Gabriel de Magalhaes (Magaillans) (1609-1677)
NOUVELLE RELATION DE LA CHINE
contenant la description des particularités les plus considérables de ce grand empire,
composée en l'année 1668,
et traduite du portugais en français par l'abbé Claude Bernou. Claude Barbin, Paris, 1688, XXIV+396 pages.
Lire ici la présentation de François-Yves Damon
- Préface du traducteur : "Ceux qui liront cette Relation verront aisément que les matières qu'il a traitées, ou ont été entièrement omises par les autres auteurs, ou n'ont été touchées qu'en passant ; & comme elles sont presque toutes fort curieuses, j'espère qu'on me saura quelque degré d'avoir entrepris de la traduire."
- "En effet, il me semble qu'elle a tous les avantages qui la pouvaient rendre recommandable... On y parle amplement de la langue chinoise, de ses lettres, & de leur composition, de ses mots, de sa beauté, & de la facilité qu'il y a à l'apprendre, ce qui en donne une idée bien différente de celle qu'on avait eue jusqu'ici ; des livres des Chinois, de leur antiquité, & de leur grand nombre sur toutes sortes de sujets ; de l'ancienneté de ce royaume & de ses rois ; de la certitude & de la belle suite de la chronologie chinoise depuis les siècles voisins du déluge. On y fait connaître l'industrie des Chinois en beaucoup de choses, leur merveilleux gouvernement, & tous leurs différents tribunaux, avec une infinité de circonstances. On y fait un dénombrement exact de tous leurs ouvrages publics, & une particulière description de quelques ponts magnifiques, du Grand canal, de la ville de Pe kim, de leurs plus belles maisons, de leurs principaux temples, & du vaste palais de l'empereur, qui en comprend plusieurs autres, & qui donnera lieu d'admirer leur architecture, & la forme & la disposition de leurs édifices."
- "L'auteur était bien instruit de toutes les choses qu'il raconte. Il avait parcouru presque toutes les parties de la Chine, depuis l'an 1640 jusqu'en 1648 qu'il fut amené à Pe kim, & il demeura environ 29 ans à la cour, c'est-à-dire jusqu'à sa mort arrivée en 1677, sans en sortir jamais que pour un voyage qu'il fit à Macao par ordre de l'empereur. Un si long séjour, la connaissance de la langue & des livres, la fréquentation des personnes les plus considérables de l'État, la liberté qu'il avait d'entrer dans le palais, le choix qu'il a fait des matières, & les particularités qu'il en rapporte, persuaderont aisément qu'il était parfaitement informé des choses dont il parle."
Extraits :
L'orgueil insupportable des Chinois — L'origine de la fête des lanternes — Réveille-matin — Radeaux de
bois
Fin de noblesse — Acheter une charge — Rendre ses devoirs à l'empereur — Sortir du palais
Feuilleter
Télécharger
Cette longue durée, & les autres excellences de la Chine que nous avons rapportées
ci-devant, ou dont nous parlerons dans la suite de cet ouvrage, inspirent aux Chinois un orgueil insupportable. Ils estiment au souverain degré leur empire & tout ce qui leur appartient,
& méprisent au dernier point les étrangers & tout ce qu'ils ont d'avantageux, quoiqu'ils en aient très peu ou point du tout de connaissance. Et il ne faut pas s'en étonner, puisque
l'orgueil ne vient que de l'aveuglement & de l'ignorance. Dans leurs cartes ils donnent à la Chine une vaste étendue ; mais ils représentent autour les autres royaumes sans ordre, sans
position & sans aucune marque de bonne géographie, petits & raccourcis & avec des titres ridicules & méprisants. Par exemple, Siaò gîn qūe, ou royaume dont les habitants sont tous
nains, & si petits, qu'ils sont obligés de se lier plusieurs ensemble pour s'empêcher d'être enlevés par les aigles & par les milans : Niù gîn qūe, royaume où tous les habitants sont
femmes, qui conçoivent en se mirant, & voyant leur figure dans un puits, ou dans une rivière, & n'enfantent que des filles ; Chuen Sin que, royaume où ils ont tous un trou à la poitrine,
dans lequel ils mettent un bois & se portent ainsi les uns les autres ; royaume dont les habitants ont le corps d'homme, & le visage de chien ; royaume où les hommes ont les bras si
longs, qu'ils vont jusqu'à terre. Et beaucoup d'autres choses semblables. Enfin ils représentent les États voisins, comme sont les Tartares, les Japonais, ceux de la presqu'île de Corée, &
les autres qui sont autour de la Chine, avec ce titre, Les quatre Barbares. Ils disent qu'au dehors de la Chine, il y a soixante & douze royaumes, qu'ils dépeignent tous petits & au
milieu de la mer, comme autant de coquilles de noix, & leurs habitants laids, difformes & monstrueux, avec des gestes si ridicules ou si terribles, qu'ils ressemblent plutôt à des singes
ou à des bêtes farouches, qu'à des hommes. Dans ces derniers temps ayant appris quelque chose de l'Europe, ils l'ont ajoutée à leurs cartes, & l'ont placée au milieu de la mer, comme si
c'était l'île de Tenerife, ou quelque île déserte ; & c'est pour cela que le viceroi de Quam tum, l'année 1668, après avoir parlé de l'ambassade des Portugais dans un mémoire qu'il envoya à
l'empereur, ajouta ces mots : On voit bien que l'Europe n'est autre chose que deux petites îles au milieu de la mer.
Ils divisent le Ciel en vingt-huit constellations, & la Chine en autant de quartiers, à chacun desquels ils attribuent une de ces constellations, dont ils leur donnent le nom, sans en laisser
une seule pour les autres royaumes. Ils donnent au leur des titres élevés & magnifiques, & aux pays étrangers des noms barbares, désagréables & méprisants, afin de relever leur empire
par l'abaissement de tous les autres États.
Dans le temps que j'étais avec le père Louis Buglio dans la capitale de la province de Sú chuen, il s'éleva une persécution contre la religion chrétienne, excitée par plusieurs milliers de bonzes
qui s'assemblèrent de toute la province, & dans le même jour nous accusèrent dans tous les tribunaux de la ville, principalement au tribunal criminel appelé Gán chā sū, dont le président
répondit à la requête des bonzes de cette manière.
« Si ces étrangers demeurent dans leur maison sans en sortir, ni enseigner de nouvelles inventions, cet empire est si vaste, qu'il peut contenir ceux du pays & les étrangers, y ayant assez de
place pour tous. Mais s'ils enseignent une nouvelle doctrine différente des saintes & des véritables que nous professons dans ce grand empire, & s'ils prétendent surprendre & tromper
le peuple, qu'ils soient punis chacun de quarante coups de fouet & chassés de la province. »
Le père Nicolas Longobardo ayant parlé longtemps de la loi de Dieu à quelques eunuques, & avec des raisons & des arguments si solides, qu'on voyait assez qu'ils en étaient convaincus
intérieurement, ils ne répondirent que les paroles suivantes.
« Qu'est-ce que nous voyons ? qu'est-ce que nous entendons ? Se peut-il faire que hors ce grand empire il y ait quelque règle ou quelque chemin pour arriver à la véritable vertu ? Y a-t-il
quelqu'autre croyance ou quelqu'autre loi ? »
Il m'est arrivé à moi-même plusieurs fois, que parlant à des lettrés de la religion chrétienne & des sciences de l'Europe, ils me demandaient si nous avions leurs livres ; & comme je leur
disais que non, ils me répliquaient tous surpris, incertains & scandalisés, si dans l'Europe vous n'avez pas nos livres & notre écriture, ainsi que vous l'avouez vous- mêmes, quelles
lettres & quelles sciences pouvez-vous avoir ? Toutefois ces infidèles sont dignes de compassion & d'excuse, parce qu'il n'est pas possible de s'imaginer la haute idée que non seulement
les grands seigneurs & les gens de lettres, mais encore le petit peuple, se forment de cet empire. Et certainement outre que notre nature nous porte toujours à nous estimer nous-mêmes &
tout ce qui nous appartient, plus que tout le reste du monde, les grandeurs & les avantages extraordinaires de ce royaume contribuent beaucoup à remplir l'esprit des Chinois de folles
imaginations & d'un orgueil sans égal.
Les Chinois racontent de la manière suivante l'origine de cette célèbre fête des lanternes :
Ils disent que peu de temps après l'établissement de leur empire, un mandarin aimé de tout le monde pour ses vertus & ses rares qualités, perdit sur le rivage d'un fleuve sa fille qu'il
aimait uniquement. Il sortit pour la chercher le long de cette rivière ; & comme on lui portait une grande affection, tout le peuple le suivit avec des flambeaux & des lanternes, pleurant
& gémissant à son imitation. Ils la cherchèrent longtemps, en descendant & remontant le fleuve, de même que Cérès sa fille Proserpine : mais leurs soins furent inutiles, puisqu'ils ne la
trouvèrent point. Voilà l'opinion du peuple. Mais comme cette histoire ressemble fort à celle qui a été cause de la fête qu'on célèbre le cinquième jour de la cinquième lune, que ceux de Macao,
si je ne me trompe, appellent Lumba Lumba, & les Chinois, lûm chuên, c'est-à-dire, barques faites en forme de dragon, dans lesquelles ils courent ce jour-là sur les rivières ; les lettrés
donnent dans leurs livres une autre origine à la fête des lanternes, en ces termes. Il y a près de trois mille cinq cents ans que le dernier roi de la première famille Hia, nommé Kie, dont nous
ayons parlé ci-devant, qui était extraordinairement cruel & adonné à ses plaisirs, s'entretenant un jour avec celle des reines qu'il aimait le plus, & dont il était passionné jusqu'à la
folie, se plaignit du peu de durée des plaisirs de cette vie ; qu'il y avait peu d'hommes qui vécussent cent ans ; qu'il n'y en avait pas un qui les passât tous entiers dans la joie & les
divertissements ; qu'en hiver les jours étaient courts, & les nuits fort longues ; & en été au contraire, les jours longs, & les nuits courtes ; que cette inégalité faisait que
l'homme ne pouvait prendre aucun passe-temps capable de le satisfaire ; qu'à peine le soleil était levé, qu'il se couchait, qu'il en était de même de la nuit ; que le temps allait avec trop de
vitesse ; qu'il n'était pas assez long pour contenter nos désirs, & qu'il ne savait pas pourquoi la nature nous traitait avec tant de rigueur & de cruauté.
— Cela n'est rien, lui répondit la reine, je sais un moyen pour prolonger le temps de telle sorte, qu'il suffira pour vous satisfaire ; faites d'un mois un jour, & d'une année un mois ; &
ainsi les années, les mois & les jours seront si longs, que vivant dix ans, vous aurez cent années de plaisir & de joie.
— Cette invention serait excellente, répondit le roi, si vous aviez le pouvoir d'arrêter ou de retarder le mouvement du ciel, du soleil, de la lune & des étoiles.
— J'avoue, lui dit-elle, que ni vous, qui êtes fils du Ciel, & maître d'un si grand empire, ni moi, ni aucune puissance humaine ne peut changer les lois de la nature. Mais vous pouvez oublier
le temps, les cieux, & les astres, en en fabriquant de nouveaux & un nouveau temps, de la manière suivante. Faites bâtir un palais dont les salles & les chambres soient faites de
telle sorte qu'elles n'aient ni portes, ni fenêtres, & que la lumière du soleil, de la lune & des étoiles n'y puisse entrer par aucune ouverture. Quand elles seront achevées &
parfaitement obscures, mettez-y tout ce que vous avez d'or, d'argent, de pierres précieuses, de tapis & de riches meubles, assemblez-y ce qui vous plaît davantage, je veux dire quantité de
jeunes hommes & de filles, tous choisis & sans aucun défaut. Alors nous y entrerons vous & moi, & nous serons tous sans aucuns vêtements, mais tels que la nature nous a formés.
Ces préparatifs étant faits, vous ferez tout d'un coup paraître mille flambeaux & mille lanternes, qui formeront une nouvelle lumière, & vous faisant voir les objets que vous aimez avec
tant de passion, vous feront oublier le temps, les cieux, le soleil & la lune, & enfin vous-même ; & vous serez si charmé, qu'un mois ne vous paraîtra qu'un jour, & une année un
mois ; les flambeaux & les lanternes vous tiendront lieu de soleil, de lune & de planètes, & chaque salle vous semblera un ciel orné d'étoiles ; & par ce moyen vous vous
fabriquerez de nouveaux cieux & un nouveau temps.
Cet empereur insensé se laissa persuader, & exécuta tout ce que cette reine impudique lui avait conseillé. Il passa une année entière dans ce palais, s'abandonnant à toutes sortes de plaisirs
déshonnêtes, sans se souvenir de sa cour, ni de son empire. Ces folies & plusieurs autres actions injustes & cruelles obligèrent ses sujets à se soulever & à élire en sa place
l'empereur Chim tam, chef d'une nouvelle famille, duquel nous avons parlé ci-devant. Après la mort de l'empereur Kie, les Chinois détruisirent son nouveau palais, où il faisait tant d'actions
infâmes & détestables, & abolirent toutes les ordonnances de ce tyran, à la réserve de cette invention des flambeaux & des lanternes, qu'ils conservèrent pour célébrer la fête dont
nous parlons.
Dans toutes les cités & les villes de l'empire il y a deux tours, dont l'une s'appelle
la tour du Tambour, & l'autre, la tour de la Cloche, qui servent à marquer la veille ou la garde de la nuit. Les Chinois divisent la nuit en cinq parties, plus grandes ou plus petites selon
que les nuits sont plus longues ou plus courtes, & elles sont ainsi plus grandes en hiver qu'en été. Au commencement de la nuit ou de la veille, la sentinelle frappe plusieurs coups sur le
tambour, & la cloche lui répond de même. Après cela, durant tout le premier quartier, la sentinelle frappe un coup sur le tambour, & l'autre sentinelle en donne aussitôt un autre avec le
marteau sur la cloche. Environ l'espace d'un credo après, ils donnent chacun un coup au tambour & à la cloche, & continuent de même jusqu'au commencement de la seconde partie de la nuit.
Alors ils donnent chacun deux coups & continuent, comme il a été dit, jusqu'à la troisième partie ; à la quatrième ils en donnent quatre ; à la cinquième cinq, & au point du jour ils
redoublent les coups, ainsi qu'au commencement de la nuit. De cette manière, en quelque temps de la nuit que l'on s'éveille, on entend le signal de toute la ville, à moins que le vent ne
l'empêche, & on sait quelle heure il est.
Les Chinois ont trouvé, pour régler & mesurer les parties de la nuit, une invention digne de la merveilleuse industrie de cette nation. Ils mettent en poudre un certain bois en le râpant
& le pilant ; ils en font une espèce de pâte, dont ils forment des cordes & des bâtons de diverses figures. On en fait quelques-uns d'une matière plus précieuse, comme de sandal, de bois
d'aigle, & d'autres bois odorants, & de la longueur d'un doigt ou environ, que les personnes riches & les lettrés font brûler dans leurs chambres. Il y en a d'autres plus ordinaires,
d'une, de deux & de trois coudées de longueur, & même d'une, de deux & de trois aunes, & un peu plus ou un peu moins gros qu'une plume d'oie, qu'ils brûlent devant leurs pagodes
ou idoles. Ils s'en servent aussi comme d'une mèche pour porter du feu d'un lieu à un autre. Ils font ces cordes de poudre de bois d'une grosseur égale, en les passant par une filière, ou un trou
fait exprès. Ensuite ils les entortillent en rond, en commençant par le centre, & forment une figure spirale & conique, qui s'élargit à chaque tour, jusqu'à une, deux, & trois palmes
de diamètre, & même davantage, & dure un, deux & trois jours, & plus encore, à proportion de la grandeur qu'on lui a donnée : car on en voit dans des temples, qui durent dix,
vingt & trente jours. Ces machines ou mèches ressemblent à une nasse de pêcheur, ou à une corde entortillée autour d'un cône. On les suspend par le centre, & on les allume par le bout
d'en bas, d'où le feu tourne lentement & insensiblement, suivant tous les tours qu'on a fait faire à cette corde de poudre de bois, sur laquelle il y a ordinairement cinq marques pour
distinguer les cinq parties de la veille ou de la nuit. Cette manière de mesurer le temps est si juste & si certaine, que jamais on n'y remarque aucune erreur considérable. Les lettrés, les
voyageurs, & tous ceux qui veulent se lever à une heure précise pour quelque affaire, suspendent à la marque qui indique l'heure à laquelle ils veulent s'éveiller, un petit poids, qui quand
le feu est arrivé à cet endroit, ne manque pas de tomber dans un bassin de cuivre, qu'ils ont mis au dessous, & de les réveiller par le bruit qu'il fait en tombant. Cette invention supplée à
nos horloges à réveil, avec cette différence, qu'elle est très simple & à si bon marché, qu'une de ces machines qui peut durer vingt-quatre heures, ne coûte qu'environ trois deniers, &
que les horloges sont composées de quantité de roues & d'autres pièces, & sont si chères, qu'elles ne peuvent être employées que par des personnes riches.
Les plus riches marchands de la Chine sont ceux qui sont commerce de sel & de bois ;
aussi n'y a-t-il point de marchandise dont le débit soit plus considérable. Ils vont couper ce bois dans les montagnes de la province de Su chuen sur les frontières de la Chine, du côté de
l'Occident. Après qu'ils l'ont fait voiturer sur le bord du fleuve Kiam, qui par cet endroit entre dans cet empire, ils le mettent en radeaux & le conduisent à peu de frais dans la plupart
des provinces, où ils le distribuent avec de grands profits. La largeur de ces radeaux est d'environ dix pieds, & la longueur est plus grande ou plus petite, à proportion de la richesse du
marchand ; mais les plus longs sont d'un peu plus d'une demi-lieue. Ils s'élèvent au dessus de l'eau de quatre ou cinq pieds, & on les fait de la manière suivante. Ils prennent autant de bois
qu'il est nécessaire pour lui donner la hauteur ou l'épaisseur de quatre ou cinq pieds, & dix de largeur. Ils font des trous aux deux extrémités du bois, ou ils passent des cordes faites de
cannes ou d'osiers tordus. Ils enfilent d'autres bois à ces cordes, laissant continuellement dériver ou descendre le radeau sur la rivière, jusqu'à ce qu'il soit de la longueur qu'ils désirent.
Toutes les parties du radeau composé de cette sorte, se meuvent & se plient aussi facilement quand il en est besoin, que les anneaux d'une chaîne. On met sur le devant quatre ou cinq hommes
avec des rames & des perches pour le gouverner, & le faire aller où ils veulent. Il y en a d'autres tout le long du radeau, dans des distances égales, pour aider à le conduire. Ils
bâtissent au dessus, d'espace en espace, des maisons de bois couvertes de planches ou de nattes, qu'ils vendent toutes entières dans les lieux où ils abordent durant le voyage. Ils dorment &
se mettent à couvert dans ces maisons, ils y font leur cuisine, ils y mangent, & ils y enferment leurs hardes & leurs meubles. Ces marchands apportent des montagnes & des forêts ou
ils prennent le bois, diverses sortes d'herbes médicinales, beaucoup de perroquets, de singes & d'autres choses qu'ils vendent dans les villes & autres lieux où ils passent à des
marchands qui vont ensuite les débiter dans toutes les provinces de l'empire. On amène une grande quantité de ce bois jusqu'à Pe kim, quoique cette ville soit éloignée de plus de sept cents
lieues portugaises des montagnes où on le coupe. On peut juger aisément par ce que je viens de dire, qu'il n'y a point de pays au monde, qui pour la navigation se puisse égaler à la Chine.
Tsùm gin fu est le tribunal des grands qui descendent de père en fils de la famille royale.
Le président est un de ceux qui ont la qualité de roi, & qui est vénérable par son âge & par ses vertus. Il n'est d'aucun des neuf ordres, parce que sa dignité l'élevé au-dessus de tous
les ordres de mandarins. Ses deux assesseurs sont toujours deux seigneurs titrés du sang royal, qui ne sont d'aucun ordre par la même raison que le président. Il y a aussi dans ce tribunal, pour
l'expédition des affaires, quelques mandarins de chacun des six suprêmes tribunaux. Tous ces officiers ont soin de distribuer les pensions aux parents du roi en ligne masculine, qui, soit qu'ils
soient grands seigneurs, ou pauvres & éloignés jusqu'à la quinzième & seizième génération, ont tous quelque pension plus grande ou plus petite, selon leur dignité & leur proximité.
Ils ont tous le privilège de peindre de rouge leurs maisons & leurs meubles ; & comme la famille précédente avait dominé durant deux cent soixante & seize ans, ils s'étaient
multipliés & éloignés de leur tronc de telle sorte, & leurs revenus étaient par conséquent si petits, que plusieurs étaient réduits pour subsister à exercer des arts mécaniques. Lorsque
j'entrai dans cet empire, j'en vis un dans la capitale de la province de Kiam si qui faisait le métier de crocheteur, & qui pour se distinguer de ses camarades portait sur son dos les
instruments de la profession, fort luisants & vernissés de rouge. Il y en avait un nombre infini sous le règne de la famille précédente, répandus dans tout l'empire, qui abusant des
privilèges de leur naissance, commettaient mille insolences & faisaient mille avanies au pauvre peuple ; mais ils ont tous été exterminés jusqu'au dernier, avec la famille dont ils
descendaient. A présent les parents du roi tartare qui gouverne, sont tous grands seigneurs & demeurent à la cour ; mais si leur domination dure longtemps, ils multiplieront en aussi grand
nombre que les précédents. Ce tribunal est encore chargé de juger tous les différends & tous les procès civils & criminels de ces princes du sang, d'ordonner les peines qu'ils méritent,
& de les faire exécuter après en avoir averti l'empereur.
Toutes les autres villes de l'empire ont un tribunal, dont le président s'appelle chi hién,
& est du premier degré du septième ordre. Il a deux assesseurs, dont le premier, qui s'appelle hien chin, est du huitième ordre, & le second qui est du neuvième, s'appelle chú pú. Il y en
a un troisième appelé tien su, qui n'est d'aucun ordre : mais s'il s'acquitte bien de son emploi durant trois ans, le gouverneur de la ville en donne avis à celui de la cité supérieure, &
celui-ci au gouverneur de la capitale. Ce dernier en avertit les deux grands tribunaux de la même capitale, & ceux-ci le viceroi. Le viceroi en écrit au suprême tribunal des mandarins, qui en
donne avis aux conseillers d'État, & ces derniers à l'empereur, lequel ordinairement le fait mandarin du huitième ou du neuvième ordre. C'est là, la route que tiennent les mandarins qui
s'élèvent à de nouvelles dignités ; mais ce bonheur ne leur arrive jamais, s'ils ne l'achètent par des présents proportionnés au profit qu'ils peuvent retirer de leurs emplois ; ce qui se
pratique aussi ouvertement que si c'était une loi bien établie. Cet abus est cause que la justice & les charges sont vendues, comme à l'encan, dans tout l'empire, & encore plus à la cour
: en sorte qu'il n'y a proprement que le roi qui songe au bien public, tous les autres ne pensant qu'à leurs intérêts particuliers.
Voici un exemple de cette manière d'agir, dont j'ai été témoin. Un jeune homme appelé Simon, & fort bon chrétien, fut fait mandarin d'une ville du second ordre, par une grâce particulière que
l'empereur lui fit, à cause que son père viceroi de la province de Xèn si, était mort en combattant contre l'armée des brigands qui s'étaient soulevés. Les trois années de son emploi étant
achevées, il fut élevé à la charge de mandarin d'une ville du premier ordre, & le temps qu'il la devait exercer étant expiré, il se rendit à la cour suivant la coutume, afin de demander
d'être envoyé à une ville plus considérable pour récompense de ses services. Le roi renvoya son affaire au tribunal des mandarins, & aussitôt des courtiers vinrent de la part de ce tribunal,
lui dire, que s'il voulait confiner en main tierce quatorze uán d'argent, qui valent cent mille écus, on lui donnerait le gouvernement de la ville de Pim yâm, en la province de Xan si, qui est
l'une des plus peuplées, des plus marchandes, & des plus riches de tout l'empire. Ce bon chrétien répondit à cette proposition, que s'il avait une pareille somme, ou même une beaucoup
moindre, il ne songerait pas à demander des charges, parce qu'elle lui suffirait pour vivre en repos ; qu'il ne trouvait pas non plus à propos de l'emprunter à gros intérêts, comme beaucoup
d'autres, qui ensuite pour satisfaire leurs créanciers, & assouvir leur avarice, devenaient de véritables tyrans, & des loups affamés qui désolaient les villes, & ruinaient le
misérable peuple, qu'ils étaient obligés de protéger & de défendre ; qu'ainsi on pouvait accorder cet emploi à celui qui le voudrait acheter, & que pour lui il se contenterait de celui
que le sort lui donnerait. C'est la coutume en ces occasions, d'écrire autant de noms de villes qu'il y a de mandarins qui demandent de l'emploi, sur de petites planches qu'on met dans un vase,
& chacun est gouverneur de la ville dont il tire le nom. Toutefois quand un homme est d'accord avec le tribunal, on dispose les planches de telle sorte, qu'il tire ordinairement le nom de la
ville qu'il désire. Cet artifice n'a pourtant pas réussi cette année 1669 à un mandarin, lequel avait donné une somme à un greffier, qui avait promis de lui faire échoir une ville marchande &
peu éloignée ; car il tira le nom d'une misérable ville dans la province de Quei cheu, la plus éloignée & la plus pauvre de tout l'empire. Ce malheureux tout hors de lui-même de ce mauvais
succès, sans respecter le tribunal ni la présence de plus de trois cents mandarins, se leva tout furieux (parce qu'on tire à genoux) poussant un grand cri, & ayant quitté son bonnet & sa
robe, le jeta sur ce greffier, le renversa par terre, & lui donnant mille coups de pied & de poing, lui criait, où est donc imposteur & fourbe que tu es, l'argent que je t'ai donné,
où est la ville que tu m'as promise ?, & beaucoup d'autres choses semblables. Les ministres du tribunal les séparèrent, & on les conduisit tous deux dans les prisons du suprême tribunal
criminel, où ils courent grand risque d'être condamnés à mort, parce que ces sortes de marchés sont défendus par les lois sous peine de la vie, & que les circonstances scandaleuses de cette
action, rendent leur crime beaucoup plus énorme.
Lorsqu'une nouvelle famille s'empare de l'empire, aussitôt elle détermine les jours auxquels
les seigneurs & les mandarins doivent aller rendre leurs devoirs à l'empereur. Cette nouvelle famille des Tartares a choisi le premier, le cinquième, le quinzième & le vingt-cinquième
jour de chaque lune ; & ainsi, chacun de ces jours, tous les grands seigneurs & mandarins de la cour, qui sont au nombre de près de cinq mille, s'assemblent dans les portiques, dans les
salles & dans les chambres qui sont des deux côtés de la cour qui précède la porte du midi, dont nous avons parlé. Ils sont tous couverts de bonnets & de robes très riches en broderie
d'or : mais toutefois différenciées à proportion de leur dignité, que l'on reconnaît par la diversité des bêtes & des oiseaux brodés à trois étages sur leurs bonnets, à leurs deux cotés,
& sur la poitrine, avec des pierres précieuses de figures & de couleurs différente. Au point du jour, le roi part du onzième appartement, où il fait sa demeure, porté dans une magnifique
chaise sur les épaules de seize eunuques, entouré de plusieurs autres personnes. Étant arrivé dans la salle, il s'assied sur un riche trône élevé au milieu, entre six hautes & grosses
colonnes qui paraissent, & qu'on appelle colonnes de fin or, quoiqu'elles ne soient que dorées. Alors un eunuque se met à genoux au devant de la porte, & haussant la voix de toute sa
force, dit d'un ton lent & éclatant Fa lûi, c'est-à-dire, que le Ciel lâche ses tonnerres. Aussitôt on fait retentir la cloche & le grand tambour du palais, des timbales, des trompettes,
des hautbois, & des flûtes & on ouvre tout à la fois & avec précipitation toutes les portes du palais, à la réserve de celles du premier appartement ou portail. Dans le temps que ce
fracas commence, les seigneurs & les mandarins se mettent en marche ; savoir les petits rois ou grands seigneurs du sang royal, & les mandarins de lettres, du côté de l'est, & les
grands seigneurs qui ne sont pas du sang royal, & les mandarins d'armes, du côté de l'ouest. Ils marchent des deux côtés en bel ordre, & d'un pas égal, par des chemins droits pavés de
grandes pierres de marbre, passant par les petites portes qui sont à côté des grandes. Les grands seigneurs montent les degrés & se placent selon leurs dignités sur le terre-plein ou perron
qui est au devant de la grande salle ; & les mandarins à mesure qu'ils arrivent, se postent dans la cour selon leur rang & leurs prééminences dans les lieux destinés pour chacun des neuf
ordres de mandarins, qui sont marqués & écrits sur de petits piliers fort bas. Quand ils sont ainsi disposés des deux côtés de la cour, laissant vide le chemin du milieu, par où le roi a
accoutumé de passer, & qui est plus large & plus élevé que le reste, ils se tournent les uns vers les autres, c'est-à-dire, ceux de l'est vers ceux de l'ouest, & ceux-ci de même vers
ceux de l'est, & aussitôt le bruit de tous ces instruments cesse ; il se fait un grand silence, & tous se tiennent dans un respect & une modestie extraordinaire.
Alors le maître des cérémonies à genoux au milieu du grand degré de la salle, dit avec une voix éclatante & harmonieuse, les paroles suivantes :
— Très haut & très puissant prince, notre souverain seigneur, tous les princes du sang & grands seigneurs, & tous les mandarins de lettres & d'armes, sont arrivés & sont prêts
à vous faire les soumissions qu'ils vous doivent.
Après cela il se lève, & s'étant mis debout sur le côté oriental du degré, il élève de nouveau la voix, & dit Pài pān, c'est-à-dire, mettez-vous en ordre. Aussitôt ils accommodent tous à
leur manière leurs habits, leurs pieds, leurs mains & leurs yeux. Il continue : Chuên xin, tournez-vous ; & ils se tournent dans le moment vers la salle impériale ; Qùei, mettez-vous à
genoux ; ce qu'ils sont tous ; Kéù téû, touchez la terre avec la tête ; ils la touchent ; Ki lâi, levez-vous & ils se lèvent. Ensuite il dit Yé, c'est-à-dire mettez les bras en arc, joignant
les mains & les levant jusqu'au haut de la tête, & la baissant en cet état jusqu'aux genoux ; & cela étant fait, remettez-vous de bonne grâce comme vous étiez : car la lettre Ye toute
seule signifie cette sorte de révérence. Ils font trois fois cette cérémonie, après quoi ils se mettent tous à genoux, & alors le maître des cérémonies crie Kéù téû, touchez de la tête contre
terre, & ils le font ; Tsài kéù téû touchez une seconde fois, Yéu kéù téû, touchez une troisième fois ; ce qu'ils sont tous. Quand ils battent les deux premières fois la terre avec le front,
ils disent à basse voix Ván sui, c'est-à-dire, dix mille ans ; mais à la troisième ils disent, Ván sui van ván sui, ou dix mille ans dix milliers de milliers données ; car dix mille ans est le
nom de l'empereur. Ce dernier prosternement étant fait, le maître des cérémonies répète Ki lâi, levez-vous, Chuen xin, tournez-vous, & ils se tournent les uns vers les autres ; & enfin
Quei pan, mettez-vous en ordre, & ils se remettent en leurs places, redressant leurs rangs & leurs files.
Cependant le maître des cérémonies se met de nouveau à genoux, & avec la même voix respectueuse & éclatante il dit Chaò y pi, c'est-à-dire, très puissant seigneur, les cérémonies de cette
soumission qui vous était due sont achevées. Alors on sonne de nouveau tous les instruments, & cependant le roi descend de son trône, & s'en retourne de la même manière qu'il était venu ;
les grands & les mandarins font la même chose, & se retirent dans les salles & les chambres de la cour qui est devant le portail du midi, où ils se reposent & quittent les habits
de cérémonies qu'ils avaient pris en venant au palais, qui sont différents de leurs habits ordinaires & beaucoup plus riches. Toutefois pas un d'entre eux n'oserait les porter de couleur
jaune, à peine d'être rigoureusement puni parce que les Chinois disent que le jaune est la reine des couleurs, puisque l'or, qui sans difficulté est le roi des métaux, l'a préférée à toutes les
autres, & que par conséquent elle doit être réservée à l'empereur. En effet il paraît toujours en public avec une robe longue jusqu'à terre, de cette couleur, à fond de velours, relevé de
quantité de petits dragons à cinq ongles en broderie d'or & d'un beau dessin, qui la couvrent toute. Deux grands dragons opposés l'un à l'autre remplissent avec leurs corps & leurs queues
entortillées les côtés & le devant de la poitrine, & semblent vouloir saisir avec les dents & les griffes une belle perle qui paraît tomber des nues, pour faire allusion à ce que
disent les Chinois, que le dragon se joue avec les nuées & avec les perles. Son bonnet, ses bottines, sa ceinture, en un mot tous ses vêtements sont précieux & magnifiques, & marquent
beaucoup de grandeur & de majesté.
L'empereur sort de son palais en deux manières. La première, quand il va à la chasse ou à la
promenade ; ce qui est considéré comme une action privée, & alors il n'est accompagné que de sa garde, & des princes du sang & autres grands seigneurs, qui marchent devant, derrière,
ou à côté, selon leur rang & leurs prééminences. Cette suite est d'environ deux mille hommes, tous à cheval & magnifiques en leurs habits, en leurs armes, & dans les harnais de leurs
chevaux, où l'on ne voit qu'étoffes de soie, broderies d'or & d'argent & pierres précieuses. Certainement, après l'avoir bien considéré, je doute qu'aucun prince de la terre paraisse
jamais dans une cavalcade avec une pompe pareille à celle que nous voyons en cette cour, quand l'empereur sort de son palais & de la ville, pour se divertir dans ses jardins & dans ses
parcs, ou pour chasser à la campagne dans les bois, ou dans les montagnes.
La seconde manière est, quand l'empereur sort pour faire quelque sacrifice, ou pour quelque autre fonction publique, & alors il marche de cette sorte.
Premièrement on voit paraître vingt-quatre hommes avec de grands tambours, en deux files de douze chacune, comme tous ceux qui suivent.
Deuxièmement, vingt-quatre trompettes, douze par bande. Ces instruments sont faits d'un bois appelé V tum xú, fort estimé des Chinois, qui disent que quand l'oiseau du soleil veut se reposer, il
le fait sur les branches de cet arbre. Ces trompettes ont plus de trois pieds de longueur, & presque un palme de diamètre à l'embouchure. Elles ont la forme d'une cloche, sont ornées de
cercles d'or, & s'accordent au bruit & à la mesure des tambours.
Troisièmement vingt-quatre bâtons, douze par bande, longs de sept à huit pieds, vernissés de rouge, & ornés de feuillages dorés avec leurs extrémités de même.
Quatrièmement, cent hallebardes cinquante par bande, avec leurs fers en forme de croissant.
Cinquièmement, cent masses de bois dorées, cinquante par bande, avec des bâtons de la longueur d'une lance.
Sixièmement, deux perches royales appelées cassi, vernissées de rouge avec des fleurs, & les extrémités dorées.
Septièmement, quatre cents grandes lanternes, richement ornées, & curieusement travaillées.
Huitièmement, quatre cents flambeaux fort enjolivés, & faits d'un bois qui conserve longtemps le feu & rend une grande clarté.
Neuvièmement, deux cents lances, ornées au bas du fer, les unes de flocons de soie de diverses couleurs les autres de queues de panthères, de loups, de renards & d'autres animaux.
Dixièmement, vingt-quatre bannières, sur lesquelles sont peints les lignes du zodiaque, que les Chinois divisent en vingt-quatre parties, au lieu que nous ne le divisons qu'en douze.
Onzièmement, cinquante-six bannières, où sont les cinquante-six constellations, auxquelles les Chinois réduisent toutes les étoiles.
Douzièmement, deux cents grands éventails, soutenus par de longs bâtons, dorés & peints de diverses figures de dragons, d'oiseaux, du soleil & d'autres animaux.
Treizièmement vingt-quatre parasols richement ornés, & toujours en deux bandes, comme il a été dit.
Quatorzièmement, huit sortes d'ustensiles, dont le roi se sert ordinairement, comme une nappe, un bassin d'or, une aiguière de même matière, & autres choses semblables.
Quinzièmement, dix chevaux blancs comme neige, avec des selles & des brides, ornées d'or, de perles & de pierres précieuses.
Seizièmement, on voit sortir cent lanciers, & des deux côtés en dedans les pages de la chambre de l'empereur, & au milieu l'empereur lui-même, avec un air grave & majestueux, sur un
très beau cheval, & couvert d'un parasol d'une beauté & d'une richesse incroyable, & si grand qu'il fait ombre au roi & au cheval.
Dix-septièmement, les princes du sang, les petits rois, & un grand nombre de grands seigneurs, superbement vêtus & rangés des deux cotés, par rangs & par files selon leurs
prééminences.
Dix-huitièmement, cinq cents jeunes gentilshommes de l'empereur, richement habillés.
Dix-neuvièmement, mille hommes, cinq cents par bande, appelés hiaó gûei ; c'est-à-dire valets de pied, vêtus de robes rouges, brodées de fleurs & d'étoiles d'or & d'argent, avec des
bonnets ornés de longues plumes droites.
Vingtièmement, une chaise découverte portée par trente-six hommes, suivie d'une seconde couverte, grande comme une chambre, & portée par cent vingt hommes.
Vingt-unièmement, deux vastes chariots, tirés chacun par deux éléphants.
Vingt-deuxièmement, un grand chariot tiré par huit chevaux, & un autre plus petit par quatre. Tous ces chariots ou carrosses, les éléphants & leurs gouverneurs, les chevaux & leurs
cochers, sont richement couverts, & chaque chaise & chaque chariot est suivi d'un capitaine avec cinquante soldats.
Vingt-troisièmement, deux mille mandarins de lettres, mille par bande.
Vingt-quatrièmement, deux mille mandarins d'armes, les uns & les autres magnifiquement habillés de leurs robes de cérémonie. Ces derniers terminent le superbe cortège de l'empereur, quand il
sort en public.