Jean-Baptiste Du Halde : Description de l'empire de la Chine

DESCRIPTION géographique, historique, chronologique, politique, et physique DE L’EMPIRE DE LA CHINE et de la Tartarie chinoise

 

A Paris, chez P. G. LEMERCIER, Imprimeur-libraire, rue Saint-Jacques, au livre d'Or. MDCCXXXV.

 

Jean-Baptiste Du Halde : "Jésuite ; quoiqu'il ne soit point sorti de Paris, et qu'il n'ait point su le chinois, a donné sur les Mémoires de ses confrères la plus ample et la meilleure description de l'empire de la Chine qu'on ait dans le monde." (Voltaire, Le siècle de Louis XIV)

 

Table des matières

 

Il y aura à la tête de l’ouvrage & avant la préface une première carte générale, qui comprend la Chine, la Tartarie, la Corée, le Royaume de Thibet & autres pays de la Tartarie, jusqu’à la Mer Caspienne.

Après la préface sera la carte générale de la Chine. Puis viendront toutes les matières qu’on traite en autant d’articles séparés dans l’ordre suivant.

Idée générale de l’empire de la Chine, qui représente sommairement & en gros ce qu’on expliquera plus en détail dans le cours de l’ouvrage.

Description détaillée de la grande & fameuse Muraille qui sépare la Chine de la Tartarie, avec le plan d’une partie de cette Muraille, & des forts qui la soutiennent du côté de Yong-ping-fou.
 
Histoire abrégée
1° Des peuples Si-fan ou Tou-fan, qui formaient anciennement un vaste royaume, redoutable même aux empereurs de la Chine, mais que des divisions intestines ont forcé dans la suite à se soumettre à la domination chinoise.
2° De la nation des Lo-los, autrefois indépendante, & maintenant soumise à l’empereur de la Chine.
3° De la nation des Miao-Ssee, dont les uns sont soumis, & les autres vivent dans l’indépendance à l’abri des montagnes inaccessibles qu’ils habitent.

Route que tinrent les pères Bouvet, Fontaney, Gerbillon & le Comte, depuis le port de Ning-po jusqu’à Peking, avec une description très exacte & très circonstanciée de tous les lieux par où ils passèrent dans les provinces de Tche-kiang, de Kiang-nan, de Chan-tong, & de Pe-tche-li.
Route que tint le père Fontaney, depuis Peking jusqu’à Kiang-tcheou dans la province de Chan-si, & depuis Kiang-tcheou jusqu’à Nan-king, capitale de la province de Kiang-nan.
Route que tint le père Bouvet depuis Peking jusqu’à Canton, lorsqu’il fut envoyé par l’empereur Cang-hi en Europe en l’année 1693.
Route depuis Siam jusqu’à la Chine, titrée des mémoires de quelques Chinois qui en ont fait le chemin.
On y a remarqué avec tant de soin tout ce qui concerne la nature du pays, & jusqu’aux moindres particularités qui s’y trouvent, qu’en les lisant il semble qu’on fasse soi-même ces voyages.

Description géographique des quinze provinces de la Chine, & des principales villes de chaque province. Après la description de chacune de ces provinces, on trouvera la carte particulière de la province avec le plan de quelques unes de ses villes.
 
De l’antiquité & de l’étendue de la monarchie chinoise. — De l’autorité de l’empereur, des sceaux de l’empire, de ses dépenses ordinaires, de son palais, de ses équipages & de sa marche lorsqu’il sort de son palais. —
De la forme du gouvernement de la Chine, des différents tribunaux, des mandarins & des honneurs qu’on leur rend, de leur pouvoir, & de leurs fonctions. — Du gouvernement militaire, des forces de l’empire, des forteresses, des gens de guerre, de leurs armes, & de leur artillerie. — De la police de la Chine, soit dans les villes pour y maintenir le bon ordre, soit dans les grands chemins pour la sûreté & la commodité des voyageurs, des douanes, des postes, &c.
De la noblesse. De la fertilité des terres, de l’agriculture, & de l’estime qu’on fait de ceux qui s’y appliquent. — De l’adresse des artisans, & de l’industrie du menu peuple. — Du génie & du caractère de la nation chinoise.
De l’air & de la physionomie des Chinois, de leurs modes, de leurs maisons & des meubles dont elles sont ornées. — De la magnificence des Chinois dans leurs voyages, dans les ouvrages publics, tels que sont les ponts, les arcs de triomphe, les portes, les tours & les murs des villes ; dans leurs fêtes, &c.
Des cérémonies qu’ils observent dans leurs devoirs de civilités dans leurs visites, & les présents qu’ils se font les uns aux autres ; dans les lettres qu’ils s’écrivent ; dans leurs festins ; dans leurs mariages & dans leurs funérailles.
Des prisons où l’on renferme les criminels, de l’ordre qui s’y observe, & des châtiments dont on les punit. — De l’abondance qui se trouve à la Chine, & ce qu’elle produit d’utile aux besoins & aux délices de la vie. — Des lacs & des rivières dont l’empire est arrosé, des barques & des vaisseaux, ou sommes chinoises.
De la monnaie qui en différents temps a eu cours dans l’empire ; on en gravera quelques-unes des plus extraordinaires. — Du commerce des Chinois, soit au dedans de la Chine, soit au dehors ; & comme ce commerce consiste principalement dans les ouvrages de vernis, dans la porcelaine, & dans les soieries, on expliquera comment se fait leur vernis & leur porcelaine, à quoi l’on ajoutera l’extrait d’un ancien livre chinois qui enseigne la manière d’élever & de nourrir les vers à soie, pour l’avoir & meilleure & plus abondante ; — Du génie de la langue chinoise, & de la manière de prononcer & d’écrire les mots chinois en caractère d’Europe.

Abrégé de la grammaire chinoise.  — Du papier, de l’encre & des pinceaux, de l’imprimerie & de la reliure chinoise. — De quelle manière on fait étudier les jeunes Chinois, des divers degrés par où ils passent & combien ils ont d’examens à soutenir pour parvenir au doctorat.  — Extrait d’un livre chinois sur l’établissement des écoles publiques, qui contient : 1° La forme de cet établissement, le choix des maîtres, & l’ordre qu’on y doit observer pour l’instruction des enfants. 2° Quelques exemples d’un recueil d’histoires courtes & à la portée des enfants, qu’on doit leur faire apprendre pour les former aux bonnes mœurs. 3° L’examen des étudiants qui aspirent aux divers degrés, & comment il se doit faire. 4° Le modèle d’un discours tel qu’on peut le faire dans le Hio, ou salle des assemblées des lettrés. 5° Le projet & les règlements d’une académie ou société de savants.

De la littérature chinoise.
On donne le précis de ces livres si anciens, & que les Chinois révèrent infiniment tant à cause de leur ancienneté, que pour l’excellente doctrine qu’il prétendent y être enseignée. Ils les appellent Ou-King, c’est-à-dire les cinq livres par excellence. Ces livres qu’ils regardent comme canoniques du premier ordre sont :
1° L’y-King qui est un ouvrage purement symbolique, dont on donne la connaissance qu’en ont les Chinois.
2° Le Chu-King, qui contient ce qui s’est passé de mémorable sous les premiers empereurs & législateurs de la nation chinoise, leurs instructions sur le gouvernement, leurs lois, & leurs règlements pour les mœurs, dont ces premiers héros ont été autant de modèles. Outre le précis qu’on donne de la doctrine de ce livre, on en rapporte divers extraits.
3° Le Chi-King, qui contient des odes ou des poésies où l’on fait l’éloge des hommes illustres, & où l’on établit les lois & les coutumes de l’empire. On a fait choix de quelques-unes de ces odes qu’on a fidèlement traduites.
4° Le Tchun-tsiou, qui est inférieur aux trois premiers, mais qui ne laisse pas d’être fort estimé des savants. Il contient les annales du royaume de Lou, maintenant la province de Chan-tong.
5° Le Li-ki, qui est comme un mémorial des lois, des cérémonies, & des devoirs de la vie civile.

Après avoir fait le précis de ces livres, qui sont d’une antiquité très reculée, & qu’on appelle Canoniques du premier ordre, on vient aux quatre livres classiques ou Canoniques du second ordre, appelés Sse-Chu lesquels ne sont à proprement parler que des explications & des maximes fondées sur ces anciens monuments. Ces livres sont de Confucius, ou ont été recueillis par ses disciples des maximes & des entretiens de ce philosophe. On suit par ordre les chapitres ou les articles de chacun de ces livres, & l’on donne en abrégé ce qu’ils ont de plus essentiel.

On commence d’abord par la vie de Confucius ce célèbre philosophe, que les Chinois regardent comme leur maître, & pour lequel ils ont la plus profonde vénération.

On vient ensuite à ses ouvrages. Le premier, s’appelle Ta-hìo ; c’est-à-dire, la grande science, ou la science des adultes.
Le second, se nomme Tchong-yong, qui signifie le milieu immuable, ce juste milieu qui se trouve entre deux choses extrêmes, & en quoi consiste la vertu.
On nomme le troisième, Lun-yu, c’est-à-dire discours moraux & sentencieux.
Le quatrième, est intitulé Meng-tsee ou livre du philosophe Mencius, qui donne l’idée d’un parfait gouvernement.

Après avoir parlé de ces quatre livres, on passe à deux autres qui sont fort estimés, & que les Chinois mettent au nombre des livres Classiques.
Le premier, s’appelle Hiao-King ; c’est-à-dire, du respect filial, & contient les réponses que fit Confucius à son disciple Tseng.
Le second, se nomme Siao-Hio, qui signifie la science ou l’école des enfants.

C’est là proprement ce qu’on appelle la science chinoise, qui renferme les principes fondamentaux de leur gouvernement, & qui maintient un si bel ordre dans l’empire. Cette partie qui pourrait paraître sèche & ennuyeuse, sera peut-être celle qui occupera le plus agréablement le lecteur, & on se persuade que l’ingénieux écrivain des Œuvres mêlées, s’il vivait encore, changerait de sentiments & d’idée sur la doctrine du célèbre philosophe Confucius.
Mais comme on pourrait se figurer que le gouvernement de la Chine, appuyé d’abord sur ces principes, a dû s’affaiblir pendant une si longue suite de siècles, & sous tant de différents règnes, les Chinois eux-mêmes nous apprendront qu’ils ne se sont jamais relâchés de la sagesse de ces maximes. C’est ce qu’on verra en parcourant chaque dynastie dans un recueil fait par les ordres & sous les yeux de l’empereur Cang-hi dont le règne qui a précédé celui d’aujourd’hui, a été si long & si glorieux.


On trouve dans ce recueil qui est traduit avec beaucoup d’exactitude. 1° Les édits, les déclarations, les ordonnances, & les Instructions de différents empereurs, envoyées aux rois ou aux princes tributaires, soit sur le bon & le mauvais gouvernements & sur le soin de se procurer pour ministres des gens de mérite ; soit pour recommander aux peuples le respect filial & l’application à l’agriculture & aux magistrats le désintéressement & l’amour des peuples. 3° Des discours des plus habiles ministres tantôt au sujet des calamités publiques & des moyens de soulager les peuples & de fournir à leurs besoins, tantôt sur l’art & la difficulté de régner, sur la guerre, sur l’avancement des lettrés, sur les qualités propres d’un ministre ; ou bien contre les sectes qui corrompaient l’ancienne doctrine, & surtout contre la secte de l’idole Foe, ou comme d’autres l’appellent Fo ; sur la fausseté des augures, & contre ceux qui les font valoir, &c. La plupart de ces pièces sont terminées par de courtes réflexions de l’empereur Cang-hi, qui les a écrites du pinceau rouge, c’est-à-dire, de sa propre main.
On joint à ce curieux recueil des extraits d’une compilation faite sous la dynastie des Ming, où l’on traite des devoirs des souverains, des ministres d’État, des généraux d’armée, & du choix qu’on en doit faire, de la politique, des princes héritiers, des remontrances faites aux empereurs par leurs ministres, du bon gouvernement, des filles des empereurs, de ceux qui abusent de la faveur du prince avec différents discours des ministres les plus distingués concernant le bien de l’État.


On y ajoute un autre extrait d’un livre Chinois intitulé, Les femmes fortes, où l’on verra que sous différents règnes, les dames chinoises se sont conduites & ont gouverné leurs familles selon ces maximes.
On jugera aisément par cette espèce de tradition que les principes fondamentaux du gouvernement, s’étant toujours maintenus à la Chine par une observation constante, il n’est pas surprenant qu’un si vaste État ait subsisté depuis tant de siècles, & subsiste encore dans tout son éclat.


Des religions approuvées ou tolérées à la Chine. On expose selon l’ordre des temps la doctrine des différentes sectes de cet Empire & l’on traite : 1° Du culte des anciens Chinois. 2° De la secte des Tao-ssee, dont on décrit le système. 3° De la secte de l’idole Foe dont on explique ce que ces idolâtres appellent doctrine intérieure & doctrine extérieure. 4° De la secte de quelques lettrés modernes qui se sont fait une espèce de philosophie, au moyen de laquelle en s’attachant moins au texte des anciens livres qu’à la glose & aux commentaires de quelques auteurs récents, ils prétendent tout expliquer par les causes naturelles. Et pour mieux faire sentir jusqu’où s’égarent ces demi-savants, on donne la traduction d’un de leurs ouvrages.
Dialogue où un philosophe chinois moderne expose son système sur l’origine & sur l’état du monde.
Histoire de l’établissement de la religion chrétienne à la Chine, & des progrès qu’elle y a fait jusqu’à présent.

De la philosophie morale des Chinois, & en quoi elle consiste. On ne peut en être mieux instruit que par les Chinois mêmes, & c’est pour quoi l’on donne la traduction de deux ouvrages qui renferment les principes de leur morale & dont les Auteurs sont très célèbres.
Le premier & le plus ancien, est intitulé : Recueil de maximes, de réflexions, & d’exemples en matière de mœurs.
Le second, lequel a été composé tout récemment par un philosophe moderne qui est en grande réputation, a pour titre : Caractères & mœurs des Chinois. Il traite en autant de chapitres. 1° Des devoirs des parents & des enfants, des frères entr’eux, du mari & de la femme, des amis & des proches. 2° De ce qu’il faut faire pour régler son cœur. 3° Du soin de perfectionner son extérieur. 4° De l’amour des Lettres. 5° De la manière de gouverner sa maison, & l’appartement séparé des femmes. 6° Des maisons de ville & de campagne. 7° Des règles de conduite auxquelles on ne fait pas assez d’attention. 8° Des entretiens qu’on a dans le commerce de la vie. 9° Des devoirs dé la vie privée. 10° De la lecture des livres. 11° De la manière de se conduire dans l’usage du monde. 12° De la persévérance dans la pratique du bien. 13° De la civilité & de ses devoirs. 14° De la modération & du milieu qu’il faut tenir en toutes choses. 15° De la manière dont il faut se comporter avec les gens de différents caractères. 16° Enfin des ouvrages d’esprit & de quelques règles de conduite.


De la connaissance des Chinois dans les autres sciences, telles que sont la logique, la rhétorique, la musique, la géométrie, l’astronomie, &c. à quoi l’on ajoutera en détail ce que firent les premiers missionnaires jésuites pour les aider à perfectionner ces sciences & pour leur apprendre les autres parties des mathématiques qu’ils ignoraient.

Du goût des Chinois pour la poésie & pour l’histoire
, soit pour l’histoire universelle de leur nation, soit pour composer de petites histoires semblables à nos romans, mais lesquelles bien que mêlées d’un grand nombre d’incidents qui surprennent, n’ont pour but que la fuite d’un vice ou la pratique d’une vertu. Afin de connaître le génie qu’ont les Chinois pour ces sortes d’histoires, on en rapporte quatre qui sont exactement traduites, & qu’on lira avec plaisir.
La première, fait voir qu’en pratiquant la vertu on illustre la famille.
La seconde, raconte un jugement où le crime étant d’abord absous, le Ciel, au moment qu’il triomphe, le confond & le punit.
Dans la troisième, l’innocence accablée & prête à succomber, vient tout à coup à être reconnue par une protection particulière du Ciel.
La quatrième est d’un philosophe, qui après les bizarres obsèques de sa femme s’adonne à la philosophie & devient très célèbre.

De la médecine des Chinois : système général de leurs médecins. Ce qu’ils ont de singulier, savoir leur habileté à juger des maladies par les battements du pouls, & à connaître l’utilité des simples pour composer leurs remèdes. Trois ouvrages de médecins chinois en ce genre, feront connaître l’idée qu’on doit se former de leur science en fait de médecine.
Le premier, est un traité intitulé Le secret du pouls. L’auteur est très ancien, & a composé cet ouvrage quelques siècles avant l’ère chrétienne.
Le second, est un extrait de l’Herbier chinois.
Le troisième, est un recueil de plusieurs recettes de ces médecins, propres à guérir diverses maladies.

Cartes générales de la Tartarie chinoise. — Observations géographiques sur la Tartarie, faites par les missionnaires qui en ont dressé les cartes. — Mémoire géographique sur les terres occupées par les princes mongous, rangés sur 49 Ki, c’est-à-dire, sous 49 étendards ou bannières.
Observations historiques sur la Tartarie. — Premier voyage du père Verbiest dans la Tartarie orientale à la suite de l’empereur en l’année 1682. — Second voyage du même à la suite de l’empereur dans la Tartarie occidentale en l’année 1683. — Autres voyages faits par le père Gerbillon en Tartarie, soit à la suite de l’empereur, soit par son ordre. — Suivent les douze cartes particulières de la Tartarie.
Ces voyages sont écrits en forme de journal, & l’on marque jour par jour & dans le plus grand détail tout ce qui concerne un pays si peu connu jusqu’ici.

Carte du Royaume de Corée. — Observations géographiques sur le royaume de Corée. — Histoire abrégée de ce royaume, tirée de l’histoire des Chinois.

Carte générale du Thibet. — Observations sur la carte du Thibet, contenant les terres du grand lama & des pays voisins qui en dépendent jusqu’à la source du Gange. — Neuf cartes particulières de ce royaume.

Fastes de la monarchie chinoise, où l’on voit en abrégé & selon l’ordre chronologique ce qui s’est passé de plus remarquable sous chaque empereur.

Virgile Pinot : Une « artificieuse relation »


Comme les Lettres édifiantes, ainsi que le dit Saint-Simon, [La Description de la Chine] est une « artificieuse relation » et pour les mêmes raisons. Les principes qui poussent le père du Halde à corriger ou à altérer les textes qu’il a sous les yeux sont ceux-là mêmes qui guidaient autrefois le reviseur du Sinarum Philosophus ; ce sont aussi les mêmes règles que suivait le père du Halde pour la publication des Lettres édifiantes.


Il ne faut absolument pas laisser supposer que les Chinois sont superstitieux, qu’ils croient à la magie, aux esprits, aux démons. Il faut marquer très nettement qu’ils sont spiritualistes, qu’ils croient en un Dieu personnel, et cela depuis la plus haute antiquité, depuis l’origine même de la nation chinoise. En somme, il faut défendre à tout prix, même si les Jésuites de Pékin ou de Canton disent le contraire, les idées qui ont toujours été soutenues par les Jésuites depuis qu’il y a une Querelle des Cérémonies chinoises. La Description de la Chine est elle aussi une défense des Jésuites.


En même temps, c’est l’œuvre d’un homme prudent qui ne veut pas prendre parti dans les questions dangereuses, où tous les Jésuites eux-mêmes ne sont pas d’accord, comme celle de la chronologie chinoise, ou dans les questions épineuses comme celle de la rivalité des PP. de Pékin et des figuristes. L’ouvrage du père du Halde perd par là beaucoup de sa précision. A cet égard, nous devons approuver le jugement de Fréret  : la Description de la Chine, à l’époque à laquelle elle parut, n’apportait rien de bien nouveau aux savants. C’était une mise au point pour les demi-savants ou pour les gens du monde de ce qu’il y avait de plus intéressant dans les écrits antérieurs des Jésuites sur la Chine : Nouveaux Mémoires du père Le Comte ou Lettres édifiantes. C’était une somme des connaissances acquises mais dont quelques-unes étaient acquises depuis longtemps déjà : ce n’était pas une révélation. Le père du Halde est dépassé par ses confrères de Pékin, et, grâce à eux, par des savants comme Mairan, Fréret, de l’Isle, qui ont été directement en relations avec les missionnaires. Quant au public qui n’a pas de correspondance avec Pékin, le père du Halde reste malgré tout une source importante pour la connaissance de la Chine ancienne et moderne, d’ailleurs la seule qui soit accessible. Mais cette source n’est pas absolument pure, les philosophes qui y puiseront verront les Chinois, de gré ou de force, à travers les idées des Jésuites.


Voir les pages correspondantes au :
Tome premier - Tome second - Tome troisième - Tome quatrième