John Francis DAVIS (1795-1890)
LA CHINE, ou description générale
des mœurs et des coutumes, du gouvernement, des lois, des religions, des sciences, de la littérature,
des productions naturelles, des arts, des manufactures et du commerce de l'empire chinois
- Traduit de l'anglais par A. Pichard. Revu et augmenté d'un appendice par Bazin aîné. Paulin, Paris, 1837, 398+420 pages,+57 illustrations.
- Bazin aîné : "M. Davis a consigné dans ces deux volumes le résultat sommaire de ses études sur l'histoire religieuse, civile, littéraire, scientifique et industrielle de la Chine. On va donc lire une description abrégée, mais exacte, de cet empire, faite sur des notes recueillies dans le pays même par un philologue habile, une exposition du système chinois concernant la politique et la législation, le commerce et l'industrie, exposition pleine de franchise et de lucidité, qui, en substituant la précision au vague, et les preuves aux conjectures, rectifie les fautes de ceux qui ont voulu arrêter prématurément nos opinions sur la Chine, ses mœurs, ses institutions, son état industriel ; une relation exempte de pédanterie qui s'adresse aux lecteurs de toutes les classes, aux personnes savantes comme aux simples curieux."
- Davis, 1836 : " L'ouvrage suivant doit son origine à une collection de notes prises par l'auteur durant son séjour en Chine. Ces notes furent rassemblées dans un but qui ne diffère point du motif allégué par un écrivain français, à l'occasion d'une entreprise semblable : « le désir de tout connaître joint à l'obligation de tout décrire ». Une résidence de plus de vingt années a peut-être contribué à mûrir et à rectifier les opinions qu'il s'était formées, très jeune encore, sur le pays et les habitants, quand il accompagna lord Amherst dans son ambassade à Péking, en 1816... Aucune relation générale de l'empire chinois n'est encore sortie de la presse anglaise, et la compilation du père Duhalde est restée jusqu'à présent l'unique source abondante de renseignements à laquelle on puisse recourir... Comme les pages suivantes ont été écrites pour les lecteurs de toutes les classes, on a tâché d'offrir, sous une forme à la fois simple et lucide, des documents abrégés, mais exacts, sur chaque matière."
Table des matières
Extraits : Piété filiale - La grande richesse de l'empire - Éducation - Instruction - Privilèges
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I. Premières relations des Européens avec les Chinois. II/III. Relations des Anglais
avec les Chinois.
IV. Esquisse géographique de la Chine — V. Précis de l'histoire de la Chine.
VI. Gouvernement et législation : L'autorité paternelle, principe du gouvernement chinois — Les étrangers et les indigènes à Canton — Despotisme tempéré par l'influence de
l'opinion publique — But de l'éducation — Respect pour l'âge — La richesse sans considération — Aristocratie officielle et non héréditaire — L'empereur, grand-prêtre de la religion — Les
ministres — Mécanisme du gouvernement — Règlements concernant les magistrats — Le livre rouge — Supériorité de l'autorité civile sur l'autorité militaire — Infériorité des Chinois sous le rapport
des armes — Canons fondus par les missionnaires — Code pénal de la Chine — Ses mérites et ses défauts — Châtiments, privilèges et exemptions — Crimes — Caractères du code — Témoignages en faveur
de ses résultats pratiques — Sanction que les Chinois regardent comme supérieure à la volonté du souverain.
VII. Caractères et mœurs des Chinois : Arrogance et fourberie des Chinois à
Canton — Exemple de gratitude — Leurs qualités et leurs défauts — Orgueil et ignorance — Respect pour la vieillesse et les hautes fonctions — Amour du Chinois pour les lieux qui l'ont vu naître
et pour sa progéniture — Exagération du nombre des infanticides — Caractères physiques — Physionomie — Caprices du goût national — Traits primitifs — Descendants de la famille impériale —
Carrières brillantes ouvertes au talent et à la science — Simplicité et modestie des fonctionnaires — Condition des femmes — Les Chinois ne prennent qu'une épouse — Mariage — Cérémonies qui
l'accompagnent — Enfants — Éducation — Rites funèbres — Temps fixé pour le deuil.
VIII/IX. Mœurs et coutumes : Le nouvel an — Feux d'artifice — Coutumes
chinoises opposées aux nôtres — Fêtes solennelles — Procession du printemps — Encouragements donnés à l'agriculture et à la fabrication delà soie — Cérémonie publique en l'honneur des morts —
Tourbillon chinois — Etiquette — Usages diplomatiques — Dîner d'apparat — Description particulière d'un repas — Politesse asiatique — Cuisine chinoise — Aliments — Boissons — Tavernes publiques —
Amusements — Jeu — Récréations entre convives — Chasses impériales — Patineurs à Péking. — Costume des gens au-dessus du commun — Détention des armes à feu prohibée par les lois — Costumes d'été
et d'hiver — Rareté du linge — Usage général des fourrures et des peaux — Uniformité des modes qui sont réglées par un tribunal particulier — Singuliers honneurs rendus aux magistrats vertueux —
Barbiers chinois — Habillements des femmes — Habitations — Description d'une maison de plaisance — Couverture des toits — Jardins — Meubles — Goût des Chinois pour les antiques — Voyages par
terre — Postes du gouvernement — Itinéraires imprimés — Voyages par eau — Bateaux de transport — Passage d'une écluse sur le canal — Les mêmes procédés employés il y a 600 ans.
X/XI. Villes : Péking. Nanking et Canton.
XII/XIII/XIV. Religion : Sectateurs de Confucius. Bouddhisme. Secte du tao.
XV/XVI. Langue et littérature : Caractères chinois — Racines ou radicaux — Éléments d'une classification philosophique — Langue écrite — Langue parlée — Structure des phrases —
Système moral des Chinois — Règlements pour l'étude — Goûts littéraires — Aphorismes — Historiens — Description chinoise de l'Europe. Biographies — Code des règlements civils — Traductions
européennes — Leurs défauts. — Belles-lettres — Drame — Passion des Chinois pour le théâtre — Négligence des unités — Caractère des drames — Parallèle du théâtre chinois et du théâtre grec —
Intrigue d'une pièce — Division par actes — Analyse d'une tragédie — Poésie — Structure du vers — Caractère de la poésie — Ancienne ode — Poème sur Londres — Romans et nouvelles — Analyse d'un
roman chinois.
XVII. Arts et inventions : Origine chinoise de l'imprimerie — De la poudre
à canon — — De l'aiguille magnétique — Livres imprimés — Manufactures de papier — d'encre — Composition de la poudre à canon — Compas de marine — Variations de l'aiguille — Navigation —
Principaux obstacles aux progrès de la navigation — Arts industriels — Métallurgie — Miroirs métalliques — Gravure — Fabrication de la soie — Éducation des vers à soie — Manufactures de
porcelaine — Bouteilles égyptiennes — Ouvrages en laque — Beaux-arts — Peinture — Sculpture — Musique.
XVIII. Sciences : Division des connaissances humaines en trois branches — Union de l'astrologie et de la médecine — Système physiologique des Chinois, tel qu'il était en Europe
il y a 300 ans — Pratique de la médecine — Usage du moxa — Ignorance des médecins indigènes — Introduction de la vacciné par M. Pearson — Chimie — Préparation mercurielles — Science des nombres —
Géométrie — Géographie — Astronomie. Parallèle entre le système astronomique des Chinois et celui des Hindous — Année lunaire — Cycle de 60 ans — Almanachs — Science mécanique — Machines —
Architecture.
XIX. Histoire naturelle et productions : Classification chinoise —
Avantages résultant de la structure de la langue — Recherches des Européens en Chine — Zoologie — Mammifères — Oiseaux — Reptiles — Poissons — Insectes — Botanique — Plante à thé — Bois à bâtir —
Usages du bambou — Arbres nains — Fruits — Fleure — Géologie — Couches de marne presque inconnues — Abondance du charbon de terre — Rochers — Volcans inactifs — Minéraux et métaux.
XX. Agriculture et statistique : Météorologie — Dévastations annuelles — Typhons nuisibles à l'agriculture — Absence de pâturages — Objets de culture — Réparation des dégâts —
Engrais — Irrigation — Champs de riz — Culture à bon marché — Population — Obstacles à l'émigration — Recensements chinois — Erreurs de statistique — Moyen de les réparer — Dernier recensement —
Contrôles positifs — Taxe territoriale — Revenus — Impôt sur le sel — Dépenses publiques — Perte de revenus — Abus existants.
XXI. Commerce.
Le gouvernement ne se borne pas à prêcher ; la rébellion domestique est traitée à l'égal de
la trahison. Un édit spécial du défunt empereur outrepassa la loi existante, à propos d'un cas survenu dans une des provinces centrales. Un homme avait battu et maltraité sa mère, de connivence
avec sa femme. Le vice-roi ayant adressé un rapport à Péking, la cour résolut de fortifier d'une manière solennelle le principe fondamental de l'empire. La place où avait eu lieu l'événement fut
anathématisée et maudite ; les deux coupables furent mis à mort ; la mère de la femme fut bâtonnée et exilée pour le crime de sa fille ; les étudiants du district furent retardés, dans leurs
examens publics, pendant trois années ; les magistrats privés de leurs emplois et bannis ; enfin la maison habitée par les coupables fut démolie et rasée jusque dans ses fondements.
« Que le vice-roi, ajoute l'édit, fasse connaître cette proclamation et qu'elle soit répandue dans tout l'Empire, afin que le peuple en prenne connaissance ; et s'il y a quelques enfants rebelles
qui résistent à leurs parents, qui les humilient ou qui osent lever la main sur eux, qu'ils soient punis de la même manière. Si vous connaissez, ô peuples, les principes rénovateurs, respectez
alors la volonté impériale ; soyez-y soumis, et ne regardez point le présent édit comme une vaine déclamation, car maintenant je suis résolu à condamner tous les crimes semblables à celui de
Teng-tchen. Je vous somme, du fond de mon cœur, de prendre garde à vous ; j'enjoins aux magistrats de toutes les provinces d'avertir les chefs de famille et les aînés des villages, et de lire les
Instituts sacrés le 2 et le 16 de chaque mois, afin de démontrer l'importance des relations de la vie, et afin que nul ne se révolte contre ses parents, car je prétends rendre l'empire
filial.
Cet édit s'adressait à une population évaluée, ordinairement à 300.000.000 d'âmes.
« Le principe vital, l'âme du gouvernement chinois, dit sir George Staunton, est l'obligation imposée à tout individu de se soumettre à l'autorité des pères et mères qui l'exercent par eux-mêmes
ou par des représentants. Ce devoir, quoique désigné sous le beau nom de piété filiale, doit être considéré beaucoup plus comme une règle générale à exécuter, que comme l'expression d'un
sentiment particulier d'affection ; il est tracé dans leurs plus anciennes annales, et rappelé formellement dans les écrits des premiers philosophes et législateurs. Ce principe a survécu à
toutes les dynasties, à tous les changements, à toutes les révolutions que l'État a subies ; enfin, il est encore aujourd'hui le principe le plus puissant de la constitution chinoise, puisqu'il
se trouve doublement sanctionné par les lois positives et par l'opinion publique.
« Un gouvernement qui a pour base l'autorité paternelle, et qui, d'après ce motif, mérite assurément la plus grande estime, tant par son étendue que par la loi sacrée qui le régit, qui a de plus
l'avantage d'être dirigé par les principes les plus immuables de la nature, doit avoir solidité et durée, deux résultats très rares dans toutes les formes de gouvernement.
« Les Chinois, depuis leur première existence en corps de nation, ont toujours été distingués par ce même lien ; La nombreuse et croissante population de la Chine est réunie en un peuple soumis
dans ses mœurs, dans ses habitudes et sa langue, à une autorité suprême ; il est possible qu'il existe encore longtemps dans cet état, malgré toutes les crises et les convulsions intérieures et
extérieures qu'il éprouverait. »
Le premier des quatre livres de Confucius a pour objet d'enseigner que de la connaissance de soi-même doivent découler l'économie et le gouvernement d'une famille ; du gouvernement d'une famille,
celui d'une province et d'un royaume ; L'empereur est appelé le père de l'empire ; le vice-roi est également le père de la province sur laquelle il domine, et le mandarin celui de la ville qu'il
gouverne ; enfin, le père de chaque famille est le chef responsable et absolu de sa propre maison. Comme l'ordre et la paix sociale sont considérés comme l'unique chose essentielle, on tâche
incessamment d'arriver à ce but. Le système doit une partie de son efficacité à l'inculcation universelle et habituelle de l'obéissance et de la déférence, dans une filière non interrompue,
depuis un bout de la société jusqu'à l'autre, commençant par les rapports des enfants avec leurs parents, continuant par ceux des jeunes gens envers les vieillards, de l'ignorant vis-à-vis de
l'homme instruit, et se terminant par ceux du peuple envers ses gouvernants.
La grande richesse de
l'empire, l'industrie infatigable du peuple et son inviolable attachement à son pays, sont autant de circonstances qui prouvent que si le gouvernement est jaloux de ses droits, il ne néglige
point ses devoirs. Nous ne sommes pas un admirateur enthousiaste du système chinois ; mais nous voudrions expliquer, s'il est possible, les causes qui tendent à la production de biens
inappréciables et dont personne ne songe à contester l'existence. Dans la pratique, il se glisse nécessairement un grand nombre d'abus ; mais au total, et si l'on considère les résultats
définitifs, la machine fonctionne bien, et nous répétons qu'on en trouve d'éclatants témoignages chez la nation la plus gaiement industrieuse, la plus paisible et la plus opulente de l'Asie. Nous
appuyons sur cette qualification de gaiement industrieuse, parce qu'elle est un des premiers traits caractéristiques qui frappent les étrangers arrivant en Chine, et qu'elle démontre
incontestablement que chaque citoyen possède une bonne part des fruits de son travail.
La propagation universelle de l'éducation doit être attribuée à l'influence de presque tous
les motifs de crainte ou d'espérance, capables d'agir sur l'esprit humain ; elle est encouragée par des préceptes positifs et par une concurrence ouverte aux récompenses les plus
honorables.
L'une des raisons les plus décisives qui puissent porter un Chinois à donner de l'éducation à ses enfants, doit être la conviction qu'il est responsable de leurs crimes à quelque époque de leur
vie que ce soit, de même qu'il est récompensé pour leurs mérites. Il arrive souvent que des pères reçoivent de l'avancement par suite de la conduite de leurs fils.
Montesquieu lorsqu'il a condamné violemment la sujétion au châtiment, ignorait ou oubliait qu'elle est jusqu'à un certain point le résultat du pouvoir absolu confié dans la vie au chef de
famille, et que l'exercice de ce même pouvoir doit nécessairement entraîner une responsabilité proportionnelle. Le père n'est pas seulement puni, il est récompensé aussi, selon qu'il a administré
le dépôt placé entre ses mains. Il est facile de comprendre avec quelle force un pareil système agit sur l'éducation ; la seule question à poser est celle de savoir si la somme de liberté
personnelle sacrifiée se trouve balancée par celle du bien public obtenu. Les Chinois sont tellement pénétrés de la haute importance de l'éducation, que leur langue est remplie d'expressions
proverbiales qui y font allusion :
« Pliez le mûrier, lorsqu'il est jeune encore. Si l'éducation ne se répand point dans les familles, comment obtiendra-t-on des gens capables de gouverner ? »
et ainsi de suite. Chaque ville a un lieu public ouvert à l'instruction, et les familles opulentes ont des précepteurs.
Quant à ce qui concerne le caractère d'ordre et de tranquillité qui distingue les Chinois, comme corps de nation, cette autre remarque de Montesquieu est assez juste, savoir que le gouvernement
n'avait point d'autre objet en vue, lorsqu'il prescrivit un certain code de cérémonies et de conduite ; « méthode excellente pour inspirer des sentiments doux et bienveillants, pour maintenir la
paix et le bon ordre, et pour bannir tous les vices qui naissent de la rudesse du caractère. »
Les Chinois sont effectivement, après tout, les hommes les plus paisibles et les plus gais de l'univers ; ils doivent ces qualités à leurs institutions politiques et sociales.
La seconde des seize lectures faites au peuple roule sur l'union et la concorde entre parents ; la troisième, sur l'union et le bon accord entre voisins ; la neuvième, sur la modération
réciproque ; la seizième, sur la conciliation des inimitiés. Ici se décèle peut-être l'origine de leur timidité caractéristique avec ses penchants habituels, l'astuce et la fraude.
Les Chinois ont vécu si longtemps en paix qu'ils ont contracté, autant par habitude que par éducation, une insurmontable horreur pour les troubles politiques. « Il vaut mieux être chien et vivre
en paix, que d'être homme et vivre dans l'anarchie », est une de leurs maximes ordinaires. « C'est une règle générale, disent-ils encore, que les méchants sont toujours passionnés pour le
changement et les commotions, dans l'espérance de pouvoir les mettre à profit ; tandis qu'en suivant un système d'ordre et de tranquillité, les affaires marchent sans confusion, et les méchants
n'ont rien à gagner. » En un mot, ils forment une nation de conservateurs incurables.
D'un autre côté, le peuple paraît avoir exercé son influence, car le premier empereur de la dynastie des Ming remarquait : « La corde d'un arc trop tendue finit par se rompre, et le peuple
opprimé se révolte. »
Un autre souverain disait à son héritier :
— Vous voyez que le bateau dans lequel nous sommes assis est soutenu par l'eau, qui peut en même temps l'engloutir si elle devient agitée ; ressouvenez-vous que l'eau représente le peuple, et que
le bateau seulement représente l'empereur.
Parmi toutes les révolutions intérieures de la Chine, un fait bien digne de remarque, c'est que pas une seule tentative n'a eu lieu pour changer la forme de cette monarchie si pure, fondée sur
l'autorité patriarcale ou en dérivant. L'unique objet à été, dans la plupart des cas, la destruction d'un tyran, ou, lorsque le pays était divisé en plusieurs royaumes, la possession du pouvoir
universel par un chef.
On instruit l'enfant, dès son bas âge, dans les pratiques du cérémonial, et à quatre ou cinq
ans, on lui fait apprendre à lire. L'importance de l'éducation est reconnue en Chine depuis si longtemps, qu'un ouvrage écrit avant l'ère chrétienne parle de « l'ancien système d'instruction » en
vertu duquel toutes les villes et tous les villages devaient être pourvus d'une école commune. Les Chinois aisés emploient des précepteurs, et les autres envoient leurs fils aux écoles de jour,
qui sont tellement suivies, que les honoraires payés par chaque enfant sont d'une extrême modicité. Dans les grandes villes, il y a des écoles de nuit, dont profitent ceux qui sont obligés de
travailler le jour.
Les seize discours de l'empereur Yong-tchin, appelés le Saint-édit, commencent par les devoirs domestiques considérés comme les fondements des devoirs politiques, et le onzième traite de
l'instruction des jeunes rejetons d'une famille. Le docteur Morrison, dans son dictionnaire, a donné un choix de cent règles ou maximes observées dans une école ; plusieurs d'entre elles sont
excellentes. On insiste, entre autres choses, sur l'attention, comme étant d'une haute importance ; on met les enfants en garde contre l'habitude « de répéter avec la bouche, tandis que le cœur
(ou l'esprit) pense à autre chose ». On leur apprend aussi à ne jamais se contenter de ce qu'ils apprennent, mais à demander des explications. Il n'arrive pas souvent que les écoliers soient
passibles de punitions corporelles. La règle est d'essayer l'effet des récompenses et de la persuasion, jusqu'à ce qu'on en ait reconnu l'insuffisance. Dans ce dernier cas, on punit un garçon en
le faisant rester à genoux à sa place devant ses camarades, ou, quelquefois à la porte de l'école tout le temps que brûle un bâton d'encens, depuis une marque jusqu'à une autre. La dernière
extrémité à laquelle on ait recours, est la flagellation.
Le but du gouvernement, ainsi que l'a remarqué le docteur Morrison, en rendant l'éducation générale, n'est pas d'étendre les bornes de l'érudition, mais de faire part de la science déjà connue à
la plus grande portion possible de la génération naissante, et « d'extraire le véritable talent » de la masse de la communauté pour le faire tourner à son profit. Il ne vise nullement au progrès
des sciences. Il exige que l'on étudie les livres traitant d'orthodoxie, et condamne toutes les innovations qui n'en découlent point. On peut voir là une des causes qui rendent les Chinois
stationnaires dans leurs habitudes aussi bien que dans leurs institutions.
Pour ce qui est de la langue, voici les divers degrés d'instruction que l'on fait parcourir aux enfants. On leur apprend d'abord à connaître quelques-uns des principaux caractères (tels que ceux
qui représentent les objets les plus importants de la nature ou des arts). On leur met ensuite entre les mains le San-tseu-king ou « classique trimétrique », sommaire de ce qu'un enfant doit
savoir, écrit en lignes de trois mots, ou pieds. Immédiatement après, on leur donne les « Quatre livres », qui contiennent les doctrines de Confucius, et qui, en y ajoutant les « Cinq King »,
forment les Saintes Écritures chinoises. Ils apprennent les Quatre livres en entier ; le travail de la classe littéraire consiste, en outre, à commenter ces livres ou à composer des essais sur
leur texte. Pour enseigner à écrire, on trace des caractères que l'on couvre d'un papier transparent ; l'enfant les reproduit ensuite avec un pinceau sur ce même papier. En commençant, ils
calquent de cette manière de très gros caractères. Les Transactions of the Royal Asiatic Society contiennent des spécimens de ce genre de calligraphie. Au lieu d'ardoises, ils se servent
communément de planches couvertes d'un vernis blanc pour épargner le papier ; ils lavent l'écriture, lorsque la planche est remplie. Les instituteurs sont extrêmement nombreux, en raison du grand
nombre d'individus qui suivent la carrière des lettres.
Les honneurs signalés rendus aux lettres de préférence aux armes, tendent à ouvrir un vaste
champ à l'ambition. Cette différence paraît nettement établie aux réunions annuelles des mandarins dans les chefs-lieux des provinces pour adorer la châsse de l'empereur (le jour anniversaire de
sa naissance) ; les officiers civils se placent à l'est (la place la plus distinguée), et les autres à l'ouest. Les mandarins civils regardent Confucius comme leur patron particulier, et forment
en effet le haut clergé, dont le seul privilège consiste à sacrifier dans ses temples.
Les descendants en ligne directe de Confucius ont aussi quelques honneurs héréditaires. Le chef de cette race est toujours distingué par le titre de kong, le plus haut des cinq degrés. Il se rend
à Péking une fois par an de Kia-fou-hien, dans la province de Chan-tong où est né le grand philosophe, le grand homme d'État, et reçoit certaines marques de distinction de l'empereur. Le père
Bouvet, en 1693, trouva le gouverneur d'un tcheou (ville du second ordre) d'une des provinces méridionales qui portait le même surnom que le législateur déifié, et qui se disait descendu de lui ;
mais il n'avait obtenu son grade que par son mérite et non par sa naissance.
Les rigoureuses limites posées aux privilèges des diverses espèces de rang héréditaire, et la subdivision perpétuelle des biens parmi les nombreux descendants de chaque individu, empêchent qu'il
surgisse des hommes dangereux par leur influence ou par leurs richesses. La véritable aristocratie de la Chine c'est-à-dire ses gouvernants officiels, sont un corps soumis à une fluctuation
continuelle. Au-dessous d'eux, la noblesse de chaque province est composée de mandarins retirés de la vie publique et de tous ceux qui ont atteint l'un des trois degrés littéraires, ou des neuf
rangs distingués par la boule au sommet du bonnet. Le mérite d'un homme élève très souvent ses parents, et des titres posthumes de dignité sont quelquefois conférés à ses ancêtres pendant
plusieurs générations.
Parmi les causes qui font que les hautes classes de la société en Chine sont complètement dépourvues d'ostentation, et qui empêchent que la prodigalité ne devienne à la mode chez elles, il faut
remarquer la manière dont les fonctionnaires sont établis, indépendamment de leur politique qui doit affecter de la simplicité. Comme nul ne peut remplir un emploi public dans le lieu de sa
naissance, il n'a aucun intérêt à se montrer magnifique dans une résidence d'où, sur le moindre mot, il peut être éloigné ; le séjour le plus long n'est ordinairement que de trois ans : c'est
pour cela que les fonctionnaires sont si mesquins en toutes choses, et que les personnes de leur suite sont souvent déguenillées ; ils font consister le luxe plutôt dans le nombre que dans la
tenue de leurs domestiques.
Ouvrage numérisé grâce à l’obligeance des Archives et de la
Bibliothèque asiatique des Missions Étrangères de Paris. http://www.mepasie.org