Armand David (1826-1900) : Faune chinoise
A partir de :
FAUNE ET FLORE CHINOISE
Les Missions catholiques, Bulletin hebdomadaire illustré de l'Œuvre de la propagation de la foi, Lyon, 1889-1891.
- L'abbé Armand David, correspondant de l'Institut et du Muséum d'Histoire naturelle de Paris, découvre, entre 1866 et 1874, au cours de ses trois expéditions en Chine, Mongolie et Thibet, un grand nombre d'animaux inconnus en Europe, et en envoie des spécimens au Muséum. Sa contribution à la connaissance de la faune chinoise est exceptionnelle.
- Seule la classe des mammifères a été traitée dans ces articles. La flore, bien que mentionnée dans le titre, n'a pas été abordée.
- Nous aurons l'occasion de revenir sur chacune de ces trois expéditions, à travers son journal, dans lequel il nous parle bien entendu d'histoire naturelle, mais aussi de géographie, d'ethnographie, ainsi que du caractère et des mœurs des Chinois. Ici, ces articles ont le mérite de résumer ses principales découvertes en ce qui concerne les mammifères.
Extraits : Quadrumanes. Le genre Macacus - Sciuridés - Ruminants cavicornes
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Table des matières
Classe des mammifères
- Les Quadrumanes
- Les Chéiroptères
- Les Insectivores
- Les Carnassiers : Félidés — Viverridés — Mustélidés — Canidés — Ailuridés — Ursidés.
- Les Rongeurs : Sciuridés — Muridés — Spalacidés — Dipodidés — Léporidés.
- Les Édentés
- Les Pachydermes. Suidés — Équidés.
- Les Ruminants : Camélidés — Tragulidés — Cervidés — Cavicornes — Ovidés — Bovidés.
Le genre Macacus ([avec] abajoues, poches buccales, où s'accumulent les provisions
alimentaires) est richement représenté en Chine : Mac. tibetanus, Mac. tcheliensis, Mac. lasiotis, Mac. Cyclopis, Mac. Sancti-Johannis et Mac. erythreus. Il est à noter que le singe
désigné dans les livres sous le nom de Macacus sinicus ou Bonnet chinois, est une espèce très commune dans l'Inde mais tout à fait étrangère à la Chine.
Le macaque thibétain a été ainsi nommé, parce que c'est dans le pays des Mantze du Thibet oriental, que nous avons trouvé les premiers représentants de cette nouvelle espèce, qui est
sans contredit la plus grande de son genre. Mais, depuis, nous l'avons aussi obtenue dans les montagnes du Fo-kien, à l'est de la Chine ; de sorte que l'on doit admettre qu'elle habite, d'un bout
à l'autre, toute la partie moyenne de l'empire. De même que tous les autres macaques à queue courte (désignés vulgairement sous le nom de maïmons), celui-ci fréquente volontiers les
rochers escarpés et demeure dans les cavernes plus que dans les bois. Nous l'avons rencontré parfois réuni en troupe de vingt ou trente individus, commandés par un vieux de très forte taille,
allant à la maraude par monts et par vaux pour ravager lestement les champs de maïs ou de patates douces.
Et, à propos de la capture du premier Macacus tibetanus, qu'il me soit permis de transcrire ici ce que je trouve noté dans mon journal de voyage.
« Aujourd'hui (11 mars), le temps est beau dans ces sauvages montagnes, perdues d'ordinaire dans le brouillard, et le soleil a brillé pendant la plus grande partie du jour. J'ai profité de cela
pour faire, en compagnie du robuste chasseur qui porte le nom de Gny, une très longue course dans les basses vallées du Hong-chan-tine (mont à la cime rouge qui a 5.000 mètres
d'altitude). La journée commence bien : un premier coup de fusil abat un beau Garrulax et deux Spizixos ; puis nous prenons encore un Cinclus nouveau pour moi, et un
Tichodroma, charmant oiseau aux ailes rouges qui se montre quelquefois sur les rochers élevés de l'Europe méridionale. J'acquiers aussi un second exemplaire de mon nouveau merle
marron, dont je constate que la voix et les allures ressemblent beaucoup à celles de notre merle noir.
Continuant à nous avancer jusqu'au haut d'une longue vallée, à cinq lieues de ma résidence provisoire, je remarque sur la neige, à ma grande surprise, les traces fraîches d'un singe entremêlées
avec les empreintes des grosses pattes d'une panthère. Nous suivions attentivement cette piste depuis quelque temps, en pensant un peu plus à la bête féroce qu'au quadrumane qu'elle avait sans
doute dévoré, quand tout à coup j'aperçois remuer quelque chose vers le milieu d'un immense pan de montagne qui nous barre le chemin ; mais, au lieu du gros félin, dont la pensée nous émotionne
un peu, c'est un malheureux macaque que je découvre dans la fente étroite d'un rocher escarpé où son persécuteur n'avait pu parvenir et qui sans doute avait pris la fuite en nous voyant
approcher. Un heureux coup de fusil fait rouler ce singe à mes pieds. C'est un sujet très vieux et dont les dents, usées jusqu'à la racine, témoignent de la dureté de ses aliments habituels ; sa
queue est très courte et son long poil est d'un brun foncé. La face, nue presque complètement, est couleur de chair et marquée ça et là de taches plus rouges ; les yeux sont petits et châtains.
Je dois avouer que le frisson que produit en moi la vue de cette pauvre bête, qui expire en me jetant son dernier regard, est tel que je prends la ferme résolution de ne jamais plus tirer sur des
animaux qui ont tant de ressemblance avec nous.
Je trouve dans mes notes un autre passage concernant cette même espèce :
« En revenant à notre demeure, nous rencontrons en route un vieux chasseur du pays qui est surnommé l'Attrapeur de singes parce qu'il avait jadis une habileté particulière pour prendre
ces animaux. Chemin faisant, ce brave homme me raconte qu'autrefois le singe brun et le singe jaune étaient très abondants dans plusieurs vallées des principautés thibétaines,
mais que Moupine n'a jamais possédé que le tsin-héou (singe brun) ; et il ajoute que, de cette espèce, il en a bien capturé sept ou huit cents à lui seul, au temps de sa jeunesse.
Il était continuellement appelé çà et là par les montagnards du pays, quand les ravages des quadrumanes devenaient par trop fréquents, afin qu'il détruisît le plus possible de ces redoutables
voleurs, ou du moins qu'il les fît fuir ailleurs lorsqu'ils s'étaient aperçus qu'on en voulait à eux.
Voici comment il procédait : après avoir découvert sur le flanc des montagnes le lieu de passage favori des singes, il y dressait une immense cage en perches solidement reliées entre elles, munie
d'une porte en trappe, et il mettait dans l'intérieur des épis de maïs en abondance et un individu apprivoisé de la même espèce qui servait d'appelant. Les singes du voisinage ne tardaient pas à
accourir et à s'accumuler étourdiment dans le piège. Lorsque le chasseur, qui les avait guettés de loin, sortait de sa cachette et s'approchait de la cage, c'était, nous dit-il, une scène
inimaginable que de voir les captifs se démener furieusement, grinçant des dents et faisant un vacarme étourdissant pour lui faire peur. Mais, malheureusement pour eux, l'Attrapeur de singes
connaissait son monde et, sans se laisser intimider par leurs menaces, il saisissait adroitement par la porte entr'ouverte l'un des prisonniers les plus faibles, le tuait d'un coup de couteau et
l'écorchait séance tenante. Il paraît que cela suffisait pour calmer subitement toute l'assistance : la vue de leur compagnon égorgé et palpitant dans son sang, terrifiait tellement ces pauvres
animaux qu'ils se tenaient désormais immobiles et glacés d'effroi et se laissaient alors prendre sans résistance et lier un à un, pour être ensuite emportés par les aides du chasseur et vendus
aux montreurs de curiosités, ou même pour les boucheries chinoises. Car toutes ces populations orientales, malgré la métempsycose à laquelle elles croient généralement, se nourrissent volontiers
de viande de singe, comme de celle de toutes les autres bêtes, et moi-même, dans plus d'une occasion, je me suis estimé fort heureux d'en pouvoir obtenir, pour donner un peu de variété à notre
riz ou maïs quotidien.
Quant au singe de Pékin (Macacus tcheliensis) il a été ainsi nommé parce qu'il vit
au Tchély, dans les montagnes qui sont au nord-est de la capitale, c'est-à-dire dans une région qui est placée à peu près sous la même ligne iso-thermique que Paris. Il n'y a pas au
monde un autre quadrumane qui réside aussi loin de l'équateur. Et, lorsque j'étais à Pékin, j'ai longtemps hésité à admettre qu'un vrai singe pût exister dans un pays où le thermomètre descend
souvent à 15° ou 20° sous la glace. Il m'a pourtant fallu me rendre à l'évidence, et il est parfaitement constaté que cette jolie espèce, désignée par les Chinois sous le nom de
hoang-héou (singe jaune), réside et se propage dans les montagnes de Tong-lin. C'est de là que provient le sujet qui a servi de type à la première description de l'espèce et à
la gravure que nous faisons reproduire ici. C'est là un fait très remarquable et plein d'enseignement pour la géographie zoologique ! Mais nous devons ajouter que ce singe si septentrional se
retrouve aussi sur d'autres points de l'empire, où l'hiver est moins rigoureux ; pour ma part je l'ai rencontré dans la chaîne du Tsin-lin, entre les deux grands fleuves, au Se-tchuan, et presque
par toute la Chine centrale où se trouvent des bois de quelque étendue.
La couleur ordinaire du Mac. tcheliensis est un roux-jaune qui s'assombrit par l'âge et devient fauve sur le dos, et la partie nue de la face est aussi couleur de chair. Cette espèce
atteint une taille assez forte, mais sans égaler celle du Mac. tibetanus, dont d'ailleurs elle se distingue facilement par sa queue bien plus longue, ainsi que par ses habitudes plus
arboricoles.
On sait que les Chinois aiment à réduire leurs animaux et même leurs plantes à l'état de pygmées, par des moyens artificiels. Ainsi, quand ils parviennent à capturer un hoang-héou en
jeune âge, ils usent d'un procédé assez cruel pour l'empêcher de grandir : ils le privent d'eau rigoureusement et ne lui donnent pour toute boisson que de l'arack ou eau-de-vie de grain.
Nous-même, au cours de nos voyages, nous avons trouvé quelques uns de ces pauvres captifs qui excitaient notre compassion ; liés par une chaîne courte dans un coin de l'auberge, ils faisaient des
efforts désespérés pour venir nous demander de l'eau qu'ils nous voyaient boire. Il n'est point besoin de dire que, malgré l'évident déplaisir des propriétaires, c'est sans aucun scrupule que
nous donnions, pour cette fois, satisfaction à ces malheureux suppliciés.
Des deux cents espèces que l'on range dans cette famille, propre surtout à la
moitié boréale de la terre, aucune ne vit en Australie ni à Madagascar ; la Chine possède des représentants des genres Pteromys, Sciurus, Spermophilus et Arctomys.
Les Pteromys sont de grands écureuils-volants, propres au sud-est de l'Asie, et toujours rares dans les forêts qu'ils habitent. Jusque dans ces derniers temps, les naturalistes ne
comptaient qu'une douzaine d'animaux de ce genre essentiellement indien ; les récentes recherches faites en Chine, nous ont fourni sept espèces nouvelles. Notre gravure représente la plus grande
et la plus belle d'entre elles. Elle est grosse comme un chat ; sa couleur est d'un roux-rouge très vif, passant au jaune clair sur le dos, avec la tête et la poitrine toutes blanches. C'est au
Thibet oriental que nous en avons découvert le premier exemplaire, il a servi de type à la description qui a fait connaître l'espèce ; mais nous avons rencontré encore plus tard ce magnifique
animal dans les montagnes boisées de la Chine centrale, où il paraît être fort rare.
Les Pteromys grandis et pectoralis, Sw., sont aussi des écureuils volants de fortes dimensions et à pelage roux, assez analogues à l'espèce précédente, et qui n'ont été
jusqu'ici observés que dans les forêts de l'île de Formose, où il semble aussi qu'ils sont peu abondants. Quant aux Pteromys melanopterus et Xanthotis, A. M. E., que nous avons
rapportés des parties centrale et occidentale de l'empire chinois, ils sont d'une taille un peu moindre et ils se distinguent aussi par leurs couleurs sombres d'un brun grisâtre mêlé de
blanchâtre. C'est par erreur que le Pter. melanopterus a été indiqué comme vivant aussi dans la Chine septentrionale ; car je sais sûrement que la dépouille d'un animal de cette espèce,
qui a été envoyée de Pékin à notre Muséum national, provenait du Su-tchuen. Le seul écureuil volant du Pétchély est le Pter. Xanthipes, qui est beaucoup plus petit que les
précédents, d'une teinte cendrée obscure, et propre aux montagnes boisées de cette province et de Géhol, où il est d'une extrême rareté. J'ai vu cet animal vivant ; il est d'un naturel maussade,
dort immobile tout le jour et n'a d'activité que la nuit.
Un septième écureuil volant chinois a été fourni par Formose : c'est le Sciuropterus kaïsensis, Sw., qui appartient à un groupe générique se distinguant du précédent par des proportions
moindres toujours, par une queue aplatie au lieu d'être cylindrique, par des couleurs cendrées, et par une dentition de véritable Sciurus. Les naturalistes comptent quinze ou vingt
sciuroptères, répandus dans le nord des deux mondes et dont un, le Polatouche, vit encore dans notre Europe septentrionale, mais en petit nombre.
On sait que les écureuils volants ne volent pas à proprement parler et que leur membrane aliforme ne leur sert que de parachute ; mais, par son moyen, ils peuvent exécuter d'un arbre à l'autre,
des sauts déclives d'une prodigieuse longueur. Ce sont des animaux très vifs pendant la nuit ; mais ils passent le jour endormis, dans un trou, blottis contre un tronc, ou plutôt sur une grosse
branche d'arbre, dont leur pelage possède généralement la couleur : c'est ainsi que les polatouches à robe claire habitent les forêts de bouleau blanc, tandis que j'ai constaté que les
Pteromys roux se tiennent surtout dans les bois de bouleau à écorce rousse, pour lequel j'ai proposé le nom de Betulus rosea. Ils se nourrissent des pousses et de l'écorce de
ces arbres et de toutes sortes de pépins et de fruits, ainsi que d'œufs d'oiseaux qu'ils recherchent en parcourant les branches avec la plus grande agilité ; mais ils sont gauches et embarrassés
à terre.
... C'est dans cette famille des Sciuridés que viennent se placer deux autres animaux
remarquables de la faune chinoise. L'un, le Spermophilus mongolicus, est le souslik d'Orient, auquel les indigènes donnent le nom de Hoang-chou. C'est une sorte de petite
marmotte, ou mieux de chien des prairies qui est très commun dans le plateau de la Mongolie et dans les localités analogues de la Chine nord-occidentale.
Ce joli rongeur se creuse des terriers profonds dans lesquels il reste engourdi tout l'hiver ; il se nourrit de végétaux et d'insectes aussi, et il intéresse beaucoup les voyageurs par ses
fréquents petits cris d'alarme et par la vivacité réjouissante de ses allures. Il est bon à manger, et outre les hommes, tous les rapaces aiment à s'en régaler.
L'autre Sciuridé est la marmotte rousse (Arctomys robustus) qui est représentée dans notre gravure ci-dessus. Nous avons obtenu cette nouvelle espèce ou race, dans les plus hautes montagnes du pays des Mantzes et près du Koukounoor, où elle vit, par bandes aussi, à la proximité des glaces perpétuelles, se nourrissant de végétaux comme notre marmotte vulgaire, et s'enterrant dans ses vastes demeures souterraines pendant les six mois que la neige couvre toute cette région. C'est un animal grand et robuste ; les naturels l'appellent sué-djou (cochon des neiges) et ils le recherchent activement pour leur cuisine.
Outre les animaux domestiques, l'empire chinois possède encore plusieurs représentants
remarquables de ce grand groupe (comprenant environ 150 espèces connues), qui continuent, en petit nombre, à protéger leur existence parmi les montagnes les plus inaccessibles et en
Mongolie.
Ainsi, le Capricornis caudatus est répandu par petites bandes sur les rochers les plus escarpés du nord-ouest ; les hauteurs de Moupine, de leur côté, nous ont fourni le Capric.
griseus et le Capric. cinereus. Une autre race de ces antilopes à longue queue a été indiquée au Fo-kien, tandis que Formose possède le Capric. Swinhoi, le Japon le
Capric. crispus, et que le Népaul et même Sumatra ont aussi chacun une espèce analogue. Or, chose bien étrange ! Il existe, jusque dans les montagnes rocheuses d'Amérique, un animal très
voisin de ce genre chinois.
Les capricornes, que les Chinois appellent Chan-Yang ou chèvres de montagnes, remplacent en Orient notre chamois, dont ils ont l'agilité et la sûreté du pied : comme lui, ils peuvent
grimper et se hisser sur les parois des rocher escarpés. Ils ont le naturel très méfiant et tellement sauvage qu'ils restent complètement rebelles à l'éducation, quelques soins que l'on prenne
pour les apprivoiser.
Quant au Nemorhedus Edwardsii, que je me suis fait un honneur d'appeler du nom du savant membre de l'Institut et doyen de la Faculté des sciences de Paris, il diffère des animaux
précédents par une taille beaucoup plus forte, par des formes plus massives encore, et par ses habitudes sylvicoles ; il vit toujours par paires, et non par bandes, dans l'intérieur des bois du
centre-ouest, où j'ai obtenu les spécimens procurés au Muséum. Lorsque les chasseurs le traquent dans ses retraites, il se décide à sortir de la forêt et à se mettre à l'abri des chiens. Il passe
pour être un excellent gibier.
Le Budorcas est une autre très grande antilope de montagne, à tournure de bœuf et à
formes très étranges. Il n'a presque point de queue, et son chanfrein est arqué comme dans certains moutons ; il porte deux terribles cornes, extrêmement solides, dont les bases se touchent sur
le haut de la tête, et qui se recourbent en devant et se terminent par des bouts aigus. J'ai rencontré plusieurs fois des arbres dont les troncs portaient des entailles profondes faites par le
Budorcas, par manière de récréation ! L'animal très jeune est d'un brun marron, presque couleur de chocolat ; mais il grisonne rapidement en grandissant, et il devient gris-blanc et
presque blanc à l'âge adulte. C'est aussi à Moupine que j'ai eu les exemplaires, de tout âge, qui figurent au Muséum, où jamais l'on n'avait vu un animal pareil ; mais cette espèce, connue des
Chinois sous le nom de Yé-Niou (bœuf sauvage), existe aussi sur les plus hauts sommets de la chaîne du Tsin-ling, au Chen-si, ainsi que dans les montagnes voisines du Koukounoor, où il
paraît qu'il est encore abondant. Jamais, semble-t-il, les chasseurs n'osent attaquer de front ce superbe animal, qui est très courageux et aussi agile qu'il est robuste ; ils m'ont dit qu'ils le
redoutaient autant que le tigre lui-même. Les rares individus que l'on parvient à prendre sont tués au piège, c'est-à-dire, au moyen d'une sorte de gigantesque flèche qui est lancée
automatiquement par un jeune tronc d'arbre plié ad hoc, au passage. Dans les forêts élevées fréquentées par le Yé-Niou, les indigènes dressent beaucoup de ces immenses traquenards, et il
arrive assez souvent que l'homme lui- même s'y trouve pris et embroché. Je frémis encore, en écrivant ces lignes, à la pensée des dangers que j'ai courus parfois, au cours de quelques-unes de mes
explorations, de me trouver ainsi transpercé à l'improviste, comme un simple Gaé-lu !