Les laques d'Extrême-Orient : Chine et Japon. G. Vanoest, éditeur, Paris et Bruxelles, 1927.
Pl. VI. Table, décor gravé sur laque rouge. Chine, époque de Kien-long fin du XVIIIe siècle.

Dynastie des Ming, 1368-1643. — L'art du laque sculpté continue à grandir, on cite alors la fabrique de Kouo-yuan-tch'ang et une nouvelle école de glyptique : « le laque mince tacheté de poudre d'or, le laque incrusté de nacre et le laque orné de plaques d'or et d'argent battu, sont les trois qualités surtout admirées, même par les Japonais. »

Les laques de l'époque de Yong-lo (1403-1424) étaient marqués en creux remplis de laque noire, ceux de l'époque Hsuan-tö (1426- 1435) l'étaient en creux remplis de laque d'or.

Dynastie des Tsing, 1644-1909. — Pour la fin du XVIIe siècle et tout le XVIIIe les plus beaux laques sculptés ont été fabriqués à Pékin, dans les manufactures fondées par l'empereur Kang-hi en 1680 : mais depuis la fin du XVIIIe siècle cette fabrication est tombée en décadence.

On nomme généralement tous les laques sculptés de cette période : laque de Pékin. « Leur couleur dominante est un rouge vermillon obtenu par une très fine mouture de cinabre ; d'où le nom de « laques de cinabre » qui leur est encore fréquemment donné ; mais ce nom n'est pas aussi approprié, car il arrive que dans quelques pièces de laque sculpté, le rouge soit associé à diverses couleurs ; il peut même (mais le cas est rare) n'être pas du tout employé. Il est bon de rappeler que, sous les dynasties des Song et des Yuan, on fabriquait, ailleurs qu'à Pékin, les laques rouges sculptés. »

Le laque sculpté prend une grande importance sous l'empereur Kien-long (1736-1796) qui appréciait beaucoup cette technique dans laquelle il fit exécuter pour son palais des meubles de toutes sortes, paravents, sièges, etc. Le South Kensington à Londres possède son trône et plusieurs tableaux où le sujet laqué en rouge se détache souvent sur un fond chamois.

Les petits objets en laque de Pékin sont nombreux ; la boîte que nous reproduisons (pl. V, ci-dessus) fait partie de la collection de M. Gaston Migeon et est peut-être un des plus beaux objets parmi ceux qui existent à Paris. Délicatement travaillée, elle représente un cerf et un singe au milieu des branches feuillagées d'un arbre recouvrant les deux faces de la boîte et en l'admirant on ne peut s'empêcher de regretter que dans nombre d'objets la finesse de l'exécution soit alliée à une surcharge de décoration où s'enchevêtrent les dragons aux nombreux replis, les phœnix volant dans les nuages et les lotus aux multiples feuilles.

La charmante table appartenant à M. V*** est un bon exemple du mobilier chinois de la fin du XVIIIe s. (pl. VI).

*

Les laques de Coromandel

Planche VII. Paravent. M.-J. BALLOT : Les laques d'Extrême-Orient : Chine et Japon. G. Vanoest, éditeur, Paris et Bruxelles, 1927.
Planche VII. Paravent en laque dite « de Coromandel ». Chine, XVIIe siècle.

La troisième technique des laques chinois est celle des laques dits « de Coromandel ». Notons d'abord que ce nom ne peut être expliqué : pourquoi des ouvrages chinois portent-ils le nom d'une contrée de l'Inde ? la matière première venait-elle de la côte de Coromandel, ou bien les produits manufacturés étaient-ils embarqués pour l'Europe dans les ports de cette région ? Toutes ces questions restent sans réponses et l'on continue à nommer les laques obtenus par cette technique « laques de Coromandel ».

Entièrement différents des laques peints et des laques sculptés, ils pourraient s'appeler des laques champlevés, le travail qu'ils subissent pour obtenir leur belle décoration étant semblable à celui des émaux champlevés sur cuivre. Toute cette fabrication a été reconstituée par M. Odilon Roche, après de nombreuses recherches et publiée par M. Gronkowski ; nous la résumerons rapidement.

On prend des feuilles de bois de sapin sur lesquelles on pose une toile fine que l'on recouvre d'une colle mélangée d'ardoise pilée, puis l'on ponce pour obtenir une surface unie. Sur cette préparation se pose le vernis composé de plus ou moins de couches de laque suivant l'effet de profondeur et d'intensité que l'on veut obtenir. Sur cette surface unie l'artiste dessine son sujet, puis il le grave en creux dans l'épaisseur de la laque sans jamais atteindre le bois. La dernière opération consiste à couler dans le dessin, réservé en creux, les couleurs gouachées qui étaient éclatantes à l'origine et que le temps a singulièrement pâlies.

Planche VIII, détail de pl. VII. M.-J. BALLOT : Les laques d'Extrême-Orient : Chine et Japon. G. Vanoest, éditeur, Paris et Bruxelles, 1927.
Planche VIII. Feuilles de paravent en laque dite « de Coromandel », détail de la pl. VII. Chine, XVIIe siècle.

Dynastie des Ming, 1368-1643. — Il a été cité de cette technique des œuvres datant de la fin du XVe siècle ; ce sont déjà de ces immenses paravents qui seront très appréciés en Europe une fois le XVIIe siècle.

Les plus beaux remontent au XVIe siècle ; ils se composent de nombreuses feuilles sur lesquelles se déroulent des scènes entières se passant soit dans des paysages, soit dans des intérieurs, représentant des scènes historiques ou religieuses, quelquefois des scènes intimes de la vie du possesseur, ou simplement de grands ciseaux au milieu de feuillages fleuris.

Généralement une haute bordure, uniquement décorative, entoure complètement le sujet. Cette bordure se rencontre souvent semblable sur différents paravents ; elle devait être exécutée avec des poncifs d'atelier, le centre seul étant commandé à un artiste de talent pour commémorer un événement quelconque signalé alors par une inscription gravée sur l'une des feuilles.

Dynastie des Tsing, 1644-1909. — Le XVIIe et le XVIIIe siècle produisirent encore de beaux paravents, celui du Musée du Louvre (planches VII et VIII) en est une preuve. Il appartient certainement au XVIIe siècle, peut-être à la fin de la dynastie précédente. Une seule scène, dont nous ignorons le sujet, se déroule sur les douze feuilles dont il est composé, une haute bordure l'encadre. Les reproductions que nous en donnons, si elles ne permettent pas de juger entièrement la technique, permettent de se rendre compte du grand effet décoratif de ces meubles dont nos ancêtres du XVIIe et du XVIIIe siècle se servaient couramment dans leurs vastes demeures pour se protéger de l'air glacial de l'hiver.

Cette technique ne fut pas uniquement réservée à l'exécution des paravents ; on fabriqua nombre de panneaux pour les meubles indigènes et nos ébénistes du XVIIIe siècle surent les employer pour décorer leurs commodes et leurs armoires.

*

Téléchargement

ballot_laqueschine.doc
Document Microsoft Word 3.8 MB
ballot_laqueschine.pdf
Document Adobe Acrobat 1.5 MB