Philibert Dabry de Thiersant (1826-1898)
LE MAHOMÉTISME EN CHINE ET DANS LE TURKESTAN ORIENTAL
Ernest Leroux, Paris, 1878, 2 tomes 364+532 pages+illustrations.
- Extraits de la préface : "Les sunnites de la Chine et du Turkestan-Oriental, au nombre de plus de vingt millions, issus la plupart d'origine étrangère, sont établis dans le royaume du Milieu depuis onze siècles, et ont su vivre et grandir, au point d'être devenus aujourd'hui un sujet de craintes sérieuses pour le gouvernement des Ta-Tsing."
-
"En outre, par leur dogme plus élevé, plus épuré, par les emprunts intelligents qu'ils ont
faits au christianisme et au confucianisme, par leur esprit de tolérance, et par les sacrifices que leur morale a dû faire aux exigences de leur pays d'adoption, ils constituent une secte
tout à fait distincte de toutes celles connues jusqu'à ce jour, et qui offre, aux hommes d'État et aux philosophes, un vaste sujet d'études et de méditations."
-
"Nous avons divisé notre travail en deux parties. La première comprend le résumé historique des
évènements auxquels ont pris part les musulmans de l'Extrême-Orient, depuis le VIIe siècle jusqu'à nos jours. La deuxième partie comprend le code religieux, embrassant les dogmes, le culte
extérieur et la morale. Les faits historiques ont été puisés aux meilleures sources ; nous avons étudié les dogmes et les rites autant dans les livres que dans les temples."
Extraits : L'établissement des musulmans en Chine - Droits et privilèges - Calendrier - La prière
publique du vendredi
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L'annexion du Mawarannahar par Couteybe-Ibn-Musslim, en l'an 713, est un événement
extrêmement important dans l'histoire de l'islamisme en Chine. Car c'est de cette époque que date l'établissement du mahométisme dans le Khouaresm, qui, plus tard, est devenu le royaume des
hoey-hoey ou mahométans chinois.
En l'an 717, les Turcs occidentaux mécontents des Chinois, prièrent le kalife Omar II et le roi du Thibet de leur prêter leur concours pour les aider à chasser les gouverneurs chinois de
l'Asie-Occidentale. Les Thibétains, les troupes du kalife et les Turcs assiégèrent deux villes dans le pays de Kashgar ; mais, harcelés par de nombreuses hordes turques du voisinage de Tourfan,
qui étaient venues au secours des Chinois, ils furent obligés de lever le siège de ces villes, et une trêve eut lieu entre la Chine, les Turcs occidentaux et le Thibet.
En l'an 719, les rois de la Sogdiane et des autres États voisins envoyèrent des ambassadeurs à l'empereur Hiuen-Tsong pour demander sa protection contre les vexations des Arabes. Sous le règne de
Tai-Tsong, les rois d'Outchang, de Kipin (Cophène), de Samarkand avaient reconnu l'empereur de Chine pour leur suzerain, et, malgré les conquêtes des kalifes lui restèrent toujours fidèles. En la
première année Kai-yuen, 724 du règne de ce même empereur Tai-Tsong, le kalife Hescham offrit à l'empereur des présents parmi lesquels se trouvaient des chevaux, des ceintures, etc. Les annales
des Tang rapportent que l'ambassadeur chargé de remplir cette mission, admis en présence de l'empereur, refusa de faire la cérémonie du koteou, qui consiste à se mettre à genoux et à courber le
front jusqu'à terre. Les ministres conseillèrent à Sa Majesté de punir l'audacieux étranger qui ne voulait pas se prosterner devant le plus grand des souverains. Mais Sa Majesté, écoutant plutôt
les sages avis d'un haut dignitaire, nommé Tchong-Chou-Ling, qui lui représenta respectueusement que cet étranger, en agissant ainsi, ne faisait, sans doute, que se conformer aux usages de son
pays ou aux prescriptions de sa religion, se contenta de demander à l'ambassadeur pourquoi il ne voulait pas faire cette cérémonie à laquelle tous les ambassadeurs s'étaient toujours
soumis.
— Parce que, lui répondit le fier envoyé du kalife, un vrai musulman ne doit s'agenouiller que devant Dieu, le roi des rois.
Les annales ajoutent qu'après de longues hésitations, il consentit à faire le koteou.
En l'an 738 (14e année Kai-yuen du règne de Hiuen-Tsong), un autre ambassadeur nommé Soulyman, vint de la part du kalife Hescham apporter de nouveaux présents, fut traité avec les plus grands
égards, et reçut le titre de Ko-y, ainsi qu'un manteau rouge et une magnifique ceinture. Les rapports devinrent alors de plus en plus intimes entre l'empereur et le kalife, et, lorsqu'en 742, le
roi du royaume de Che (Schash) demanda des secours à l'empereur contre le kalife, l'empereur refusa et en informa le kalife.
Les historiens mahométans racontent qu'un grand nombre de mahométans de Boukhara et de la
Transoxiane, convertis par la volonté des kalifes, et des marchands arabes venus pour chercher fortune en Chine, profitèrent des excellents rapports qui existaient alors entre le kalife et
l'empereur pour se rendre à Tchang-Ngan, où ils obtinrent l'autorisation de résider pour leurs affaires. C'est à cette époque, d'après Ma-Ouen-Ping, que fut construite à Tchang-Ngan la première
mosquée, à laquelle fut donné le nom de Tsin-Kiao-Sze, le temple de la religion pure. Un mandarin, nommé Lo-Tien-Tsio, fut chargé de la surveillance générale des mahométans de la capitale.
Quelques années plus tard, le nom de Tsin-Kiao-Sze fut changé, par ordre de l'empereur, en celui de Tang-Ming-Sze.
En l'an 749, l'empereur Hiuen-Tsong fit mettre à mort le roi de Che et s'empara de son pays. Le fils du malheureux souverain, ainsi que les princes du royaume, implorèrent alors l'assistance du
kalife Mérivan II, offrant de le reconnaître comme suzerain, s'il voulait venir à leur aide. Le kalife s'empressa d'envoyer une armée qui défit complètement l'armée chinoise, près de Tharas. En
l'an 752, le roi du Tsao occidental (pays au nord-ouest de Samarkand), et celui du Ngan, à l'est de Samarkand, prièrent ce même empereur Hiuen-Tsong de les protéger contre le kalife à robe noire
(Aboul-Abbas). Quelque temps après, éclata la grande rébellion d'An-Lo-Chan, dont nous avons parlé plus haut. Le kalife Abou-Giafar envoya, au secours de l'empereur Sou-Tsong, 4.000 hommes de
troupes d'élite, sous les ordres d'un général nommé Kotche. Lorsque la rébellion fut écrasée, ces 4.000 Arabes, suivant plusieurs historiens, ne retournèrent pas dans leur pays. Ils commirent,
dit-on, de graves désordres à Lo-yang, capitale de l'est de l'empire, et reçurent l'ordre de se rendre à Canton, où des navires avaient été préparés pour les transporter en Arabie. Mais, arrivés
dans cette ville, leurs coreligionnaires, qui étaient déjà nombreux, leur ayant reproché d'être restés trop longtemps avec les infidèles et d'être devenus des mangeurs de porc, ils refusèrent de
s'embarquer en disant qu'ils ne voulaient pas s'exposer à de pareils reproches, une fois de retour dans leur pays. Le gouverneur voulut les y obliger par la force ; ils s'unirent alors aux
marchands arabes et persans qui se trouvaient dans le port, et s'emparèrent de la place, dont ils pillèrent les principaux magasins. Le gouverneur se sauva en sautant du haut des remparts, et ne
put rentrer que lorsqu'il eut obtenu de l'empereur l'autorisation pour les 4.000 soldats de demeurer en Chine, où ils se marièrent avec des femmes du pays et formèrent le noyau des mahométans
répandus aujourd'hui dans le Céleste-Empire.
Les mahométans jouissent, en Chine, des mêmes droits et des mêmes privilèges que les autres
sujets du gouvernement impérial. Ils peuvent être agriculteurs, ouvriers, marchands, notables, mandarins, si leurs moyens ou leurs aptitudes le leur permettent. Ils occupent des emplois dans
l'armée, les prétoires, l'académie des Han-Lin et jusqu'auprès de l'empereur. Néanmoins, ils mettent tous leurs soins à se faire oublier et à ne pas blesser les susceptibilités, ainsi que les
préjugés des fonctionnaires et des lettrés, disciples fervents de Confucius. Ils portent les mêmes vêtements que les autres Chinois, la longue robe, la queue et la coiffure nationale qu'ils
remplacent, lorsqu'ils sont dans leurs mosquées, par un bonnet de forme tronc-conique de diverses couleurs. Leurs mosquées ne dépassent pas les autres temples, et ils ont supprimé le minaret, par
crainte du fong-choui, cette superstition absurde qui a tant d'influence sur les masses chinoises. Ils ne s'en tiennent pas là ; ils assistent aux fêtes populaires, contribuent dans une certaine
limite aux collectes ou quêtes faites en faveur d'œuvres qui ne les intéressent nullement, et ceux qui exercent des fonctions élevées n'hésitent pas à accomplir les cérémonies religieuses fixées
par le tribunal des Rites. En un mot, ils s'appliquent à respecter en tout la loi et les usages de l'empire, aux dépens même des prescriptions de leur religion dont ils ne parlent jamais. Si, par
hasard, ils sont amenés à discuter avec des lettrés des questions de doctrine, ils cherchent à leur démontrer que le seul point dans lequel ils diffèrent de leur école confucianiste, c'est que,
conformément aux enseignements de leur maître révéré qui défend l'adoption de nouveaux usages, ils s'en tiennent aux traditions de leurs ancêtres pour tout ce qui concerne les mariages, les
enterrements, qu'ils ne mangent pas de viande de porc, ne boivent pas de vin, ne fument pas de tabac, font des ablutions, et proscrivent la débauche ainsi que les jeux de hasard. Y a-t-il, dans
tout cela, ajoutent-ils quoi que ce soit de répréhensible ? Ces idées ont fini par prévaloir, même dans la classe la plus instruite, qui regarde le mahométisme comme un mélange de confucianisme
et de bouddhisme.
« La religion arabe, a dit un écrivain chinois du XVIIIe siècle, prescrit, pour le culte de
l'Être suprême, ce que Confucius a ordonné pour le Chang-Ty ; elle n'y a ajouté que ce qu'on a emprunté au bouddhisme et qui a trait à la prière, au jeûne, à l'aumône, aux récompenses et aux
peines après la mort, et à certaines cérémonies du culte. Elle ne condamne pas la loi morale, c'est-à-dire la loi naturelle, et en autorisant les sacrifices supérieurs au ciel, au soleil, à la
terre, à la lune ; les sacrifices moyens aux génies des montagnes, de l'eau et de la terre ; les sacrifices inférieurs dans les temples des ancêtres et sur les tombeaux, elle fait preuve d'une
tolérance éclairée dont on doit lui tenir compte. »
Le gouvernement a toujours manifesté, au sujet de l'islamisme, une opinion plus ou moins favorable, et l'on peut citer de nombreux décrets, publiés à diverses époques, pour rappeler aux
populations que la doctrine de Mahomet n'a pas d'autre but que d'enseigner la pratique du bien, ainsi que l'observation des obligations naturelles et des devoirs sociaux, et que si elle présente
quelques différences avec les autres doctrines, il fallait considérer ces différences comme de simples questions de pays et de mœurs parfaitement comprises par son fondateur.
« Les mahométans », disait l'empereur Yong-Tching, infligeant en 1732 un blâme sévère au grand juge du Ngan-Hoey, qui lui avait adressé contre la religion musulmane un rapport malveillant et
mensonger, « sont devenus enfants du pays, et appartiennent, comme tous les autres, à la grande famille chinoise. J'entends qu'on les laisse libres de professer leur religion, et qu'ils soient
traités comme mes autres sujets, pourvu qu'ils respectent les lois de l'empire. La religion est une affaire de conscience que nul n'a le droit de scruter. »
Le calendrier chinois fut modifié sous le règne de Ou-Ouang (1.122 ans avant J.-C.). Un des
premiers actes de ce souverain fut d'ordonner que la lune ou le mois dans lequel se trouve le solstice d'hiver fût la première lune de l'année et on détermina que l'heure de minuit commencerait
le jour civil. Lorsque la dynastie des Mongols s'empara du trône, de nombreuses erreurs s'étaient glissées dans le calendrier qui n'indiquait plus exactement le retour des solstices et des
équinoxes. Houpilie (Koublai-Khan) donna alors l'ordre aux mahométans Mahomo et Machaouke (Machouk le doyen), directeurs de l'observatoire impérial, de faire les corrections nécessaires. La
direction de l'observatoire impérial resta entre leurs mains jusqu'à l'arrivée des savants missionnaires jésuites. En 1666, le révérend père Verbiest fut nommé président du tribunal des
Mathématiques ou du bureau des Astronomes. Depuis cette époque, le calendrier chinois n'a pas éprouvé de changement ; il est publié chaque année par le gouvernement et c'est plutôt un manuel
d'astrologie judiciaire qu'un véritable calendrier. Les mahométans se servent pour leur usage d'un calendrier spécial dont nous donnons plus loin un spécimen tel qu'il se vend à Canton. Il est,
du reste, à peu de chose près, le même dans tout l'empire.
On remarquera dans ce calendrier que les mahométans chinois ont adopté l'ère des autres musulmans commençant au 16 juillet 622 après J.-C., époque à laquelle Mahomet s'enfuit de la Mecque pour se
retirer à Jathreb (depuis Médine).
Ainsi donc l'année 1876 correspond à l'année 1293 de l'hégyre. Elle a commencé le 3 de la première lune chinoise. Les noms des mois sont en arabe, celui des jours en persan. La date de chaque
vendredi, c'est-à-dire des jours de la prière publique, est donnée ainsi que celle des fêtes religieuses. On indique ensuite les saisons et les jours considérés comme heureux ou malheureux par
les astrologues. Pour les musulmans chinois, le jour civil commence au coucher du soleil. Les muezzinns chargés de l'annonce des heures canoniques doivent connaître les moments précis où le
soleil se lève et se couche, afin de ne pas commettre d'erreur au sujet des cinq temps canoniques. Trois de ces temps sont les mêmes dans toutes les saisons de l'année parce qu'ils sont réglés
sur le cours périodique du soleil. Ainsi le premier ou celui du matin commence toujours 46 minutes avant le lever du soleil, le second ou celui de midi, quarante minutes après qu'il a passé au
méridien et le quatrième ou celui du soir, vingt minutes après son coucher. À l'égard des deux autres, dont l'un est de midi jusqu'au soir, et l'autre du soir jusqu'à l'aurore, ils commencent
plus tôt ou plus tard, suivant la longueur ou la brièveté des jours. Il existe trois moments prohibés, pendant lesquels on ne peut faire ni la prière ni aucun acte religieux. Ces trois temps
interdits par la loi sont : 1° Les quarante minutes qui suivent le lever du soleil ou qui précèdent son coucher ; 2° Les quatre-vingts du milieu du jour, quarante minutes avant et quarante
minutes après le zénith.
Le calendrier dans le Turkestan-Oriental ressemble à tous les calendriers mahométans, avec l'année et les mois lunaires. Pour les travaux de l'agriculture, on fait usage des mois solaires et des
signes du zodiaque.
La prière publique en assemblée a pour but de rappeler aux fidèles que les natures doivent
retourner au Vrai-Un. Tsao, réunion, est l'opposé de la dispersion, San. Avant la création de l'univers, quand tout était dans le chaos, toutes les merveilles étaient concentrées dans l'essence
nécessairement existante du Vrai-Un. Mais, dès que la création fut opérée, alors le haut et le bas furent distincts, et chaque chose reçut son nom, sa nature, son mandat ; ainsi, ce qui était
réuni fut dispersé. Si, laissant de côté les choses d'ici-bas, on se réunit dans un endroit propre et tranquille, et que là, de toutes les forces de son corps et de son cœur, on se rapproche de
Dieu, on tend à réunir dans le Créateur ce qui existait en lui avant la création ; et, comme chacun ne doit avoir qu'un seul but, celui de retourner à l'essence du Vrai-Un, la prière publique
facilite ce retour. Les fidèles doivent consacrer un jour de la semaine à cet acte important de la religion, en signe d'hommage et de reconnaissance envers l'Éternel, pour avoir créé l'homme ce
jour-là, et comme expression du désir que l'on a de retourner à lui.
Le monde a été créé en sept jours ; le jour qui a précédé le premier jour, Dieu a fait le ciel ; le premier jour, la terre ; le deuxième jour, le soleil, la lune et les étoiles ; le troisième
jour, les événements heureux et malheureux ; le quatrième jour, les plantes et les arbres ; le cinquième jour, les animaux ; le sixième jour, l'homme.
Les planètes mettent sept jours pour accomplir leurs révolutions.
L'enfant, avant de naître, reste dans le sein de sa mère au moins trente semaines, c'est-à-dire deux cent dix jours, un multiple de sept ; dans ce cas, il peut vivre, mais également il peut ne
pas vivre ; après quarante semaines (deux cent quatre-vingts jours), autre multiple de sept et qui est le maximum du temps où il reste dans le sein de la mère, sa vie est assurée. La naissance de
l'enfant entre ces deux époques, ou après ces deux époques, est toujours marquée par une semaine. On trouve, dans le livre Kien-Fang-Py que la naissance de l'enfant doit avoir lieu après que la
lune a parcouru, à partir de la conception, ou neuf cercles et demi dans le ciel (deux cent cinquante-neuf jours), ou dix cercles (deux cent soixante-dix-sept jours), ou dix cercles et demi (deux
cent quatre-vingt-sept). Or, chacun de ces nombres est un multiple de sept. La durée de la vie de l'homme est comptée également par semaine. Le même auteur que nous venons de citer prétend que
certaines personnes peuvent prédire la durée de la vie, d'après le temps que l'enfant a passé dans le sein de sa mère.
L'homme, après sept jours, doit, en signe d'allégresse, remercier Dieu d'avoir créé
l'univers. C'est en ce même jour, que le genre humain a été créé, qu'Adam a établi les lois, qu'Abraham est sorti de la fournaise, que Noé a été sauvé du déluge, que Moïse a vaincu l'orgueilleux
Pharaon, et que Jésus est monté au ciel. C'est enfin en ce jour que Mahomet a reçu de Dieu le mandat d'instituer sa religion, qu'il a converti la Mecque, et qu'il a fui à Médine. L'importance et
la noblesse de ce jour sont indicibles. Celui qui, en ce jour, fait de bonnes œuvres acquiert cent fois plus de mérites.
Tous les fidèles, ce jour-là, doivent se rassembler pour faire les prières publiques, c'est ce qu'on appelle l'assemblée. Tout acte civil et mondain, les affaires publiques, les marchés, les
ventes, les achats, doivent être suspendus.
Le roi doit rester dans son palais et ne pas s'occuper des affaires de l'État ; les magistrats ne doivent pas juger, et le peuple doit également se reposer de ses travaux. Les prisonniers doivent
être délivrés de leurs instruments de supplice ; on ne doit pas se mettre en colère contre les esclaves et les domestiques, et on doit profiter de cette occasion pour distribuer des aumônes aux
pauvres.
Quand le soleil est au zénith, c'est-à-dire à l'heure canonique de midi, les Muezzins doivent appeler les fidèles à la prière. Ceux-ci, après avoir purifié leur corps et leur cœur, doivent se
vêtir d'habits propres et parfumés et se rendre aussitôt à la mosquée. En entrant dans le temple, ils doivent faire les prosternations et les salutations prescrites. Quand toute l'assemblée est
réunie, un chef de la religion dirige les cérémonies, et l'on doit se conformer au rituel. Des rangs et des classes sont disposés ad hoc. Le roi est au premier rang ; s'il n'y a pas de roi, il
est remplacé par les propres chefs de la religion, après lequel viennent les magistrats, et ensuite tous les fidèles selon leur rang. On doit être placé de telle sorte que chaque file en se
prosternant ne touche pas celle qui est devant elle. Pendant ce temps, le plus grand silence doit régner à l'intérieur et à l'extérieur du temple. Les chefs sont placés un peu plus haut que les
autres assistants. On commence d'abord par louer les attributs de Dieu, les vertus et les mérites des saints, et des sages ; ensuite des exhortations sont adressées à tous les fidèles sans
exception, roi, magistrats ou peuple, pour les engager à remplir leurs devoirs.
Quand cette espèce de prône est terminé, on doit faire le rik'ath prescrit soit en commun, soit privément. La cérémonie finit par des prières et des demandes à Dieu pour obtenir le pardon de ses
péchés. La prière publique, pour être faite d'après les rites, ne peut avoir lieu que dans une ville royale, ou bien il faut y suppléer par des rik'aths supplémentaires. Le roi doit y être
présent ou, à son défaut, son vicaire ou bien un notable. Dans les cités, les mandarins remplissent cette condition ; en leur absence, on choisit un sage ou un homme vertueux. Mais, excepté ces
derniers, aucun autre ne peut remplacer le souverain. L'oraison nommée khoutbé est indispensable ce jour-là. La prière doit se faire à l'heure de midi et jamais dans aucune autre heure du jour.
Pour faire cette prière, il faut qu'il y ait assemblée de fidèles, c'est-à-dire qu'il y ait au moins trois fidèles réunis dans le temple, non compris l'iman. Aussi, tous les fidèles sont-ils
obligés de s'y rendre, à l'exception des esclaves, de ceux qui habitent loin de la ville, des voyageurs qui ont un voyage de trois jours à faire, des vieillards et des infirmes.
« O fidèles, a dit l'Écriture, dès que vous entendrez la voix du Muezzin vous appelant à la prière publique, accourez, laissez de côté toutes les choses de ce monde, et venez demander à Dieu de
vous protéger. »
Le Prophète a dit :
« Celui qui, sans motif légitime, manque à la prière publique des vendredis, trois semaines de suite, est censé avoir abjuré sa foi.
Le jour de la prière publique est le sixième jour de la semaine. En Arabie, les jours sont comptés ainsi : le premier jour de la semaine est en dehors des autres ; de sorte que le dernier est le
sixième. Depuis la création du monde jusqu'à présent, ce jour n'a pas changé. C'est pourquoi ceux qui croient que le jour des prières publiques doit être le samedi ou le dimanche sont dans
l'erreur.
Quand on va à la mosquée pour faire la prière publique du vendredi, il faut surtout prier de cœur, afin que sa propre nature se rapproche de la divinité.