Arnold Vissière (1858-1930)
RECHERCHES SUR L'ORIGINE DE L'ABAQUE CHINOIS
et sur sa dérivation
des anciennes fiches à calcul
Bulletin de géographie historique et descriptive, Paris, 1892, pages 54-80.
- "Nous nous bornerons, dans cette étude, à donner une courte description du souan-p'an [abaque, boulier], qui suffise à en faire comprendre le principe, puis nous demanderons aux livres scientifiques chinois avec quels instruments les anciens mathématiciens de l'empire du Milieu effectuaient leurs calculs, avant qu'ils ne connussent l'abaque, et nous nous efforcerons de déterminer la date approximative à laquelle a commencé l'usage de ce dernier."
Extraits : L'abaque - Les anciennes fiches à calcul - La similitude fiches/abaque
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L'abaque chinois est formé d'un plateau ou caisse rectangulaire en bois, dont les deux
rebords les plus longs soutiennent une série de broches partageant sa surface en autant de lignes ou colonnes parallèles. Sur chacune de ces broches sont enfilées sept boules mobiles, légèrement
aplaties, pouvant se rapprocher ou s'éloigner d'une barre transversale, qui divise la machine en deux parties inégales, de telle façon que deux boules de chaque colonne demeurent toujours
au-dessus et cinq au-dessous de cette barre de séparation.
Dans les abaques ordinaires, les colonnes sont au nombre d'une douzaine. Ce chiffre est porté à vingt, trente, ou plus, selon les besoins du calculateur.
Les règles fondamentales sur lesquelles repose le maniement de l'abaque sont les suivantes :
1° Chacune des boules situées au-dessus de la barre transversale équivaut aux 5 boules qui se trouvent au-dessous, sur la même colonne verticale ;
2° La valeur relative des colonnes croît de 10 en 10, de la droite vers la gauche. Sur deux colonnes voisines, une boule de gauche vaudra donc 10 de la rangée de droite.
Veut-on marquer sur l'abaque un nombre quelconque ? On commencera par écarter de la barre transversale, pour les rapprocher des bords inférieur et supérieur de la machine, toutes les boules. Puis
on ramènera contre cette barre autant de boules qu'il sera nécessaire, étant donnée la valeur relative des colonnes, pour figurer le nombre donné.
Or, il est bon de remarquer que le choix de la colonne des unités sur le souan-p'an ne dépend que de la volonté de l'opérateur, qui pose ses nombres sur la machine suivant les exigences des
données. Cependant, il arrive souvent qu'un caractère de cuivre soit fixé, comme aide-mémoire, sur la barre transversale et, pour ainsi dire, à cheval sur chaque colonne, pour en indiquer la
valeur : unités, dizaines, centaines, milliers, myriades, etc., ou la dénomination : piculs, livres, boisseaux, pieds, pouces, etc.
Ceci dit, pour représenter le nombre 1, on élèvera une seule des boules inférieures de la colonne que l'on aura choisie comme celle des unités. Pour marquer 2, 3 ou 4, on en élèvera, de la même
façon, deux, trois ou quatre. S'il s'agit de figurer 5, on abaissera une des boules supérieures de la même rangée, tandis que 6, 7, 8 et 9 se porteront en abaissant une boule supérieure valant 5,
et en élevant, en même temps, une, deux, trois ou quatre boules inférieures, formant le complément du chiffre proposé. Les dizaines, centaines, etc., s'inscrivent de même, à leurs colonnes
respectives.
Sur l'abaque représenté par la figure ci-dessous, la colonne A ayant été adoptée comme celle
des unités, on a porté le nombre ; 123 millions, 456 mille, 789 unités.
Une colonne laissée vide sur l'abaque remplace notre zéro. Si le nombre donné contient une fraction décimale, on l'inscrit à droite de la rangée des unités. Supposons que celle-ci ait été choisie
en B, le nombre ci-dessus deviendra : 123 mille, 456 unités et 789 millièmes.
Nous avons vu que 9 était figuré sur l'abaque par une seule boule supérieure valant 5, et quatre inférieures formant le complément du nombre. Cinq boules suffisent, par conséquent, à la notation
numérique. Cependant, chaque colonne contient sept boules, valant en tout 5. La raison de cette disposition est que, pour effectuer sur l'abaque une division, il est souvent indispensable de
poser, sur une même colonne, provisoirement, un nombre supérieur à 9. Pour les trois premières opérations, cinq boules suffiraient à chaque rangée. Dans ce cas, néanmoins, le calcul peut être
simplifié si l'on marque temporairement, sur une même colonne, un résultat partiel dépassant 9.
Certains abaques japonais ne contiennent qu'une boule, à chaque colonne, dans le compartiment supérieur, et cinq au-dessous.
Les colonnes de l'abaque russe portent dix boules d'égale valeur, aussi n'a-t-on pu, jusqu'ici, au dire de Goschkewitsch, imaginer aucun moyen pratique pour y effectuer des divisions. L'opérateur
se voit contraint de mettre en œuvre plusieurs abaques à la fois.
Les boules de l'abaque portent, en chinois, le nom de tchou « perles », ou de tse « fils, enfant, grains ». Dans la langue parlée, on les appelle souan-p'an tchou-tse.
La barre transversale porte la désignation de leang « poutre », et aussi de tsi-leang « colonne vertébrale », dont elle rappelle à l'œil des Chinois l'image, pourvue des broches
qui la traversent, comme l'échine de l'homme se rattache à une double ligne de côtes.
Les colonnes sont appelées wei « positions », hang « lignes, rangées », ou tang « échelons, barreaux ». Le côté gauche de l'abaque en forme l'« avant » ts'ien, tandis
que la droite en est l'« arrière » heou. Il en résulte qu'« avancer » un nombre, tsin, signifie le porter vers la gauche, tandis qu'on le « recule », t'ouei, en le
plaçant plus à droite. Par le même motif, chang, le « haut », et hia, le « bas » désignent plus souvent la gauche et la droite de l'abaque que ses deux sections au dessus et
au-dessous de la barre transversale.
On dit « monter », chang, un nombre sur l'abaque, pour l'y marquer. S'il s'agit de l'éliminer, on se sert de l'une ou de l'autre des expressions : t'ouei « repousser »,
k'i « enlever », tch'ou « éliminer », et k'iu « chasser ».
Un nombre étant porté sur l'abaque, sa première colonne est appelée sa « tête », cheou, ou t'eou. Sa dernière rangée forme sa « queue », wei, ou sa « fin » mo.
On « remonte » cheng ce nombre, quand on en suit les colonnes ou chiffres de la droite vers la gauche ; on le « descend » kiang, dans le cas contraire.
La colonne que l'on considère, sur laquelle on opère, reçoit la dénomination de « corps », chen, synonyme de pen-wei « la colonne même ».
Mei Wen-ting [1633-1721] expose, dans son étude, sous forme de dialogue, le résultat de ses
investigations concernant la manière dont calculaient les anciens et l'origine de l'abaque.
« Si quelqu'un demandait à maître Mei, — dit celui-ci : — Les anciens possédaient-ils, comme nous, des instruments servant à effectuer les calculs ? Il répondrait : Oui, ils en possédaient.
— Et quels étaient ces instruments ?
— Les anciens se servaient de fiches, tch'eou.
— À quoi ressemblaient ces fiches ?
— L'histoire des Han nous le dit. Nous y lisons, en effet, que l'on faisait usage, à cette époque, de baguettes de bambou ayant un diamètre d'un dixième de pouce sur une longueur de six pouces. «
Deux cent soixante et onze de ces baguettes, formant un hexagone, composaient une poignée. Elles permettaient de mesurer des longueurs sans perdre un centième ou un millième de pouce, d'apprécier
des quantités sans perdre le moindre volume, et de déterminer des poids sans perdre la valeur de dix grains de millet, ni même d'un seul grain. »
On trouve, en outre, dans les Che-chouo, ou Récits du siècle, que « Wang Jong, tenant ses fiches d'ivoire à la main, faisait ses calculs ».
Voilà autant de preuves évidentes de l'emploi des fiches arithmétiques.
— S'il en est ainsi, ces fiches pouvaient être faites de bambou et aussi d'ivoire. Mais alors il ne s'agissait pas des bâtons de Napier, qui sont en usage aujourd'hui ?
— Non. L'usage des bâtons de Napier, qui appartiennent à l'astronomie occidentale, a commencé parmi nous avec Siu et Li. Ils sont basés, en effet, sur le principe du gnomon, des astronomes, et
ils forment autant de gnomons ou styles mobiles. Il s'ensuit que chacun d'eux porte les neuf nombres. Quant aux fiches arithmétiques des anciens, elles servaient à figurer des nombres, et aucun
chiffre n'était inscrit sur leur surface. De la sorte, une fiche ne valait que 1, et, lorsqu'il s'agissait d'effectuer une multiplication ou une division, on disposait ces fiches sur une table,
les unes en long, les autres en travers. On en saisissait, en un instant, la disposition.
— À quelle époque faut-il donc faire remonter l'origine de ces fiches ?
— Il n'est pas possible de le déterminer. Cependant, nous voyons, dans le Livre des Changements que, lorsque l'augure manipulait les tiges de la plante che, au cours de ses opérations
divinatoires, chacune de ces tiges représentait aussi le chiffre 1. L'origine des fiches serait donc lointaine.
Les tiges de la plante che étaient mises en œuvre pour trancher les doutes. Elles n'étaient pas d'un usage fréquent. On les prenait, à dessein, de structure imposante et de grande
longueur. Étant longues, elles ne pouvaient être disposées transversalement ; aussi les posait-on toutes en long. Toutefois, après en avoir fait deux parts représentant les deux grandes divisions
de la nature, une de ces tiges était suspendue de façon à les distinguer et à empêcher toute confusion. Quant aux autres tiges, on les plaçait toutes longitudinalement. Le nombre total n'était
que de 49, aussi les triait-on 4 par 4, afin de déterminer le chiffre véridique. Cet emploi était spécial, et comme tel entouré de respect.
En disposant sur une table les fiches arithmétiques, on avait à distinguer entre elles les catégories des nombres, dizaines, centaines, milliers, myriades, etc., dont le rang avançait ou reculait
dans la multiplication ou la division. Ces fiches étaient d'un usage indispensable et journalier. On les fit donc courtes, pour pouvoir les aligner sur la table de l'opérateur. Celles que l'on
dit avoir eu six pouces de longueur et qui formaient un hexagone, servaient de mesures. D'ailleurs, le pied ancien étant plus court que le pied moderne, ces fiches n'avaient guère plus de quatre
pouces de nos jours. Elles étaient donc faciles à tenir dans la main.
Dans le Tchong-k'ouei-lou, composé par le nommé Wou, de P'ou-kiang, on lit que « à l'aide d'une fiche à calcul, on coupe la viande en morceaux longs de trois pouces, ayant tous la forme
de fiches à calcul ». On peut conclure de là quelle était la dimension de ces dernières.
— Et comment se servait-on des fiches ?
— Pour le chiffre 5 et ceux qui lui sont inférieurs, on alignait longitudinalement autant de fiches. Pour 6 et au-dessus, on disposait transversalement une fiche, qui valait 5, et le complément
du nombre était figuré par autant de fiches longitudinales (rangées au-dessous).
— Mais les dizaines, les centaines, milliers ou myriades, comment les marquait-on ?
— On les formait en procédant de la gauche vers la droite, à peu près comme sur les colonnes de l'abaque, ou comme sont les positions relatives des chiffres, dans le calcul écrit de l'Asie
centrale et de l'Europe. Dans tous les cas, la progression suit le mouvement de la main ; aussi ces procédés sont-ils forcément identiques.
— Existe-t-il aussi des preuves de ce fait ?
— Oui. Nous avons les nombres données par Ts'ai Kieou-fong pour le Houang-ki, dans le chapitre Hong-fan (du Livre des Annales). Les nombres de 1 à 5 inclusivement y sont
composés de lignes verticales ; de 6 a 9 inclusivement, ils contiennent une ligne horizontale en haut, qui équivaut à 5. En outre, depuis le groupe « 1 à 1 » jusqu'au groupe « 9 à 9 », tous les
nombres sont composés de deux parties accouplées se lisant de gauche à droite. Cette méthode était en usage sous les Song.
De plus, le Cheou-che-li-ts'ao, — ou Minutes du calendrier Cheou-che,— contient des exemples de multiplications et de divisions, avec la disposition des facteurs. Tous ces
nombres sont composés de barres longitudinales et transversales et procèdent de gauche à droite dans l'ordre suivant : myriades, milliers, centaines, dizaines et unités. Ce procédé était usité
sous les Yuan.
Dans le Tso-tchouan, Che Tchao dit :
« Le caractère hai a pour tête 2 et pour corps 6. Descendez le 2 comme le corps, et vous aurez le nombre total des jours dont se composait l'âge du vieillard de Kiang-hien ».
Che Wen-po comprit que ce nombre était 26.660. Meng K'ang, Fou Yu et Yen Che-kou nous ont donné l'explication. Le caractère hai a, disent-ils, pour sommet 2, et sa partie inférieure est
formée de trois 6, qui en constituent le « corps ». Mais il s'agit ici du 6 représenté à l'aide des fiches, c'est-à-dire formé d'une barre transversale valant 5 et d'une longitudinale en-dessous,
ce qui fait bien 6, comme dans les nombres du Houang-ki, mentionnés plus haut. Ils ajoutent que si l'on abaisse les deux traits supérieurs du caractère hai pour les ranger verticalement
le long du « corps », on figure ainsi deux fiches longitudinales valant 2 myriades (20.000) et que, si on aligne parallèlement les trois 6, on obtient 6 milliers, 6 centaines et 6 dizaines de
jours. Les quatre groupes ainsi disposés le sont suivant la méthode de notation numérique adoptée pour les calculs du calendrier Cheou-che (des Yuan). C'était aussi, par conséquent, le
procédé usité sous les trois premières dynasties, ainsi que sous les Han et les Tsin.
— Comment se fait-il que, dans les calculs relatifs au calendrier Cheou-che, il y ait aussi des endroits où les chiffres de 1 à 5 inclusivement sont marqués par autant de barres
transversales ?
— Ce mode de notation n'a pas été inauguré dans l'ouvrage en question.
— Comment le sait-on ?
— Des auteurs de l'époque des Tang, dissertant sur l'écriture, disent : « Lorsque les traits horizontaux ou verticaux sont en grand nombre, on les fait porter vers le haut ou vers le bas, en
dedans ou en dehors. S'ils étaient rigides comme des fiches à calcul, ils ne formeraient plus une écriture. » Les fiches à calcul, souan-tse, dont il est fait mention ici, sont les
fiches que le calculateur rangeait sur sa table, tchéou. Or, dans le passage précédent, on parle à la fois de traits d'écriture verticaux et horizontaux ; d'où nous pouvons conclure que les gens
de l'époque des T'ang, en se servant de fiches pour calculer, les disposaient aussi tantôt en travers et tantôt en long.
On lit dans le K'ien-tso-tou : « Les fiches couchées sont les années ; les fiches placées debout sont les jours ». On craignait, en effet, que les groupes ne se confondissent à cause de
leur grand nombre. Aussi les quantités telles que 33 ou 22 furent-elles représentées par deux groupes de fiches, dont l'un était posé longitudinalement et l'autre horizontalement, ce qui
permettait de les distinguer. Par fiches couchées, wo-souan, il faut entendre les horizontales, et par fiches placées debout, li-souan, les verticales. On ignore par qui fut
composé le K'ien-tso-tou ; cependant, il n'est pas permis de douter que son auteur n'ait vécu à une époque antérieure à celle des Han et des Wei. Tirons-en cette conséquence obligée que
l'antiquité connaissait la méthode d'alternement des groupes horizontaux et verticaux.
Les fiches formant les nombres 5 et au-dessous de 5 pouvant être rangées transversalement au lieu de longitudinalement, la fiche valant 5 placée en travers dans les chiffres 6 et au-dessus put
aussi être posée en long. Comment en douterait-on en voyant le Li-ts'ao (Minutes des calculs du calendrier Cheou-che) ? »
Une similitude indéniable existe entre les deux systèmes des fiches et de l'abaque, et nous
sommes tout naturellement porté à admettre que le second n'est qu'un perfectionnement du premier. En effet, le trait caractéristique de l'abaque chinois, qui le différencie tout d'abord des
instruments similaires usités en Europe est la répartition des boules en deux séries superposées, la boule supérieure valant 5. Cette boule ne joue-t-elle pas précisément le même rôle que la
fiche qui couronne tous les nombres au-dessus de 5 dans la vieille méthode ? On marque aujourd'hui sur l'abaque : [cf. (A) ci-contre], comme, sous les Han, sous les T'ang ou sous les Song, on
rangeait sur la table les baguettes arithmétiques suivantes : [cf. (B) ci-contre].
Nous ne savons malheureusement pas d'une façon précise quel fut l'homme ingénieux qui sut fixer, en quelque sorte, les anciennes fiches sur des broches, qui en distinguèrent les valeurs
relatives, en les remplaçant par des boules mobiles le long de ces colonnes et qu'un arrêt transversal en bois partagea en deux séries, de la même manière que les fiches se distribuaient en
horizontales et en verticales. Peut-être fut-ce Kouo Pe-yu.
Les premiers abaques ne durent comprendre qu'une seule boule dans leur partie haute au lieu de deux, et n'en porter que quatre dans leur partie inférieure. Les calculs, déjà singulièrement
simplifiés par la fixation des boules sur les broches, le furent encore par l'addition d'une boule supplémentaire en haut et en bas, ce qui permet d'effectuer plus aisément les notations
intermédiaires et les résultats partiels. La division s'en trouve grandement facilitée, comme nous l'avons déjà vu.
Cependant, l'adoption de l'abaque changea la forme des opérations. Autrefois, dans une multiplication, on plaçait le groupe de fiches représentant le multiplicateur en haut et le multiplicande en
dessous. Le produit se marquait plus bas. L'abaque, au contraire, ne peut offrir qu'une ligne horizontale de nombres. On porta donc le multiplicateur sur les colonnes de droite et le
multiplicande sur celles de gauche. Quant au produit, il s'inscrit à la place du multiplicande, dont il chasse les boules au fur et à mesure que l'opération se poursuit.
Voici un modèle de multiplication à l'aide des fiches, que nous trouvons dans Yang Houei : [cf. (C)]
Sur l'abaque, on porte : [cf. (D)]
et, l'opération une fois effectuée, l'abaque présente les indications suivantes : [cf. (E)]
L'exemple ci-dessus montre à la fois l'affinité et les différences obligées des deux systèmes.
De tout ce qui précède semble résulter ce fait, qui n'est indiqué nulle part, mais qui mériterait de l'être, — que l'abaque est comme le résumé, la reproduction sous une forme qui le rend plus
maniable et rapide de l'ancien procédé des fiches arithmétiques. Et que penser, dès lors, de cette assertion qui veut que l'abaque ait été inventé dans les premiers âges de la monarchie chinoise,
par Li-cheou, ministre de Houang-ti, l'empereur Jaune, qui vivait 2.600 ans avant l'ère chrétienne, ou par Tcheou-kong, antérieur à Confucius ? En Chine, des lettrés ignorants ont seuls pu le
prétendre, faute d'avoir examiné les sources qui pouvaient les instruire. Le témoignage de Siu Yo demande confirmation, et nous ne savons que penser de sa planchette à boules. Mei Wen-ting ne la
prenait sans doute pas au sérieux. L'histoire se borne à dire que Li-cheou, sur l'invitation de Houang-ti, inventa le calcul, c'est-à-dire, peut-être, les fiches arithmétiques. Quant à
Tcheou-kong, il s'occupa fort de mathématiques et d'astronomie, notamment des Neuf chapitres, qui résument, pour les Chinois, la géométrie, l'arithmétique, l'algèbre et la trigonométrie, mais
nous ne voyons nulle part qu'il se soit servi d'un abaque. Il convient donc de nous ranger à l'opinion des mathématiciens chinois, et, — tout en admettant qu'un abaque rudimentaire ait pu exister
sous les Song méridionaux, — de voir dans la machine actuelle, parfaite en son genre, une création de la seconde moitié du XIVe siècle.